Port-Royal/Avertissement

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Librairie de L. Hachette et Cie (Tome premierp. v-viii).


AVERTISSEMENT.


Cette troisième édition de Port-Royal (troisième édition pour les trois premiers volumes, et deuxième pour les deux derniers) contient des perfectionnements et des additions.

J’ai corrigé quelques inexactitudes : les unes qui m’avaient été signalées par des amis, les autres qui m’ont été aigrement reprochées par des adversaires. J’en ai même découvert de moi-même quelques-unes qui m’avaient d’abord échappé.

Je me suis complu à esquisser avec plus de curiosité et de précision des personnages de troisième ou de quatrième plan, que j’avais traités trop brièvement et trop négligés d’abord.

À cet effet, j’ai été aidé par de nouveaux secours et des documents particuliers. J’en ai dû de très-directs et de précieux à de respectables amis, les catholiques de Hollande. Qu’ils me permettent de les en remercier collectivement en la personne de M. Karsten, directeur du séminaire d’Amersfoort, qui s’est fait auprès de moi l’organe et le représentant de leur généreuse confiance.

Sur M. de Pontchâteau notamment, sur l’abbé, depuis cardinal, Le Camus, sur Nicole lui-même, j’ai pu, grâce à mes documents de Hollande, être de plus en plus abondant et précis, sans répéter ce qui est imprimé ailleurs. Que dis-je ? il m’a été donné, en puisant dans une Correspondance originale de M. Vuillart, d’ajouter au trésor des gens de goût quelques particularités inédites et d’un prix infini sur Racine.

La publication des Mémoires du Père Rapin, un adversaire et, je dirai, un ennemi de Port-Royal, m’a été très-utile par la contradiction que ces Mémoires provoquent, par les nouvelles recherches auxquelles ils m’ont obligé, par les curieux renseignements aussi qu’ils apportent au milieu d’attaques et d’accusations injustes. L’annotateur des Mémoires, quoique très-partial et souvent injuste lui-même, mériterait presque nos remercîments, pour avoir donné comme l’antidote à côté du venin en indiquant et en extrayant parfois les Mémoires inédits de M. Feydeau, une source janséniste modeste, mais très-pure. Un respectable sulpicien, l’abbé Faillon, auteur de la Vie de M. Olier, en avait déjà signalé l’existence.

Un homme savant et qui, jeune encore, est de la vieille roche pour l’érudition, M. de Chantelauze, a bien voulu, sur un sujet où il est maître et où il a fait de véritables découvertes (le cardinal de Retz), anticiper en ma faveur sur ses futurs travaux, et je lui devrai pour mon troisième volume une note résumant les relations du célèbre prélat avec les Jansénistes. Pour ce côté si intéressant de l’histoire du dix-septième siècle, c’est beaucoup d’atteindre enfin à des données précises, positives, et de n’en être plus réduit à la conjecture. Je ne saurais assez exprimer à M. de Chantelauze ma profonde reconnaissance pour un bon office de cet ordre.

J’ai tâché ainsi, par tous les moyens, d’arriver au complet dans mon cadre et dans ma mesure.

Quant à mon but, tant de fois défini dans le courant de ce travail, je le résumerai encore : rejeter le plus possible les scories scolastiques, laisser voir pourtant à certains endroits l’alliage, mais avant tout dégager et produire partout où il y a lieu l’or pur, je veux dire l’héroïsme chrétien de cette race de Port-Royal, cette vertu singulière qui était un anachronisme sans doute, mais qui tendait à retremper les âmes, et que le caractère français n’a pas eu la force de porter. La littérature de cette forte école, en prenant le mot de littérature dans le sens le plus étendu et le plus élevé, tel est proprement mon sujet.

Mars 1866.