Portraits et Souvenirs/L’Illusion wagnérienne

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Société d’édition artistique (p. 206-220).

L’ILLUSION WAGNÉRIENNE


Avant tout, le lecteur doit être prévenu qu’il ne s’agit pas ici d’une critique des œuvres bu des théories de Richard Wagner.

Il s’agit de tout autre chose.

Ceci posé, entrons en matière.


I

On connaît le prodigieux développement de la littérature wagnérienne. Depuis quarante ans, livres, brochures, revues et journaux dissertent sans trêve sur l’auteur et sur ses œuvres ; à tout instant paraissent de nouvelles analyses d’œuvres mille fois analysées, de nouveaux exposés de théories mille fois exposées ; et cela continue toujours, et l’on ne saurait prévoir quand cela s’arrêtera. Il va sans dire que les questions sont épuisées depuis longtemps ; on rabâche les mêmes dissertations, les mêmes descriptions, les mêmes doctrines. J’ignore si le public y prend intérêt ; on ne paraît pas d’ailleurs s’en inquiéter.

Cela saute aux yeux. Ce qu’on ne remarque peut-être pas autant, ce sont les aberrations étranges qui parsèment la plupart de ces nombreux écrits ; et nous ne parions pas de celles inhérentes à l’incompétence inévitable des gens qui ne sont pas, comme on dit, du bâtiment. Rien n’est plus difficile que de parler musique : c’est déjà fort épineux pour les musiciens, cela est presque impossible aux autres ; les plus forts, les plus subtils s’y égarent. Dernièrement, tenté par l’attrait des questions wagnériennes, un « prince de la critique », un esprit lumineux ouvrait son aile puissante, montait vers les hauts sommets, et j’admirais sa maîtrise superbe, l’audace et la sûreté de son vol, les belles courbes qu’il décrivait dans l’azur, — quand tout à coup, tel Icare, il retombe lourdement sur la terre, en déclarant que le théâtre musical peut s’aventurer dans le domaine de la philosophie, mais ne peut faire de psychologie ; et comme je me frottais les yeux, j’arrive à ceci, que la musique est un art qui ne pénètre point dans l’âme et n’y circule pas par petits chemins ; que son domaine dans les passions humaines se réduit aux grandes passions, dans leurs moments de pleine expansion et de pleine santé.

Me permettrez-vous, maître illustre et justement admiré, de ne pas partager en ceci votre manière de voir ? Peut-être ai-je quelques droits, vous en conviendrez sans doute, à prétendre connaître un peu les ressorts secrets d’un art dans lequel je vis, depuis mon enfance, comme le poisson dans l’eau : or, toujours je l’ai vu radicalement impuissant dans le domaine de l’idée pure (et n’est-ce pas dans l’idée pure que se meut la philosophie ?), tout-puissant au contraire quand il s’agit d’exprimer la passion à tous les degrés, les nuances les plus délicates du sentiment. Pénétrer dans l’âme, y circuler par petits chemins, c’est justement là son rôle de prédilection, et aussi son triomphe : la musique commence où finit la parole, elle dit l’ineffable, elle nous fait découvrir en nous-mêmes des profondeurs inconnues ; elle rend des impressions, des « états d’âme » que nul mot ne saurait exprimer. Et, soit dit en passant, c’est pour cela que la musique dramatique a pu si souvent se contenter de textes médiocres ou pis encore ; c’est que dans certains moments la musique est le Verbe, c’est elle qui exprime tout ; la parole devient secondaire et presque inutile.

Avec son ingénieux système du Leitmotiv (ô l’affreux mot !) Richard Wagner a encore étendu le champ de l’expression musicale, en faisant comprendre, sous ce que disent les personnages, leurs plus secrètes pensées. Ce système avait été entrevu, ébauché déjà, mais on n’y prêtait guère attention avant l’apparition des œuvres où il a reçu tout son développement. En veut-on un exemple très simple, choisi entre mille ? Tristan demande : « Où sommes-nous ? — Près du but », répond Yseult, sur la musique même qui précédemment accompagnait les mots : « tête dévouée à la mort », qu’elle prononçait à voix basse, en regardant Tristan ; et l’on comprend immédiatement de quel « but » elle veut parler. Est-ce de la philosophie cela, ou de la psychologie ?

