Précis de la mythologie scandinave/Le Frène d’Ygdrasil

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LE FRÈNE D’YGDRASIL.

Le frène d’Ygdrasil est le plus beau de tous les arbres ; le monde entier est ombragé de ses branches qui s’étendent jusque dans les nues. L’arbre a trois racines, dont l’une aboutit au Niflhejm, l’autre à la demeure des Hrimthurses, la troisième se perd dans le ciel chez les dieux. Une source jaillit sous chaque racine ; la source de Hvergelmir au Niflhejm foisonne de serpens, une vipère, nommée Nidhug, en ronge la racine. Une autre racine qui s’étend chez les Hrimthurses, recèle la source de Mimer ; la sagesse sort de ses entrailles ; un breuvage puisé à ses eaux rend sage et produit une connaissance infinie. La troisième fontaine sourd chez les dieux ; deux cygnes blancs se baignent dans les eaux limpides de la source sacrée d’Urd ; les cygnes de la terre descendent de ce couple ailé, et tout ce qui s’approche de l’eau bénie de la source, se revêt de la couleur de l’innocence. C’est à l’ombre du frène d’Ygdrasil que se rassemblent les dieux ; pour y aller tous les jours occuper leur siége de juge, ils traversent le pont de Bifrost. Le feuillage de l’arbre n’est pas sans population ; un aigle gigantesque est perché dans la cime, un faucon est assis entre les yeux de cet oiseau ; un écureuil grimpant sur les rameaux du haut en bas, sème la discorde entre l’aigle et le serpent qui sape la racine de l’arbre. Quatre cerfs courent dans le feuillage et en rongent les boutons, et trois déesses demeurant près de la source d’Urd, s’occupent à arroser l’arbre pour empêcher les branches de pourir, et pour en entretenir la fraîcheur éternelle.


Le monde, de même que la nature entière, a été figuré sous l’image d’un arbre. Les racines qui s’en étendent des nuages jusqu’aux extrémités de la terre, représentent à la fois l’idée de l’étendue de l’univers et celle de l’infinité des temps. La couronne en est d’une fraîcheur éternelle, bien qu’elle ait vu s’écouler des siècles, dans lesquels nous n’étions pas encore. Le vent gémit doucement à travers le feuillage ; ce sont les esprits célestes qui nous entretiennent de ce qui se passe au-dessus de la terre embrumée de soucis. Et si le calme de l’arbre et le gémissement monotone des branches assoupissent l’âme dans un doux repos, le mouvement continuel des différentes espèces d’animaux, représentées sous des formes variées, porte la pensée vers l’activité infatigable de la nature. L’arbre gémit sous son fardeau, mais une série d’animaux prennent leurs ébats dans les régions qui leur sont propres. L’aigle plane au-dessus de la couronne de l’arbre, le serpent se tortille dans le fond, le cygne nage tranquillement dans les eaux pures de la source sacrée ; une rosée bienfaisante rafraîchit la terre ainsi que le cœur humain. En effet, l’image est sublime, il n’y a que l’âme humaine qui soit capable de la saisir, nul peintre, nulle couleur ne saurait la rendre. Rien ici n’est en repos, tout s’agite à l’instar de la pensée qui ne se lasse jamais de travailler, comme le sentiment, qui ne cesse jamais de se remuer. C’est donc l’univers entier qui n’est compris que par l’esprit humain, ou par la pensée du poète, et que la parole seule de l’enthousiasme sait interpréter.