Poil de Carotte (théâtre)

La bibliothèque libre.
Librairie Olendorff (p. 91-171).



POIL DE CAROTTE


COMÉDIE EN UN ACTE


Représentée, pour la première fois, le 2 mars 1900

au théâtre Antoine.



À NOTRE ANTOINE


PERSONNAGES


MONSIEUR LEPIC M. Antoine


POIL DE CAROTTE M"« Suzanne Desprês.


MADAME LEPIC Eilen Andrée.


ANNETTE Renée Maupin.


La scène se passe à une heure de l’après-midi, dans un village de la Nièvre.


POIL DE CAROTTE


Une cour bien « meublée », entretenue par Poil de Carotte. À droite, un tas de fagots rangés par Poil de Carotte. Une grosse bûche où Poil de Carotte a l’habitude de s’asseoir. Une brouette et une pioche.

Derrière le tas de fagots, en perspective jusqu’au fond de la cour, une grange et des petits « toits », toit des poules, toit des lapins, toit du chien. — C’est dans la grange que Poil de Carotte passe le meilleur de ses vacances, par les mauvais temps.

Un arbre au milieu de la cour, un banc circulaire au pied de l’arbre.

À gauche, la maison des Lepic, vieille maison à mine de prison. Un rez-de-chaussée surélevé. Murs presque aussi larges que hauts.

Au premier plan, l’escalier. Six marches et deux rampes de fer. Porte alourdie de clous. Marteau.

Une culotte de chasseur, garnie de boue, est accrochée au mur.

Au deuxième plan, une fenêtre avec des barreaux et des volets, d’où madame Lepic surveille d’ordinaire Poil de Carotte. Un puits formant niche dans le mur.

Au fond, à gauche, une porte pleine dans un pan de mur. C’est par cette porte qu’entre et sort le monde, librement. Pas de sonnette. Un loquet.

Au fond, à droite, une grille pour les voitures, puis la rue et la campagne, un clair paysage de septembre : noyers, prés, meules, une ferme.




SCÈNE I


POIL DE CAROTTE, MONSIEUR LEPIC


Poil de Carotte, nu-tête, est habillé maigrement. Il use les effets que son frère Félix a déjà usés. — Une blouse noire, une ceinture de cuir noir avec l’écusson jaune des collégiens, un pantalon de toile grise trop court, des chaussons de lisière ; pas de cravate à son col de chemise étroit et mou. Cheveux souples comme paille et couleur de la paille quand elle a passé l’hiver dehors, en meule.

M. Lepic : veston et culotte de velours, chemise blanche de « Monsieur » empesée et un gilet, pas de cravate non plus, une chaîne de montre en or. Un large chapeau de paille, des galoches, puis des souliers de chasse.

Au lever du rideau. Poil de Carotte, au fond, donne de l’herbe à ses lapins. Il vient au premier plan couper avec une pioche les herbes de la cour. Il pioche, plein d’ennui, près de sa brouette. — M. Lepic ouvre la porte et paraît sur la première marche de l’escalier, un journal à la main. En entendant ouvrir la porte. Poil de Carotte a peur. Il a toujours peur.

MONSIEUR LEPIC

À qui le tour de venir à la chasse ?

POIL DE CAROTTE

C’est à moi.

MONSIEUR LEPIC

Tu es sûr ? POIL DE CAROTTE POIL DE CAROTTE Oui, papa, tu as emmené mon frère Félix la der- nière fois, et il vient de sortir avec ma mère qui allait chez monsieur le curé. Il a emporté ses v gnes : il péchera toute la soirée, au moulin. MONSIEUR LEPIC Et toi, que fais-tu là ? POIL DE CAROTTB Je désherbe la cour. MONSIEUR LEPIC Tout de suite après déjeuner ? C’est mauvais pour la digestion. POIL DE CAROTTE Ma mère dit que c’est excellent. (Il jette la pioche :) P.ir tons -nous ? MONSIEUR LEPIC Oh ! pas si vite. Le soleil est encore trop chaud. Je vais lire le journal et me reposer. POIL DE CAROTTE, avec regret. Comme tu voudras. (Il ramasse sa pioche.) C’est sûr que nous irons ? MONSIEUR LEPIC A moins qu’il ne pleuve. POIL DE CAROTTE, regardant le ciel. Ce n’est pas la pluie que je crains... Tu ne par- tiras pas sans moi ? 7 MONSIEUR LEPIC

Tu n’as qu’à rester là. Je te prendrai

POIL DE CAROTTE

Je suis prêt. Je n’ai que ma casquette et me ? souliers à mettre... Et si tu sors par le jardin P..

MONSIEUR LEPIC

Tu m’entendras siffler le chien.

POIL DE CAROTTE

Tu me siffleras aussi ?