Malheureusement, comme tous les organes délicats et compliqués, celui-là est fragile ; il n’a d’effet sur le spectateur qu’a la condition pour celui-ci d’entendre distinctement tous les mots et d’avoir une excellente mémoire musicale.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit pour le moment ; le lecteur voudra bien me pardonner cette digression.

Tant que les commentateurs se bornent à décrire les beautés des œuvres wagnériennes, sauf une tendance à la partialité et à l’hyperbole dont il n’y a pas lieu de s’étonner, on n’a rien à leur reprocher ; mais, dès qu’ils entrent dans le vif de la question, dès qu’ils veulent nous expliquer en quoi le drame musical diffère du drame lyrique et celui-ci de l’opéra, pourquoi le drame musical doit être nécessairement symbolique et légendaire, comment il doit être pensé musicalement, comment il doit exister dans l’orchestre et non dans les voix, comment on ne saurait appliquer à un drame musical de la musique d’opéra, quelle ont la nature essentielle du Leitmotiv, etc. ; dès qu’ils veulent, en un mot, nous initier à toutes ces belles choses, un brouillard épais descend sur le style ; des mots étranges, des phrases incohérentes apparaissent tout à coup, comme des diables qui sortiraient d’une boîte ; bref, pour exprimer les choses par mots honorables, on n’y comprend plus rien du tout. Point n’est besoin pour cela de remonter jusqu’à la fabuleuse et éphémère Revue wagnérienne, déclarant un jour à ses lecteurs stupéfaits qu’elle serait désormais rédigée en langage intelligible ; les écrivains les plus sages, les mieux pondérés, n’échappent pas à la contagion.

Doué par la nature d’un fonds de naïveté que les années n’ont pu parvenir à épuiser, j’ai longtemps cherché à comprendre. Ce n’est pas la lumière qui manque, me disais-je, c’est mon œil qui est mauvais ; j’accusais mon imbécillité native, je faisais pour pénétrer le sens de ces dissertations les efforts les plus sincères ; si bien qu’un jour, retrouvant ces mêmes raisonnements, inintelligibles pour moi, sous la plume d’un critique dont le style a d’ordinaire la limpidité du cristal de roche, je lui écrivis pour lui demander s’il ne pourrait, eu égard à la faiblesse de ma vue, éclairer un peu la lanterne. Il eut la gracieuseté de publier ma lettre et de la faire suivre d’une réponse — qui ne répondait à rien, n’éclaircissait rien, et laissait les choses en l’état. Dès lors, j’ai renoncé à la lutte et j’ai entrepris la recherche des causes de ce phénomène bizarre.

Il y en a probablement plusieurs. Peut-être les théories elles-mêmes, base de la discussion, n’ont-elles pas toute la clarté désirable. « Quand je relis mes anciens ouvrages théoriques, — disait un jour Richard Wagner à Villot, — je ne puis plus les comprendre. » Il ne serait pas étonnant que les autres eussent quelque peine à s’y débrouiller ; et ce qui ne se conçoit pas bien, comme vous savez, ne saurait s’énoncer clairement.

Mais cela n’expliquerait pas la surabondance prodigieuse d’écrits sur le même sujet, dont nous parlions plus haut ; la vague des théories n’y pourrait être pour rien. Cherchons donc, et peut-être finirons-nous par trouver d’autres causes à ces anomalies.


II

Le livre si curieux de Victor Hugo sur Shakespeare contient un chapitre que l’on devrait publier à part et mettre comme un bréviaire dans les mains de tous les artistes et de tous les critiques. C’est le chapitre intitulé : l’art et la Science.

Dans ce chapitre, le Maître démontre et établit ceci : qu’entre l’Art et la Science, ces deux lumières du monde, il existe « une différence radicale : la Science est perfectible ; l’Art, non ».

