Pourquoi la Vie/9

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Librairie des sciences psychologiques (p. 56-65).


IX

RÉSUME ET CONCLUSION


En résumé, les principes qui découlent du Nouveau Spiritualisme, — principes enseignés par les Esprits désincarnés, beaucoup mieux placés que nous pour discerner la vérité — sont les suivants :

Existence de Dieu, intelligence directrice, loi vivante, âme de l’univers, unité suprême où viennent aboutir et s’harmoniser tous les rapports, foyer immense des perfections d’où rayonnent et se répandent dans l’infini toutes les puissances morales : Justice, Sagesse, Amour !

Immortalité de l’âme, essence spirituelle qui renferme à l’état de germe toutes les facultés toutes les puissances ; est destinée à les développer par ses travaux, en s’incarnant sur les mondes matériels, en s’élevant par des vies successives et innombrables, de degrés en degrés, depuis les formes inférieures et rudimentaires jusqu’à la perfection dans la plénitude de l’existence.

Communion des vivants et des morts ; action réciproque des uns sur les autres ; permanence des rapports entre les deux mondes ; solidarité de tous les êtres, identiques dans leur origine et dans leurs fins, différents seulement par leur situation transitoire ; les uns à l’état d’Esprits, libres dans l’espace, les autres revêtus d’une enveloppe périssable, mais passant alternativement d’un état à l’autre, la mort n’étant qu’un temps de repos entre deux existences terrestres.

Progrès infini, Justice Éternelle, Sanction morale ; l’âme, libre de ses actes et responsable, crée elle-même son avenir ; suivant son état moral, les fluides grossiers ou subtils qui composent son périsprit et qu’elle a attirés à elle par ses habitudes et ses tendances, ces fluides, soumis à la loi universelle d’attraction et de pesanteur, l’entraînent vers les globes inférieurs, vers les mondes de douleur où elle souffre, expie, rachète le passé, ou bien la portent vers les sphères heureuses où la matière a moins d’empire, où règnent l’harmonie, la félicité ; l’âme, dans sa vie supérieure et parfaite, collabore avec Dieu, forme les mondes, dirige leurs évolutions, veille au progrès des humanités, à l’accomplissement des lois éternelles.

Tels sont les enseignements que le Spiritualisme expérimental nous apporte. Ils ne sont autres que ceux du Christianisme primitif, dégagé des formes d’un culte matériel, dépouillé des dogmes, des fausses interprétations, des erreurs sous lesquels les hommes ont voilé, rendu méconnaissable la philosophie du Christ.

La nouvelle doctrine, en révélant l’existence d’un monde occulte, invisible, aussi réel, aussi vivant que le nôtre, ouvre à la pensée humaine des horizons devant lesquels celle-ci hésite encore, interdite, éblouie. Mais les rapports que cette révélation facilite entre les morts et nous, les consolations, les encouragements qui en découlent, la certitude de retrouver tous ceux que nous croyions à jamais perdus, de recevoir d’eux les suprêmes enseignements, tout cela constitue un ensemble de forces incalculables, de ressources morales que l’homme ne saurait méconnaître ou dédaigner sans danger pour lui.

Cependant, malgré la haute valeur de cette doctrine, l’homme du siècle, profondément sceptique, engourdi dans ses préjugés, n’y aurait guère pris garde si des faits n’étaient venus les appuyer. Pour frapper l’esprit humain, superficiel, indifférent, il fallait des manifestations matérielles, bruyantes. C’est pourquoi, vers 1850 et dans divers milieux, des meubles de toutes formes se mirent en branle, des murailles retentirent de coups sonores, des corps lourds se déplacèrent, contrairement aux lois physiques connues ; mais, après cette première phase grossière, les phénomènes spirites devinrent de plus en plus intelligents. Les faits d’ordre psychique (du grec psuché, âme) succédèrent aux manifestations physiques ; des médiums, écrivains, orateurs, somnambules, guérisseurs, se révélèrent, recevant mécaniquement ou intuitivement des inspirations dont la cause était en dehors d’eux ; des apparitions visibles et tangibles se produisirent, et l’existence des Esprits devint incontestable pour tous les observateurs que n’aveuglait pas le parti pris.

Ainsi apparut à l’humanité la nouvelle croyance, appuyée d’une part sur les traditions du passé, sur l’universalité de principes que l’on trouve à la source de toutes les religions et de la plupart des philosophies, de l’autre sur d’innombrables témoignages psychologiques, sur des faits observés en tous pays par des hommes de toutes conditions.

