Pourquoi la Vie/7

La bibliothèque libre.
Librairie des sciences psychologiques (p. 43-46).


VII

LE BUT SUPRÊME


Homme, mon frère, aie foi en ta destinée, car elle est grande. Tu es né avec des facultés incultes, des aspirations infinies, et l’éternité t’est donnée pour développer les unes et satisfaire les autres. Grandir de vie en vie, t’éclairer par l’étude, te purifier par la douleur, acquérir une science toujours plus vaste, des qualités toujours plus nobles : voilà ce qui t’est réservé. Dieu a fait plus encore pour toi. Il t’a donné les moyens de collaborer à son œuvre immense ; de participer à la loi du progrès sans bornes, en ouvrant des voies nouvelles à tes semblables, en élevant tes frères, en les attirant à toi, en les initiant aux splendeurs du vrai et du beau, aux sublimes harmonies de l’univers. N’est-ce pas là créer, transformer âmes et mondes ? Et ce travail gigantesque, fertile en jouissances, n’est-il pas préférable à un repos morne et stérile ? Collaborer avec Dieu ! réaliser en tout et partout le bien, la justice ! quoi de plus grand, de plus digne de ton esprit immortel !

Élève donc ton regard et embrasse les vastes perspectives de ton avenir sans fin. Puise dans ce spectacle l’énergie nécessaire pour affronter les vents et les orages du monde. Marche, vaillant lutteur, gravis la pente qui conduit à ces cimes qu’on appelle vertu, devoir, sacrifice. Ne t’arrête pas en chemin à cueillir les fleurettes du buisson, à jouer avec les cailloux dorés. En avant ! toujours en avant !

Vois-tu dans les cieux splendides ces astres flamboyants, ces soleils innombrables entraînant dans leurs évolutions prodigieuses de brillants cortèges de planètes. Que de siècles accumulés n’a-t-il pas fallu pour les former ! Que de siècles ne faudra-t-il pas pour les dissoudre ! Eh bien, un jour viendra où tous ces feux seront éteints, ou ces mondes gigantesques s’évanouiront pour faire place à des globes nouveaux, à d’autres familles d’astres émergeant des profondeurs. Rien de ce que tu vois aujourd’hui ne sera plus. Le vent des espaces aura à jamais balayé la poussière de ces mondes usés ; mais toi, tu vivras toujours, poursuivant ta marche éternelle au sein d’une création sans cesse renouvelée. Que seront alors pour ton âme épurée, agrandie, les ombres et les soucis du présent ? Accidents éphémères de notre course, ils ne laisseront plus au fond de notre mémoire que de tristes ou de doux souvenirs. Devant les horizons infinis de l’immortalité, les maux du présent, les épreuves subies seront comme un nuage fugitif au milieu d’un ciel serein.

Mesure donc à leur juste valeur les choses de la terre. Ne les dédaigne pas sans doute, car elles sont nécessaires à ton progrès, et ta mission est de contribuer à leur perfectionnement en te perfectionnant toi-même ; mais n’y attache pas exclusivement ton âme et recherche avant tout les enseignements qu’elles contiennent. Grâce à eux, tu comprendras que le but de la vie n’est ni la jouissance, ni le bonheur, mais le développement, au moyen du travail, de l’étude, et de l’accomplissement du devoir, de cette âme, de cette personnalité que tu retrouveras au-delà de la tombe telle que tu l’auras façonnée toi-même dans le cours de ton existence terrestre.