On l’a quelque peu accusé d’avoir voulu écrire, dans ce livre, un plaidoyer déguisé pro domo suâ. S’il était vrai, l’occasion eût été belle pour lui, dont l’influence non seulement sur la littérature, mais sur l’Art tout entier, avait été si grande, pour lui qui avait renouvelé la poésie et la langue elle-même, les reforgeant à son usage, — d’insinuer, en s’efforçant d’établir une loi du progrès dans l’Art, que son œuvre était le summum de l’art moderne.

Il a fait tout le contraire.

L’Art, dit-il, est la région des égaux. La beauté de toute chose ici-bas, c’est de pouvoir se perfectionner ; la beauté de l’Art, c’est de ne pas être susceptible de perfectionnement.

L’Art marche à sa manière : il se déplace comme la Science ; mais ses créations successives, contenant de l’immuable, demeurent.

Homère n’avait que quatre vents pour ses tempêtes ; Virgile qui en a douze, Dante qui en a vingt-quatre, Milton qui en a trente-deux, ne les font pas plus belles.

On perd son temps quand on dit, Nescio quid majus nascitur « Iliade ». L’Art n’est sujet ni à diminution ni à grossissement.

Et il termine par ce mot profond :

«…Ces génies qu’on ne dépasse pas, on peut les égaler.

« Comment ?

« En étant autre. »

L’exégèse wagnérienne part d’un principe tout différent.

Pour elle, Richard Wagner n’est pas seulement un génie, c’est un Messie ; le Drame, la Musique étaient jusqu’à lui dans l’enfance et préparaient son avènement ; les plus grands musiciens, Sébastien Bach, Mozart, Beethoven, n’étaient que des précurseurs. Il n’y a plus rien à faire en dehors de la voie qu’il a tracée, car il est la voie, la vérité et la vie ; il a révélé au monde l’évangile de l’Art parfait.

Dès lors il ne saurait plus être question de critique, mais de prosélytisme et d’apostolat ; et l’on s’explique aisément ce recommencement perpétuel, cette prédication que rien ne saurait lasser. Le Christ, Bouddha sont morts depuis longtemps, et l’on commente toujours leur doctrine, on écrit encore leur vie ; cela, durera autant que leur culte.

Mais si, comme nous le croyons, le principe manque de justesse ; si Richard Wagner ne peut être qu’un grand génie comme Dante, comme Shakespeare (on peut s’en contenter), la fausseté du principe devra réagir sur les conséquences ; et il est assez naturel dans ce cas de voir les commentateurs s’aventurer parfois en des raisonnements, incompréhensibles, sources de déductions délirantes.

« Chaque grand artiste, dit Hugo, refrappe l’art à son image. » Et c’est tout. Cela n’efface pas le passé et ne ferme pas l’avenir.

La Passion selon saint Matthieu, Don Juan, Alceste, Fidelio n’ont rien perdu de leur valeur depuis la naissance de Tristan et l’Anneau du Nibelung. Il n’y a que quatre instruments à vent dans la Passion, il n’y en a pas vingt dans Don Juan et Fidelio, il y en a trente dans Tristan, il y en a quarante dans l’Anneau du Nibelung. Rien n’y fait. Cela est si vrai que Wagner lui-même, dans les Maîtres-Chanteurs a pu, sans déchoir, en revenir presque à l’orchestre de Beethoven et de Mozart.


III

Tâchons d’examiner les questions de sang-froid.

On nous donne comme nouvelle, ou plutôt comme renouvelée des Grecs, ainsi que le noble Jeu de l’Oie, cette idée de l’union parfaite du drame, de la musique, de la mimique et des ressources décoratives du théâtre. Mille pardons, mais cette idée a toujours été la base de l’Opéra, depuis qu’il existe ; on s’y prenait mal, c’est possible, mais l’intention y était. On ne s’y prenait même pas toujours aussi mal que certains veulent bien le dire ; et quand Mlle Falcon jouait les Huguenots, quand Mme Malibran jouait Othello, quand Mme Viardot jouait le Prophète, l’émotion était à son comble ; on s’épouvantait aux lueurs sanglantes de la Saint-Barthélemy, on tremblait pour la vie de Desdémone, on frémissait avec Fidès retrouvant dans le Prophète, entouré de toutes les pompes de l’Église, le fils qu’elle avait cru mort… et l’on n’en demandait pas davantage.

