Précis de la mythologie scandinave/Odin

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ODIN.

Odin, le dieu des dieux, supérieur à tous en sagesse, et portant aussi le nom du père des dieux, car il règne sur eux comme sur tout l’univers. C’est lui qui distribue aux hommes des bienfaits divins, tels que le don de la poésie et la science divinatoire ; mais plus que tout autre le vaillant guerrier est l’objet de l’amour protecteur de ce dieu. Odin protège et dirige la vie du célèbre héros ; il s’occupe de son éducation, il lui fait cadeau d’armes merveilleuses, c’est pour lui qu’il invente des stratagèmes ingénieux, inconnus à l’ennemi, et par des événemens inattendus il donne une issue favorable au sort de son protégé ; il assourdit l’acier meurtrier de l’adversaire, et quand enfin le héros s’affaiblit en vieillissant, c’est encore Odin qui lui fait trouver une mort glorieuse sur le champ de la bataille. Il est donc évident qu’Odin est regardé comme le dieu de la guerre ; le fracas des armes s’appelle aussi le jeu d’Odin, et le glaive porte le nom du feu d’Odin. L’ordre social est encore sous sa protection ; c’est lui qui punit les parricides, qui veille sur la foi du serment, qui éteint la haine, enfin qui adoucit les peines et les soucis de l’homme. Odin est facile à reconnaître, car il apparaît toujours comme un vieillard de grande taille et à la barbe longue ; au surplus il est borgne ; l’œil qui lui manque, il l’a donné en gage à Mimer, en échange d’un breuvage puisé à la source de la sagesse. La résidence d’Odin est au ciel, où son palais, nommé Valaskjalf, lui fut érigé par les dieux : le toit en est couvert d’argent, et du haut de son trône, Hlidskjalf, il contemple l’univers. Monté sur son cheval à huit pieds, qui porte le nom de Sleipnir, il traverse l’air et l’océan ; dans sa course il est vêtu d’un manteau bleu ; il a en outre la tête couverte d’un casque en or, et tient à la main la lance Gungner. Odin n’a besoin d’aucune nourriture, le vin lui tient lieu de manger et de boire, la nourriture qui lui est destinée, il la distribue à ses deux loups : Gere[1] et Freke.[2] Deux corbeaux, Hugin[3] et Mugin,[4] sont perchés sur ses épaules ; ces oiseaux lui racontent à l’oreille tout ce qui se passe ; du point du jour il les envoie parcourir l’univers pour revenir le soir. Le père des dieux possède plusieurs trésors merveilleux, entre autres une bague, portant le nom de Droepner, d’où dégouttent toutes les neuvièmes nuits huit autres bagues d’un poids égal.


L’idée d’Odin, ainsi que les formes variées sous lesquelles la fiction nous la représente, s’explique facilement ; c’est l’esprit qui se manifeste partout dans la nature. Odin n’est pas l’auteur de la création, mais il la dirige et l’entretient ; il inspire à l’homme le souffle divin, l’esprit et la vie intellectuelle. Il est l’origine de toute inspiration, de l’enthousiasme de la guerre ainsi que des douceurs de la paix ; il est l’auteur même de la guerre, et il invente les runes ; il court les dangers pour s’assouvir du nectar de la poésie, aussi nommé le breuvage d’Odin. La science de l’histoire trouve son abri sous sa protection. C’est à Soekkvabek, le palais, contre lequel se brisent les ondes d’azur, qu’Odin et Saga boivent dans des coupes dorées ; de concert ils se réjouissent l’esprit en puisant à la source de l’histoire. La Saga raconte ; Odin réfléchit sur ses récits ; saurait-on imaginer un tableau plus ravissant de l’effet de l’histoire ? À lui donc tout ce qui contribue à embellir et à élever l’existence !


  1. L’avide.
  2. le féroce.
  3. la pensée.
  4. la mémoire.