Pour la terre/13

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L’Évangéline (p. 72-76).


La voix de la terre à l’école.



L’école primaire n’est pas une école d’agriculture.

Toutefois, si elle veut donner à l’enfant une éducation en rapport avec le milieu où Il vit, elle ne peut, sans déroger à sa mission, négliger de lui inculquer, avec des notions élémentaires de culture, un grand respect pour la profession agricole et un véritable attachement à la terre.

Le jardin scolaire semble bien répondre à ce besoin, en fournissant à l’élève l’occasion de joindre la pratique à la théorie.

Grâce à cette communion avec la nature, son cœur et son intelligence s’éprendront de bonne heure au mystérieux travail de la terre et il ne cherchera pas à quitter plus tard le patrimoine familial.

Les champs, les cours d’eau, la forêt, les fleurs mêmes lui diront avec des voix douces et pressantes : « Reste avec nous, ne nous abandonne pas. »

Ainsi aurons-nous des jeunes gens qui, au sortir de l’école, auront appris plus que des chiffres, l’amour et la pratique de la terre ; nous aurons des jeunes filles ayant appris mieux qu’à se pavaner de leur petit savoir et de leur nouvelle toilette, des jeunes filles sérieuses et laborieuses qui, une fois devenues mères de familles, feront mieux que de bailler au soleil de juin, des femmes fortes dans toute l’acception du terme, de véritables fermières.

L’instituteur et l’institutrice auront soin de faire converger vers l’étude agricole les différentes branches de l’enseignement : le dessin dans la création des parterres ou des parcelles destinées aux légumes, la botanique dans l’étude des différentes fleurs ou herbes, la physique dans la constatation des phénomènes de la chaleur, de la lumière ou des pluies. Chaque science trouvera ainsi son profit dans l’exposé pratique de ses différents problèmes.

L’établissement du jardin scolaire, les soins qu’il exige développent chez l’enfant l’activité intellectuelle, physique, le sentiment de la responsabilité, non moins que le sens esthétique. Autant de choses que l’école ne peut que difficilement donner dans une étude purement spéculative. Les avantages que l’enfant en retirera au point de vue moral et religieux ne sont pas moins appréciables. Si les maîtres occupaient les enfants à ces petits travaux manuels à certaines heures de récréation, voire même à certaines heures de classe, quelle action moralisatrice n’exerceraient-ils pas sur eux ? Les récréations sont nécessaires, sans doute, pour le repos de l’esprit, mais elles peuvent avoir des dangers, si les enfants ont abandonnés seuls à leur jeux, et surtout à leur oisiveté.

Le travail manuel est essentiellement moralisateur. À ce simple point de vue, le jardin à l’école mériterait déjà toute notre attention…

Élévation de l’âme et des sentiments, tels seraient principalement les précieux résultats de cette éducation dans nos écoles primaires.

Tout parle de Dieu dans la création, mais nulle part ailleurs plus que dans le grain de blé confié à la terre, dans l’arbrisseau qui lutte pour la vie, dans l’humble fleur qui jette son parfum au soleil du matin…

Habituer de bonne heure l’enfant à trouver dans toutes ces manifestations de la nature l’action incessante de la Divine Providence, telle est l’œuvre religieuse, telle est la mission par excellence de la grande voix de la terre à l’école.