Premières poésies (Évanturel)/Dernière Nuit

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Augustin Côté et Cie (p. 155-156).



DERNIÈRE NUIT



JE te vois à travers ton linceul.
je te vois à travers ton linceuil Pour jamais,
Ah ! tu fermes tes yeux comme si tu dormais.
Tu souris. La pâleur sied bien à ton front d’ange.
C’est demain que tu pars, c’est demain qu’un archange,
Sous son aile, en passant, va venir te chercher.
Pauvre enfant, pour toujours, il te faudra coucher !
Nous t’avons fait creuser un lit au cimetière.

C’est la première nuit que tu dors dans ta bière :
Ne vas pas t’éveiller sous la terre demain…
Quand j’y songe, vois-tu, je cache dans ma main
Mon front pâle, et je sens que mon cœur agonise.
On chantera pour toi quelque chose à l’église :
Peut-être les adieux que tu chantais un soir.
Nous irons te porter alors au grand dortoir,
Plus blêmes et plus froids que tes mains, jeune fille. !
Les amis poseront leurs genoux sur la grille,
Le prêtre chantera pour bénir ton cercueil ;

Et puis nous reviendrons avec nos cœurs en deuil.