Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p1/2a

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II.
ÉTUDE DE L’ÉCHELLE MUSICALE.
(SUITE.)



41. La gamme étant la base de la musique, nous devons en étudier la structure. Replaçons-la sous les yeux :  


\relative c'{
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\time 32/2
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c1^\markup \fontsize #-1 \concat {"1" \tiny\raise #0.8 "er " "degré."} s
d^\markup  \fontsize #-1 \concat {"2" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
e^\markup  \fontsize #-1 \concat {"3" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
f^\markup  \fontsize #-1 \concat {"4" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
g^\markup  \fontsize #-1 \concat {"5" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
a^\markup  \fontsize #-1 \concat {"6" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
b^\markup  \fontsize #-1 \concat {"7" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
c^\markup  \fontsize #-1 \concat {"8" \tiny\raise #0.8 "e " "degré."} s
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\bar "||"
}



Nous savons déjà (Premières notions) que si l’on cherche à se rendre compte de la distance qui sépare chacun des sons de cette gamme de celui qui le précède, on reconnaît que cette distance n’est pas partout la même.

Tons et demi-tons.
42. On trouve en effet qu’elle est plus petite du troisième au quatrième degré, mi, fa, et du septième au huitième, si, ut, qu’entre les autres degrés.
43. On a vu (Premières notions) que la distance, d’ailleurs uniforme, existant entre ces autres degrés, était ce que l’on nomme ton, et que celle qui sépare le troisième degré du quatrième, ou le septième du huitième, n’était qu’un demi-ton.

EXEMPLE :



\relative c'{
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\time 4/2
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c1^\(^\markup \fontsize #-1 \concat {"1" \tiny\raise #0.8 "er " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-1.5 . 1.5)
s_\markup \fontsize #-2 "1 ton"
d\)^\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"2" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-1.5 . 2.0)
s_\markup \fontsize #-2 "1 ton" 
e\)_\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"3" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-2.0 . 3.0)
s_\markup \fontsize #-2 "1/2 ton" 
f\)^\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"4" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-1.5 . 2.5)
s_\markup \fontsize #-2 "1 ton" 
g\)^\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"5" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-1.5 . 3.0)
s_\markup \fontsize #-2 "1 ton"
a\)^\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"6" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-1.5 . 3.5)
s_\markup \fontsize #-2 "1 ton" 
b\)_\(^\markup  \fontsize #-1 \concat {"7" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-2.0 . 3.0)
s_\markup \fontsize #-2 "1/2 ton" 
c\)^\markup  \fontsize #-1 \concat {"8" \tiny\raise #0.8 "e " "d."} 
\once \override Staff.BarLine #'transparent = ##f
\bar "||"
}



44. Enfin, on sait qu’on appelle gamme ou échelle diatonique[1], celle dont les degrés sont ainsi distancés par des espaces de ton et de demi-ton diatonique (demi-ton fourni par deux notes de noms différents, Premières notions, et ci-après § 70). Gamme
ou
échelle diatonique.
NOTA. — Il est à remarquer que, dans l’échelle diatonique, chacune des notes occupe sur la portée une position différente, et que, rangées dans leur ordre naturel de succession, ces notes vont sans interruption d’une ligne à un interligne, et d’un interligne à une ligne.



45. La gamme diatonique que nous venons de présenter contient donc, dans l’étendue d’une octave, cinq tons et deux demi-tons, disposés ainsi qu’on vient de le voir. Cette gamme peut être étendue jusqu’aux dernières limites de l’appréciabilité du son, mais cette extension ne sera que la reproduction, au grave ou à l’aigu, des notes que nous connaissons.  


EXEMPLE :




46. On voit que la mélodie formée par la série des notes de la gamme se répète exactement, d’octave en octave, à partir d’ut ; mais on pourrait aussi reproduire cette mélodie à tout autre degré de hauteur, c’est-à-dire en prenant pour point de départ une autre note qu’ut. Mobilité
de la gamme.
47. On désigne chacune de ces diverses transpositions de la gamme par le nom de sa note primordiale : ainsi, outre la gamme d’ut que nous venons de voir, on pourrait faire la gamme de ré, la gamme de mi, la gamme de fa, etc., c’est-à-dire la gamme commençant par , par mi, par fa. On désigne une gamme par le nom de sa note primordiale.
48. Or, quelle que soit la note prise pour premier degré, la constitution de la gamme restera la même, c’est-à-dire que les tons et demi-tons devront invariablement conserver leur numéro d’ordre relativement à ce premier degré. Naissance de nouveaux sons (dièses, bémols, etc.)
49. Imaginons qu’on veuille prendre pour son primordial une autre note qu’ut, il est évident que chacune des séries diverses qu’on pourra former au moyen des notes de la gamme d’ut contiendra, à la vérité, deux demi-tons, dans l’étendue de l’octave, mais que ces demi-tons n’auront plus, dans ces nouvelles séries, le même rang qu’ils occupaient dans la gamme primitive, et qu’en conséquence la mélodie fournie par ces séries de notes ne sera pas conforme à celle de la gamme modèle.
xxC’est ce dont il est d’ailleurs bien facile de se rendre compte en examinant et en exécutant les séries de sons présentées dans le tableau suivant :  

  1er degré. 2e degré. 3e degré. 4e degré. 5e degré. 6e degré. 7e degré. 8e degré.
1re SÉRIE.
Gamme d’ut servant
de modèle.
ut mi fa sol la si ut

1/2 ton.

1/2 ton.
2e SÉRIE. mi fa sol la si ut

1/2 ton.

