Pompéi et Herculanum (tr. Régnier)

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Poésies
Traduction par Adolphe Régnier.
Hachette (1p. 387-389).

POMPÉIES ET HERCULANUM[1]


Quel prodige s’accomplit ? Ô terre, nous te demandions des sources d’eau limpide, et qu’est-ce que ton sein nous envoie ? La vie est-elle aussi dans l’abîme ? Une nouvelle race séjourne-t-elle, cachée, sous la lave ? Ce qui a disparu revient-il ?

Grecs, Romains, oh ! venez et voyez ! l’antique Pompéi se retrouve, la ville d’Hercule se rebâtit. Toit contré toit, les maisons s’élèvent ; le spacieux portique ouvre ses galeries : oh ! accourez pour l’animer ! Le vaste théâtre est ouvert par ses sept embouchures, que la foule à flots s’y précipite ! Mimes, où restez vous ? Paraissez ! Que le fils d’Atrée accomplisse le sacrifice préparé que l’horrible chœur suive Oreste !

Où conduit cet arc de triomphe ? Reconnaissez-vous le forum ? Quelles sont ces figures sur la chaise curule ? Précédez, licteurs, avec vos haches ! Que le préteur monte, pour juger, sur son tribunal que le témoin, que l’accusateur se présentent devant lui !

Des rues propres s’étendent ; une voie plus étroite, avec un pavé rehaussé, se prolonge auprès des maisons. Les toits dépassent, offrant un abri ; d’élégantes chambres, retraites intimes, se rangent autour de la cour solitaire. Hâtez-vous d’ouvrir les volets et les portes si longtemps fermés par les décombres. Que dans l’horrible nuit tombe le jour joyeux !

Vois comme ces jolis bancs garnissent bien le pourtour ; comme sur le sol s’élève la mosaïque toute brillante de pierres aux couleurs variées. Le mur resplendit, tout frais encore, de peintures d’un éclat serein. Où est l’artiste ? Il vient à peine de jeter son pinceau. Formé de fruits gonflés et de fleurs gracieusement disposées, un riant feston encadre d’attrayantes images. Ici passe et glisse un Amour avec sa corbeille chargée ; là des génies diligente pressent le vin de pourpre. La Bacchante bondit en cadence ; plus loin, elle repose assoupie, et le Faune, l’épiant, ne peut se rassasier de la voir. Ici, en équilibre sur un genou, elle exerce à la course le rapide Centaure et le presse vivement de son thyrse.

Jeunes garçons, que tardez-vous ? Accourez ! Les beaux vases sont encore là. Alerte, jeunes filles ! et versez te vin dans le cratère d’Étrurie. Ne vois-je pas le trépied sur les beaux sphinx ailés ? Attisez le feu ! Vite, esclaves, garnissez le foyer.

Achetez, voici de l’argent à l’effigie du puissant Titus ; la balance aussi est encore là ; voyez, pas un poids ne manque.

Mettez la lumière sur le candélabre élégamment façonné et que la lampe s’emplisse d’une huile brillante !

Que renferme cette cassette ? Oh ! regardez ce qu’envoie le fiancé, jeunes filles ! Des agrafes d’or, des brillantes pierres pour la parure. Conduisez la fiancée au bain odorant ; voici encore les parfums onctueux, je retrouve encore le fard dans le cristal creusé.

Mais où restent les hommes, les anciens ? Dans le sérieux muséum est encore entassé un précieux trésor des rouleaux les plus rares. Ici vous trouvez des poinçons pour écrire, des tablettes de cire : rien n’est perdu ; la terre a fidèlement gardé son dépôt, et les Pénates aussi sont à leur place ; tous les dieux se retrouvent : pourquoi les prêtres seuls sont-ils absents ? Mercure, à la taille élégante, agite son caducée, et la Victoire s’envole légèrement de la main qui la tient. Les autels sont encore là, debout : oh ! venez, allumez… depuis longtemps le dieu en est privé… allumez en son honneur les sacrifices !

  1. Almanach des Muses de 1797.