Chose remarquable, cette science, cette philosophie nouvelle, simple et accessible à tous, libre de tout appareil ou forme de culte, cette science arrive à l’heure précise où les croyances vieillies s’affaiblissent et s’écroulent ; où le sensualisme s’étend comme une plaie immense ; à l’heure où les mœurs se corrompent, où les liens sociaux se relâchent ; où le vieux monde erre à l’aventure, sans frein, sans idéal, sans loi morale, comme un navire privé de gouvernail flotte au gré des vents.

Tout homme qui observe et réfléchit ne peut se dissimuler que la société moderne traverse une crise redoutable. Une profonde décomposition la ronge sourdement. L’amour du lucre, le désir des jouissances, deviennent de jour en jour plus âpres, plus ardents. On veut posséder à tout prix. Tous moyens sont bons pour acquérir le bien-être, la fortune, seul but que l’on juge digne de la vie. De telles aspirations ne peuvent produire que deux conséquences : l’égoïsme impitoyable chez les heureux, la haine et le désespoir chez les infortunés. La situation des petits, des humbles est douloureuse ; et trop souvent ceux-ci, plongés dans une nuit morale où pas une consolation ne luit, cherchent dans le suicide la fin de leurs maux. Par une progression graduelle, le nombre de suicides, qui était de 1 500 en 1830 pour la France, s’est élevé annuellement à plus de 8 000.

Le spectacle des inégalités sociales, les souffrances des uns opposées aux apparentes joies, aux satisfactions sensuelles, à l’indifférence des autres, ce spectacle attise au cœur des déshérités un ardent foyer de haine. Déjà la revendication des biens matériels s’accentue. Que les masses profondes s’organisent, se lèvent, et le vieux monde peut être ébranlé par d’effrayantes convulsions.

La science est impuissante à conjurer le mal, à relever les caractères, à panser les blessures des combattants de la vie. En réalité, il n’y a guère à notre époque que des sciences spéciales à certains côtés de la nature, rassemblant des faits, apportant à l’esprit humain une somme de connaissances qui leur est propre. C’est ainsi que les sciences physiques se sont prodigieusement enrichies depuis un demi-siècle, mais ces constructions éparses manquent de lien, d’unité, d’harmonie. La science par excellence, celle qui de la série des faits, remontera à la cause qui les produit, celle qui doit relier, unir ces sciences diverses en une grande et magnifique synthèse, en faire jaillir une conception générale de la vie, fixer nos destinées, en dégager une loi morale, une base d’amélioration sociale, cette science universelle, indispensable, n’existe pas encore.

Si les religions agonisent, si la foi vieillie se meurt, si la science est impuissante à fournir à l’homme l’idéal nécessaire, à régler sa marche, à améliorer les sociétés, tout sera-t-il désespéré ?

Non ; car une doctrine de paix, de fraternité, de progrès se lève sur ce monde troublé, vient apaiser les haines sauvages, calmer les passions, enseigner à tous la solidarité, le pardon, la bonté.

Elle offre à la science cette synthèse attendue sans laquelle celle-ci resterait à jamais stérile. Elle triomphe de la mort et, par delà cette vie d’épreuves et de maux, ouvre à l’esprit les perspectives radieuses d’un progrès sans bornes dans l’immortalité.

Elle dit à tous : Venez à moi, je vous réchaufferai, je vous consolerai ; je vous rendrai la vie plus douce, le courage et la patience plus faciles, les épreuves plus supportables. J’éclairerai d’un puissant rayon votre obscur et tortueux chemin. À ceux qui souffrent, je donne l’espérance ; à ceux qui cherchent, la lumière ; à ceux qui doutent et désespèrent, la certitude et la foi.

Elle dit à tous : Soyez frères, aidez-vous, soutenez-vous dans votre marche collective. Votre but est plus loin que cette vie matérielle et transitoire ; il est dans cet avenir spirituel qui vous réunira tous comme membres d’une seule famille, à l’abri des soucis, des besoins et des maux sans nombre. Méritez-le donc par vos efforts et vos travaux !

L’humanité se relèvera grande et forte le jour où cette doctrine, source infinie de consolations, sera comprise et acceptée. Ce jour-là, l’envie et la haine s’éteindront au cœur des petits ; le puissant, sachant qu’il a été faible, et qu’il peut le redevenir, que sa richesse n’est qu’un prêt d’en haut, deviendra plus secourable, plus doux pour ses frères malheureux. La science, complétée, fécondée par la philosophie nouvelle, chassera devant elle les superstitions, les ténèbres. Plus d’athées, de sceptiques. Une foi simple, large, fraternelle, s’étendra sur les nations, fera cesser leurs ressentiments, leurs rivalités profondes. La Terre, débarrassée des fléaux qui la dévorent, poursuivant son ascension morale, s’élèvera d’un degré dans l’échelle des mondes.