1/2 ton.
3e SÉRIE. mi fa sol la si ut mi

1/2 ton.

1/2 ton.
4e SÉRIE. fa sol la si ut mi fa

1/2 ton.

1/2 ton.
5e SÉRIE. sol la si ut mi fa sol

1/2 ton.

1/2 ton.
6e SÉRIE. la si ut mi fa sol la

1/2 ton.

1/2 ton.
7e SÉRIE. si ut mi fa sol la si

1/2 ton.

1/2 ton.

xxPour reproduire la gamme modèle en prenant pour point de départ chacun de ses degrés, on serait donc obligé de substituer à certains sons d’autres sons, tantôt plus aigus d’un demi-ton, tantôt plus graves de la même quantité et venant couper en deux les tons de la gamme d’ut.

xxAinsi il faudrait :

xxxen partant de , remplacer fa et ut par des sons plus aigus ;
xxxen partant de mi, remplacer fa, sol, ut, , par des sons plus aigus ;
xxxen partant de fa, remplacer le si par un son plus grave ;
xxxen partant de sol, remplacer le fa par un son plus aigu ;
xxxen partant de la, remplacer ut, fa, sol, par des sons plus aigus ;
xxxen partant de si, remplacer ut, , fa, sol, la, par des sons plus aigus.
EXEMPLES :

1er
degré.
  2e
degré.
  3e
degré.
4e
degré.
  5e
degré.
  6e
degré.
  7e
degré.
8e
degré.
|   |   | |   |   |   | |
  mi fa * sol   la   si ut *
\_ ____ _/ \_ ____ _/ \__ __/ \_ ____ _/ \_ ____ _/ \_ ____ _/ \__ __/
  1 ton.   1 ton. 1/2 t. 1 ton.   1 ton.   1 ton. 1/2  t.
|   |   | |   |   |   | |
Mi etc.
|   |   | |   |   |   | |
Fa   sol   la * si ut     mi fa
\_ ____ _/ \_ ____ _/ \__ __/ \_ ____ _/ \_ ____ _/ \_ ____ _/ \__ __/
  1 ton.   1 ton. 1/2 t. 1 ton.   1 ton.   1 ton. 1/2  t.

Etc.


50. Le nom générique de dièse[2] a été donné à tous les sons plus aigus d’un demi-ton que ceux fournis par la gamme d’ut.  
51. Quant au son nécessaire à la rectification de la gamme de fa, ce son substitué au si et plus bas d’un demi-ton, a été appelé bémol.
52. Cette dénomination, particulière d’abord à cette note[3], a été étendue, par la suite, à tous les sons inférieurs d’un demi-ton à ceux de la gamme d’ut.
53. En effet, chacun des sons ci-dessus, dièse ou bémol, pouvant devenir lui-même note primordiale de la gamme, donne naissance à d’autres sons intermédiaires, lesquels, à leur tour, peuvent être pris pour points de départ. On verra ainsi apparaître, non-seulement des dièses et des bémols venant se placer un demi-ton au-dessus et un demi-ton au-dessous de chacune des notes de la gamme d’ut, mais encore de nouveaux sons qu’on nomme doubles dièses et doubles bémols, lesquels sont, à l’égard des simples dièses et des simples bémols, ce que ceux-ci étaient par rapport aux sons de la gamme d’ut.
xxNous aurons plus loin à étudier ces générations dans leur principe et dans leur mode de progression ; il nous suffit, pour le moment, d’en connaître l’existence.
54. Cette multitude de sons divers a donc pour cause l’exacte reproduction de la gamme modèle à différents points de départ, transposition qui nous donne, comme nous l’avons vu, la gamme de , la gamme de mi, la gamme de fa, etc., etc.[4].
xxC’est au moyen des sons fournis par ces différentes gammes que sont composés tous les morceaux de musique.
55. Le mot ton, que nous avons vu employé comme mesure d’intervalle, marquant la distance existant, par exemple, d’ut à , ou de à mi, est pris encore dans un sens tout différent : il signifie l’ensemble des sons qui constituent une gamme diatonique[5]. Nouvelle
acceptation
du mot ton.
56. Gamme veut dire une certaine série de sons se succédant conjointement.
xxLe mot ton indique le même système de sons, mais ne leur assigne pas, comme le mot gamme, un ordre de succession déterminé.
xxOn dit être dans le ton d’ut, dans le ton de fa, dans le ton de sol, etc., et par abréviation, être en ut, être en fa, en sol : ce qui signifie que la musique est composée au moyen des sons appartenant à la gamme d’ut, de fa, de sol.
57. Le passage d’un ton à un autre, dans le courant d’un même morceau, se nomme modulation. Modulation.


  1. Du grec dia tonos, par ton. Cette gamme a été ainsi nommée par opposition avec celle où les sons se succèdent constamment par demi-tons.
  2. Du mot grec diesis, qui signifie division.
  3. L’étymologie fort curieuse du mot bémol se rattache à l’histoire de la musique ; on en trouvera l’explication à la fin du volume, note E.
  4. Il est à peine nécessaire de faire remarquer que si la gamme d’ut, de préférence à toute autre, est prise pour point de départ, pour gamme modèle, c’est parce que, seule, cette gamme est constituée naturellement, sans le secours d’aucun dièse ni d’aucun bémol.
  5. Le mot ton a une troisième acception : il signifie le son considéré dans son degré d’élévation ou d’abaissement ; on dit : donner le ton, prendre le ton, pour s’accorder.