Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p2/2

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II.
DURÉE ABSOLUE, OU MOUVEMENT.



251. La notation indique, comme nous l’avons vu, des rapports proportionnels de durée, mais nullement la durée positive d’une valeur prise en elle-même.  
xxAinsi, nous savons que la noire dure moitié moins que la blanche, et celle-ci moitié moins que la ronde. Ce sont là des proportions ; mais quelle doit être la durée de cette ronde, et par conséquent des autres valeurs qui en sont les fractions ?
252. La durée positive dévolue à chaque signe de valeur, pris en lui-même, est ce que nous appellerons la durée absolue.
253. Le temps qui constitue cette durée est déterminé arbitrairement pour chaque morceau : une ronde peut durer quatre secondes, comme elle peut en durer huit, comme elle peut n’en durer que deux[1].
254. Cette variété dans la durée absolue des valeurs ne change rien à leur durée relative, c’est-à-dire aux proportions de durée qui existent entre elles.
255. Cette durée absolue des sons constitue le MOUVEMENT, qui peut être défini : le degré de lenteur ou de vitesse dans la mesure. Mouvement.
256. Le compositeur doit avoir le moyen d’indiquer d’une manière précise le mouvement du morceau qu’il écrit, puisque sans l’exacte observation de ce mouvement, sa pensée ne serait pas rendue fidèlement.
257. À cet effet, on n’avait d’abord trouvé rien de mieux que de placer en tête du morceau certains mots[2] faisant connaître, tant bien que mal le mouvement. Comment on indique le mouvement.


xxAinsi les mots :  
Largo.  .  .  . (largement) ;
Lento.  .  .  . (lent) ;
Grave.  .  .  . (gravement) ;
Adagio.  .  .  . (posément) ;
Andante.  .  .  . (allant), mouvement modéré mais d’un rhythme sensible ;
Allegro.  .  .  . (gaiement), désignant un certain degré de vitesse, abstraction faite du caractère gai ou triste ;
Presto.  .  .  . (vite),
indiquèrent les principaux degrés de lenteur ou de vitesse.
xxOn eut de plus :
Larghetto.  . (diminutif de largo) ;
Andantino.  . (diminutif d’andante) ;
Allegretto.  . (diminutif d’allegro) ;
Prestissimo.  . (superlatif de presto).
xxLa signification de ces diverses expressions se trouve quelquefois modifiée par l’adjonction des mots : un poco, un peu ; molto, beaucoup ; assai exprimant une nuance plus forte que molto, et enfin non troppo, pas trop.  
xxOn emploie, en outre, d’autres mots tels que :
Cantabile.  .  .  .  .  .  .  .  . (commode à chanter) ;
Moderato.  .  .  .  .  .  .  .  . (modérément) ;
Sostenuto.  .  .  .  .  .  .  . (soutenu) ;
Affettuoso.  .  .  .  .  .  .  . (affectueusement) ;
Amoroso.  .  .  .  .  .  .  .  . (avec tendresse) ;
Scherzo ou scherzando.   (en badinant) ;
Brioso ou con brio.  .  .  . (d’une manière vive et brillante) ;
Con fuoco.  .  .  .  .  .  . (avec feu) ;
Con anima.  .  .  .  .  .  . (avec âme) ;
Risoluto.  .  .  .  .  .  .  .  .  . (d’une manière résolue) ;
Agitato.  .  .  .  .  .  .  .  .  . (avec agitation) ;
Vivace.  .  .  .  .  .  .  .  .  . (vivement) ;
Etc., etc.,
se rapportant au caractère et à l’expression du morceau, et servant à faire mieux saisir la nuance particulière de son mouvement.  
xxMais toutes ces expressions, toutes ces épithètes, n’indiquent rien de précis ; ce ne sont que des données vagues, au moyen desquelles on devine approximativement l’intention de l’auteur[3].


258. Il fallait un instrument propre à mesurer le temps musical, et qui permît de transmettre partout et toujours, avec une précision mathématique et d’une manière sensible, toutes les nuances imaginables du mouvement. Métronome.
xxPlusieurs essais plus ou moins heureux furent tentés pour la construction d’une semblable machine ; enfin on en adopta une qui parut remplir toutes les conditions désirables. C’est le métronome.
xxInventé par le mécanicien Winckel (d’Amsterdam), il fut perfectionné, en 1815, par Maëlzel, qui lui donna son nom.
xxVoici en quoi consiste cet instrument.
xxDans une boîte se trouve fixé un balancier, dont la tige se prolonge par en haut.
xxSur cette partie de la tige, la seule apparente, glisse à volonté un contre-poids mobile, ralentissant ou accélérant les oscillations du balancier, selon qu’il est placé plus ou moins haut.
xxUne échelle numérotée, placée derrière le balancier, marque le nombre d’oscillations qu’il accomplit dans un temps donné.
xxLa durée de ces oscillations est d’ailleurs rendue sensible à l’ouïe parle bruit, l’espèce de tic-tac que produit la machine à chaque oscillation du pendule.
xxL’inventeur a pris pour unité de temps la minute ; et le numéro de l’échelle à la hauteur duquel on place le contre-poids indique le nombre de coups que frappe le métronome pendant une minute. Ainsi, le contre-poids étant mis sur le n° 50, le métronome battra cinquante coups par minute ; s’il est placé devant le n° 80, l’instrument fera entendre quatre-vingts coups dans le même temps.
xxPour marquer le mouvement d’un morceau, le compositeur inscrit en tête un signe de valeur accompagné du numéro du métronome indiquant la durée absolue de cette valeur. Par exemple, cette indication : = 60 (blanche égale 60), signifie que la blanche doit durer la soixantième partie d’une minute, mouvement donné par les battements du métronome, quand le contre-poids est au n° 60. Cette autre indication : = 108 (noire égale 108), veut dire qu’ici la noire durera la cent huitième partie d’une minute, mouvement fourni par les battements de la machine, alors que le contre-poids est mis au n° 108.
259. Souvent il y a, dans un morceau, certains passages dont l’expression exige que le mouvement soit pressé ou ralenti. Modifications accidentelles dans le mouvement.
xxCes modifications passagères dans le mouvement général sont indiquées par des mots tels que :