Richard Wagner a « refrappé l’art à son image » ; sa formule a réalisé d’une façon nouvelle et puissante l’union intime des arts différents dont l’ensemble constitue le drame lyrique. Soit. Cette formule est-elle définitive, est-elle LA VÉRITÉ ?

Non. Elle ne l’est pas, parce qu’elle ne peut pas l’être, parce qu’il ne peut pas y en avoir.

Parce que, s’il y en avait, l’art atteindrait à la perfection, ce qui n’est pas au pouvoir de l’esprit humain.

Parce que, s’il y en avait, l’art ne serait plus ensuite qu’un ramassis d’imitations condamnées par leur nature même à la médiocrité et à l’inutilité.

Les différentes parties dont se compose le drame lyrique tendront sans cesse à l’équilibre parfait sans y arriver jamais, à travers les solutions toujours nouvelles du problème.

Naguère on oubliait volontiers le drame pour écouter les voix, et, si l’orchestre s’avisait d’être trop intéressant, on s’en plaignait, on l’accusait de détourner l’attention.

Maintenant le public écoute l’orchestre, cherche à suivre les mille dessins qui s’enchevêtrent, le jeu chatoyant des sonorités ; il oublie pour cela d’écouter ce que disent les acteurs sur la scène, et perd de vue l’action.

Le système nouveau annihile presque complètement l’art du chant, et s’en vante. Ainsi, l’instrument par excellence, le seul instrument vivant, ne sera plus chargé d’énoncer les phrases mélodiques ; ce seront les autres, les instruments fabriqués par nos mains, pâles et maladroites imitations de la voix humaine, qui chanteront à sa place. N’y a-t-il pus là quelque inconvénient ?

Poursuivons. L’art nouveau, en raison de son extrême complexité, impose à l’exécutant, au spectateur même, des fatigues extrêmes, des efforts parfois surhumains. Par la volupté spéciale qui se dégage d’un développement inouï jusqu’alors des ressources de l’harmonie et des combinaisons instrumentales, il engendre des surexcitations nerveuses, des exaltations extravagantes, hors du but que l’art doit se proposer. Il surmène le cerveau, au risque de le déséquilibrer. Je ne critique pas : je constate simplement. L’océan submerge, la foudre tue : la mer et l’ouragan n’en sont pas moins sublimes.

Poursuivons toujours. Il est contraire au bon sens de mettre le drame dans l’orchestre, alors que sa place est sur la scène. Vous avouerai-je que cela, dans l’espèce, m’est tout à fait égal ? le Génie a ses raisons que la Raison ne connaît pas.

Mais en voilà assez, je pense, pour démontrer que cet art a ses défauts, comme tout au monde ; qu’il n’est pas l’art parfait, l’art définitif après lequel il n’y aurait plus qu’à tirer l’échelle.

L’échelle est toujours là. Comme dit Hugo le premier rang est toujours libre.


IV

Hugo fait une peinture des génies, et il est curieux de voir comme elle s’applique naturellement à Richard Wagner ; on dirait, par moments, qu’il a tracé son portrait. Voyez plutôt :

«…Ces hommes gravissent la montagne, entrent dans la nuée, disparaissent, reparaissent. On les épie, on les observe… La route est âpre. L’escarpement se défend… Il faut se faire son escalier, couper la glace et marcher dessus, se tailler des degrés dans la haine…

« Ces génies sont outrés…

« Ne pas donner prise est une perfection négative. Il est beau d’être attaquable…

« Les grands esprits sont importuns… il y a du vrai dans les reproches qu’on leur fait…

« Le fort, le grand, le lumineux sont, à un certain point de vue, des choses blessantes… Votre intelligence, ils la dépassent ; votre imaginati on ; ils lui font mal aux yeux ; votre conscience, ils la questionnent et la fouillent ; vos entrailles, ils les tordent ; votre cœur ; ils le brisent ; votre âme, ils l’emportent… »

Ainsi, grand comme Homère et comme Eschyle, comme Shakespeare et comme Dante, d’accord. Grand génie, mais non pas Messie. Le temps des dieux est passé.

