Pour la Société des Nations/Avertissement de l’Éditeur

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AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR


Les « Conférences de la Paix » réunies à La Haye, en 1899 et 1907, sur l’initiative du Tsar, ont fait naître de grandes espérances et ont, en même temps, causé de grandes déceptions.

Ces sentiments contradictoires s’expliquent aisément : les termes du problème sont en effet mal connus de l’opinion, parce qu’ils n’ont pas été, dès le début, exactement posés devant elle.

Il ne s’agissait pas — comme le titre de ces Conférences a pu le donner à penser à certains esprits — d’établir une paix immédiate et universelle.

Plus modestement, mais avec un sens profond des réalités, les assemblées de La Haye ont d’abord cherché à multiplier et à resserrer les liens de droit entre les nations. Elles ont voulu définir les procédés diplomatiques, créer les institutions juridiques qui pourraient s’offrir utilement aux Puissances en conflit, se recommander à leur attention, puis à leur confiance, et, peu à peu, s’imposer à elles par l’autorité des services rendus.

Elles avaient su prévoir que le recours aux solutions juridiques des conflits internationaux deviendrait, de lui-même, moralement obligatoire, le jour où l’on constaterait que dans certains cas graves, grâce aux institutions nouvelles, la guerre avait, en effet, été épargnée au monde.

Ensuite, par le renouvellement des expériences heureuses, le recours à l’arbitrage apparaîtrait bientôt à l’opinion comme une nécessité de la raison. Et les conférences suivantes pourraient, peu à peu, transformer en obligations contractuelles précises, et dûment sanctionnées, les engagements purement moraux ou même les simples recommandations inscrites dans les premières conventions : c’est par la méthode expérimentale que la Société pacifique des Nations parviendrait ainsi à se constituer définitivement.

Les événements n’ont-ils pas confirmé ces prévisions ?


M. Léon Bourgeois a parlé un jour des rêveurs de la paix et des hommes d’action de la paix. C’est l’idée à l’épreuve des faits, l’idée en action, que l’on retrouvera à travers ces pages. On y verra comment, après avoir gagné l’adhésion d’esprits généreux, elle pénètre chaque jour davantage l’opinion, et l’a conquise au point de s’être imposée déjà dans certains cas aux gouvernements eux-mêmes. Dans une période de dix ans (1899-1909), les « Conventions de la Paix » ont abouti à des résultats pratiques considérables. Le règlement de l’incident de Hull, entre l’Angleterre et la Russie, et celui de l’affaire de Casablanca, entre l’Allemagne et la France, en sont les plus frappants exemples.

Il nous a paru intéressant, en présence de résultats si décisifs, de donner une vue générale du problème et de montrer, en même temps, le rôle que la France a joué pour en préparer les solutions. Pour atteindre ce double but, nous avons réuni dans le présent volume l’ensemble des discours et interventions de M. Léon Bourgeois, où l’on retrouvera — à travers l’action personnelle de celui qui a présidé la Commission de l’Arbitrage en 1899 et en 1907 — l’évolution de l’idée et le développement de ses applications.