Rallentando, par abréviationxx rall. (en ralentissant) ;
Ritardando  .   ritard.xx (en retardant) ;
Ritenuto  .   riten. (en retenant) ;
Slargando  .   slarg. (en élargissant) ;
Accelerando  .   accel. (en accélérant) ;
Stringendo  .   string. (en pressant).

xxQuand doit cesser cette perturbation momentanée, les mots tempo primo, ou a tempo, indiquent qu’il faut reprendre le premier mouvement.  
260. Quelquefois la marche de la mesure doit être totalement suspendue. Cette suspension s’indique au moyen du signe , lequel prend le nom de point d’orgue, quand il est appliqué à une note ; de point d’arrêt, quand il est mis à un signe de silence. Suspension de la mesure : Point d’orgue. Point d’arrêt.
261. Le point d’orgue signifie que la note au-dessus ou au-dessous de laquelle il est placé doit être prolongée pendant une durée indéterminée.
xxDans certains cas, cette sorte de repos est pour l’exécutant l’occasion de déployer son habileté et son goût dans des traits de fantaisie qu’il introduit pendant la suspension de la mesure. Un semblable trait se nomme également Point d’orgue[4]. Il s’écrit en petites notes, et on l’exécute à volonté.
xxLe point d’arrêt indique que la durée du silence au-dessus ou au-dessous duquel il est placé, doit être prolongée.
262. Battre la mesure, c’est en marquer les principales divisions par des mouvements de la main ou du pied. On établit ainsi une sorte de balancier qui régularise le mouvement de la mesure et qui en fait mieux sentir les divisions. Mais on bat surtout la mesure, dans la musique d’ensemble, afin d’obtenir plus de précision et d’unité dans l’exécution. Comment et pourquoi on bat la mesure.
xxDans toutes les mesures, le premier temps se marque en frappant, et le dernier, au contraire, en levant.
xxVoici les figures qui représentent la direction des mouvements par lesquels on bat les mesures à deux, à trois et à quatre temps.




xxQuelquefois, dans les mesures fort lentes, on indique en outre, par de petits mouvements subordonnés aux principaux, la division de chaque temps.  


EXEMPLES :





EXERCICES.


RÉPONDRE AUX QUESTIONS SUIVANTES


En quoi consiste la DURÉE ABSOLUE en musique ? 
 252
Faut-il entendre par DURÉE ABSOLUE, une durée toujours la même
Quelpour chaque signe de valeur, ou bien une durée arbitraire
Quelqu’on peut préciser ?
 
 253
Qu’est-ce que le MOUVEMENT ? 
 255
Comment indique-t-on le mouvement ? 
 257-258
Le mouvement d’un morceau ne peut-il pas subir des
Quelmodifications accidentelles ? — Comment les indique-t-on ?
 
 259
Que signifient le POINT D’ORGUE et le POINT D’ARRÊT ? 
 260-261
Comment et pourquoi bat-on la mesure ? 
 262



EXERCICES PRATIQUES



 
Continuer les dictées.






  1. La différence qui, selon le cas, peut exister dans la durée absolue d’un même signe de valeur est telle, que, dans certains morceaux, cinq rondes suffiront pour remplir l’espace d’une minute, tandis que dans d’autres on en fera trente ou quarante dans le même espace de temps.
  2. Les mots qui fournissent les indications intercalées dans la notation musicale sont généralement empruntés à la langue italienne.
    xxL’usage universel d’un même vocabulaire et de mêmes signes de notation constitue, en faveur de la musique, une précieuse prérogative.
  3. Autrefois, avant que l’usage se fût établi d’indiquer le mouvement au moyen de semblables mots, on avait imaginé de le désigner, pour certains morceaux de musique instrumentale, par les noms d’airs de danse en vogue dont l’allure bien connue se rapportait au mouvement qu’il fallait donner au morceau. Les titres de menuet, allemande, gigue, sarabande, chaconne, courante, etc., étaient ainsi donnés à des morceaux qui, sans avoir le caractère de ces danses, en avaient le mouvement. Mais cette manière de faire connaître le mouvement n’en pouvait embrasser toutes les variétés, et d’ailleurs elle dut être abandonnée avec l’usage de ces danses.
  4. Les Italiens nomment cadenza, cadence (chute de phrase), cette sorte de trait, quand il précède et amène le repos final.