Pointe aux Esquimaux — Lettres des premiers missionnaires/01/1860

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III
1860.
Mr FX Plamondon.

20 mai.

Le 20 mai Mr Plamondon s’embarquât à bord de la Goëlette « La Perle ». Capt Gagnon (Petit dé) de la Baie St Paul, que nous avons tous (les vieux) très bien connu, pour commencer ses missions à la Pointe aux Esquimeaux et continuer jusqu’à Blanc Sablons. Il fit une très longue décente à cause des vents contraires, et n’arrivait à la Pointe que le 16 juin, près d’un mois après son départ de Quebec.

Arrivé à Mingan le 15 juin, il s’y arrêta pour administrer les derniers sacrements à une sauvagesse mourante laquelle mourut durand la nuit, il continue ainsi son rapport :

Après avoir fermé mes malles et pris mon déjeûné chez le bourgeois du poste, Mr Anderson, brave protestant qui me reçu avec beaucoup de courtoisie et de politesse, je partis en berge avec trois sauvages que le chef avait eu l’obligence de mettre à ma disposition ; à midi, le 16 juin, je mettais pied à terre à la Pointe des Esquimeaux.

Les gens qui m’avaient apperçu d’assez loin étaient accourus sur le rivage où ils dirent une décharge générale de fusils. Le plus beau jour de l’année pour eux est celui de l’arrivée du missionnaire. J’arrivai juste au moment où tous les hommes se préparaient à se disperser pour la pêche de la morue. C’était le moment favorable. Oh ! qu’ils étaient heureux et contents, ces bons Acadiens ! Je fus conduit chez un bon vieillard, nommé Firmin Boudreau, dans la famille duquel le missionnaire a coutume de loger.

La Pointe des Esquimeaux dite Pointe St Pierre, est habité depuis trois ou quatre ans par des pêcheurs Acadiens, venus des Îles de la Magdeleine. Il y a aujourd’hui 34 familles catholiques et une protestante. C’est un des plus beaux endroits de la côte. Il y a un hâvre sûr et comode abrité par de belles petites îles, couvertes de forêts verdoyantes. C’est un vrai petit paradis terrestre qui augmentera considérablement en population aussitot qu’il y aura des prêtres résidents en cet endroit, car on m’a assuré que plusieurs familles Acadiennes n’attendent que cela pour quitter leur Île et venir s’établir sur cette partie de la côte du Nord. J’ai rencontré quelques familles Acadiennes demeurant au-delà de Blanc Sablon, qui sont décidées à venir s’y établir le printemps prochain[1]. La terre est excellente et peut être cultivée avec avantage. La chasse et la pêche rapportent aussi de grands profits. La seule pêche du loup-marin a procuré ce printemps à cette localité un profit de dix mille piastres.

À huit lieues endeça de ce centre de population, à la Longue Pointe, se forme un nouvel établissement de pêche. En passant près de là, j’y ai vu une vingtaine de maisons en construction. Ce sont des pêcheurs de Gaspé, qui pour la plupart viennent le printemps et s’en retournent l’automne. Quand il y aura un prêtre auprès deux, ils seront dispensés de faire ce long et pénible voyage. En remontant, il y a encore plusieurs postes importants jusqu’à la Pointe des Monts, située à 80 lieues de Quebec ; au-dessous de la Pointe des Esquimeaux jusqu’à Natashquan, il y a encore quatre postes à visiter. Cela ferait une étendue d’à-peu-près 80 lieues à desservir. En conséquence, Monseigneur, un prêtre qui serait fixé à la Pointe des Esquimeaux ne serait pas exposé à ne voir rien à faire.

Comme le lendemain de mon arrivée était un Dimanche, j’employai le reste de la journée à préparer un autel dans la chapelle, qui vient d’être construite et qui servira plus tard de presbytère. Chacun s’empressa de me venir en aide et le soir à sept heures, au son de l’Angelus, tout était prêt pour la prière.

Tous accoururent depuis le premier jusqu’au dernier. La joie rayonnait sur tous les visages, je fis une instruction pour les préparer à bien profiter des grâces du bon Dieux. Pendant les huit jours de mission que je leur ai donnés, tous sans exception se sont empressés de venir entendre la parole de Dieu, tous se sont confessés et ont eu le bonheur de s’approcher de la table Sainte. J’ai donné la Sainte communion à 115 personnes, y compris sept enfants qui la recevaient pour la première fois, j’ai confessé 21 petits enfants, fait 5 baptêmes et 4 mariages. Mais ce qui a mis le comble à ma joie ça été la réception dans le sein de l’Église Catholique d’un jeune homme de 25 ans, natif de l’Île Jersey. Depuis deux ans qu’il est dans ce lieu, il a fait l’édification de tout le monde, il assistait régulièrement à la prière publique du Dimanche ; et à mon arrivée, il s’est empressé de venir me demander en grâce de le recevoir dans notre sainte religion. En satisfaisant son bon désir, j’ai mis le comble à son bonheur. La mission terminée, il fallut me séparer de ces braves gens auxquels je m’étais déjà attaché. Tout le monde pleurait et je ne pus les quitter sans leur promettre de suplier Votre Grandeur de leur envoyer un prêtre au plus tot ; promesse que j’accomplis aujourd’hui en vous soumettant les besoins spirituels de cette population.

Avant d’arriver à Natashquan, éloigné de 30 lieues de la Pointe des Esquimeaux, j’avais quatre postes à visiter, Corneille, Watsheshoo, Nabessipi et la rivière Aguanus ; mais dans chaque place il n’y a qu’une famille excepté dans les environ de Watsheshoo où il y en a quatre. Partout j’ai trouvé de bons canadiens, heureux de recevoir ma visite et zélés pour remplir tous les devoirs de religion. Dans ces quatre postes, j’ai vu 7 familles ; j’ai confessé et communié 25 personnes, et fait deux baptêmes et un mariage.

Mr Plamondon termina sa mission le onze Août chez Labadie à la Longue Pointe, maintenant Lourdes de Blanc Sablons, et s’embarquât avec Nazaire Blais (frère de Narcisse) pour monter à Quebec où il arriva le 30 du même mois.

Voila pour Mr Plamondon, il était vicaire à St Roch de Quebec.

  1. C’étaient Lazare Petit-Pas et Urbain Bourgeois. PV