MONSIEUR LEPIC

Sois tranquille,

POIL DE CAROTTE

Merci, papa. Je porterai la carnassière.

MONSIEUR LEPIC

Je te la prête. J’ai assez de mon fusil.

POIL DE CAROTTE

Moi, je prendrai un bâton pour taper sur les haies et faire partir les lièvres. A tout à l’heure, papa. En t’attendant, je désherbe ce coin-là.

MONSIEUR LEPIC

Ça t’amuse ?

POIL DE CAROTTE

Ça ne m’ennuie pas. C’est fatigant au soleil. Page:Renard - Comedies.djvu/105 Page:Renard - Comedies.djvu/106 Page:Renard - Comedies.djvu/107 Page:Renard - Comedies.djvu/108 Page:Renard - Comedies.djvu/109 Page:Renard - Comedies.djvu/110 Page:Renard - Comedies.djvu/111 Page:Renard - Comedies.djvu/112 Page:Renard - Comedies.djvu/113 Page:Renard - Comedies.djvu/114 Page:Renard - Comedies.djvu/115 Page:Renard - Comedies.djvu/116 Page:Renard - Comedies.djvu/117 Page:Renard - Comedies.djvu/118 Page:Renard - Comedies.djvu/119 Page:Renard - Comedies.djvu/120 Page:Renard - Comedies.djvu/121 Page:Renard - Comedies.djvu/122 Page:Renard - Comedies.djvu/123 Page:Renard - Comedies.djvu/124 Page:Renard - Comedies.djvu/125 Page:Renard - Comedies.djvu/126 Page:Renard - Comedies.djvu/127 Page:Renard - Comedies.djvu/128 Page:Renard - Comedies.djvu/129 Page:Renard - Comedies.djvu/130 Page:Renard - Comedies.djvu/131 Page:Renard - Comedies.djvu/132 Page:Renard - Comedies.djvu/133 Page:Renard - Comedies.djvu/134 Page:Renard - Comedies.djvu/135 Page:Renard - Comedies.djvu/136 Page:Renard - Comedies.djvu/137 Page:Renard - Comedies.djvu/138 Page:Renard - Comedies.djvu/139 Page:Renard - Comedies.djvu/140 Page:Renard - Comedies.djvu/141 Page:Renard - Comedies.djvu/142 Page:Renard - Comedies.djvu/143 Page:Renard - Comedies.djvu/144 Page:Renard - Comedies.djvu/145 Page:Renard - Comedies.djvu/146 Page:Renard - Comedies.djvu/147 Page:Renard - Comedies.djvu/148 Page:Renard - Comedies.djvu/149 Page:Renard - Comedies.djvu/150 Page:Renard - Comedies.djvu/151 Page:Renard - Comedies.djvu/152 Page:Renard - Comedies.djvu/153 Page:Renard - Comedies.djvu/154 Page:Renard - Comedies.djvu/155 Page:Renard - Comedies.djvu/156 Page:Renard - Comedies.djvu/157 Page:Renard - Comedies.djvu/158 Page:Renard - Comedies.djvu/159 Page:Renard - Comedies.djvu/160 Page:Renard - Comedies.djvu/161 Page:Renard - Comedies.djvu/162 Page:Renard - Comedies.djvu/163 Page:Renard - Comedies.djvu/164 Page:Renard - Comedies.djvu/165 Page:Renard - Comedies.djvu/166 Page:Renard - Comedies.djvu/167 Page:Renard - Comedies.djvu/168 Page:Renard - Comedies.djvu/169 Page:Renard - Comedies.djvu/170 Page:Renard - Comedies.djvu/171 Page:Renard - Comedies.djvu/172 Page:Renard - Comedies.djvu/173 Page:Renard - Comedies.djvu/174 Page:Renard - Comedies.djvu/175 Page:Renard - Comedies.djvu/176

MONSIEUR LEPIC

La plus simple, la mienne.

POIL DE CAROTTE

Celle d’un homme.

MONSIEUR LEPIC

Tu en es un.

POIL DE CAROTTE

Si elle me demande qui m’a donné l’ordre d’avoir cette attitude, je dirai que c’est toi.

MONSIEUR LEPIC

Dis.

POIL DE CAROTTE

Dans ces conditions, ça marcherait peut-être.

MONSIEUR LEPIC

Tu hésites ?

POIL DE CAROTTE

Je réfléchis, ça en vaut la peine.

MONSIEUR LEPIC

Tu es long. (Par habitude.) Poil de Carotte… François.

POIL DE CAROTTE

Tu t’ennuierais seul, hein ? Tu ne pourrais plus vivre sans moi ? (M. Lepic se garde de répondre.) Eh bien, oui, mon vieux papa, c’est décidé, je ne t’abandonne pas, je reste !


Rideau