Cela ne vaudrait même pas la peine, d’être dit, s’il n’y avait, sous cette illusion, des pièges et des dangers.

Danger de l’imitation, d’abord. Tout grand artiste apporte des procédés nouveaux ; ces procédés entrent dans le domaine public : chacun a le droit, le devoir même de les étudier, d’en profiter comme d’une nourriture ; mais l’imitation doit s’arrêter là. Si l’on veut suivre le modèle pas à pas, si l’on n’ose s’en écarter, on se condamne, à l’impuissance ; on ne fera jamais que des œuvres artificielles, sans vie comme sans portée.

Un autre danger est de s’imaginer que l’art a fait table rase, qu’il commence une carrière toute nouvelle et n’a plus rien à voir avec le passé. C’est à peu près comme si l’on s’avisait, pour faire croître un arbre, de supprimer ses racines.

Il n’y a pas d’études sérieuses sans le respect et la culture de la tradition.

« La tradition est une force, une lumière, un enseignement. Elle est le dépôt des facultés les plus profondes d’une race. Elle assure la solidarité int ellectuelle des générations à travers le temps. Elle distingue la civilisation de la barbarie. On ne vent plus de ses services, on méprise ses enseignements. On injurie, on ignore les maîtres, et, chose curieuse, au même moment, on se jette dans l’imitation des étrangers. Mais, à les imiter, on perd ses qualités naturelles, et l’on ne parvient qu’à se donner leurs défauts. On a cessé d’être clair comme un bon Français, pour essayer d’être profond comme un Norvégien, ou sentimental comme un Russe. On n’a réussi qu’à être obscur et ennuyeux, et, sous prétexte de faire entrer dans notre littérature plus de vie et de beauté, on a composé des livres qui, manquant de l’une et de l’autre, manquaient aussi des vieilles traditions nationales de mouvement, d’ordre et de bon sens. »

Ainsi parle un homme éminent, M. Charles Richet, qui ne songeait probablement guère aux questions qui nous occupent lorsqu’il écrivait un article sur l’anarchie littéraire. On en pourrait écrire un autre sur l’anarchie musicale. De malheureux jeunes gens sont, actuellement persuadés que les règles doivent être mises au rebut, qu’il faut se faire des règles, à soi-même suivant son tempérament particulier ; ils retournent a l’état sauvage de la musique, au temps de la diaphonie ; quelques-uns en arrivent a écrire des choses informes, analogues à ce que font les enfants quand ils posent au hasard leurs petites pattes sur le clavier d’un piano…

Richard Wagner n’a pas procédé ainsi : il a plongé profondément ses racines dans le terreau de l’école, dans le sol nourricier de Sébastien Bach ; et quand il s’est forgé plus tard des règles à son usage, il en avait acquis le droit.

Un autre danger est celui que courent les critiques wagnériens peu éclairés — il y en a — qui ne veulent pas connaître d’autre musique que celle de Richard Wagner, ignorent tout le reste et se livrent, faute de sujet de comparaison, à des appréciations bizarres, s’extasiant sur des futilités, s’émerveillant des choses les plus ordinaires. C’est ainsi qu’un écrivain soi-disant sérieux mandait un jour à un chef d’orchestre, auquel il donnait force conseils, que dans la musique de Wagner, crescendo et diminuendo signifiaient « en augmentant et en diminuant le son ». C’est comme si l’on venait dire que dans les œuvres de Molière, un point placé à la suite d’un mot avertit le lecteur que la phrase est terminée.

Il y aurait une anthologie bien amusante à faire avec les erreurs, les non-sens, les drôleries de toute sorte qui pullulent dans la critique wagnérienne, sous l’œil du public innocent. Je laisse ce soin à de moins occupés.