Principes de morale rationnelle/1-2-3

La bibliothèque libre.
Félix Alcan (p. 60-72).

III

S’il y a eu beaucoup d’auteurs pour ne pas voir le caractère humain de la morale, il y en a eu aussi pour ne pas voir son caractère rationnel. Cette dernière tendance est représentée de nos jours par M. Rauh ; et c’est dans l’ouvrage de celui-ci sur L’expérience morale que j’en chercherai l’expression pour la discuter.

M. Rauh, comme MM. Simmel et Lévy-Bruhl, est l’adversaire des théories morales ; mais, s’il s’accorde avec eux dans la critique, les conclusions positives auxquelles il aboutit lui sont propres. On a vu que M. Lévy-Bruhl ne visait à rien de moins qu’à détruire tout ce que l’on entendait jadis par le nom de morale, pour ne laisser subsister que la science des mœurs et les applications de cette science ; entreprise vaine d’ailleurs, puisque les applications prévues par M. Lévy-Bruhl correspondaient à la vieille « morale pratique », et que la nécessité de diriger ces applications vers des fins conduisait même à édifier une « morale théorique ». M. Rauh, lui, se tient plus près de la philosophie classique ; le mot de morale ne lui fait pas peur ; il conserve la notion du devoir, dont il fait une analyse des plus fines[1]. Sa préoccupation est exactement celle qui guide à l’habitude les moralistes : il cherche à savoir comment nous devons nous comporter dans les mille si tuations, dans les circonstances si diverses où la vie nous place. Et ce qu’il nous propose, c’est une méthode à l’aide de laquelle nous puissions diriger notre conduite.

Cette méthode de M. Rauh consiste à suivre, mais après les avoir « éprouvées », les croyances morales que nous possédons. Une croyance morale, dit M. Rauh, ne se prouve pas, elle s’éprouve[2] ; c’est l’expérience qui révèle si cette croyance est solide, l’irrésistibilité d’une croyance morale étant en définitive le critérium de sa validité[3].

Toutefois l’ « expérience morale », pour être décisive, doit satisfaire à de certaines conditions. Il faut que l’agent soit sincère, qu’il prenne conscience des vrais motifs qui inspirent ses actions, des convictions qui réellement sont en lui. Il faut encore qu’il soit informé, c’est-à-dire qu’il connaisse les conséquences des actions qu’il se propose d’accomplir, les sentiments que ces actions feront naître chez les autres. Il faut, en troisième lieu, qu’il soit impartial, désintéressé, qu’il ne regarde pas les choses d’un point de vue personnel[4]. Adoptons cette triple attitude : alors nous n’aurons pas mieux à faire que d’obéir aux croyances que la pratique laissera subsister en nous, ou auxquelles elle donnera naissance.

En fin de compte on aura, procédant comme veut M. Rauh, une multiplicité de croyances, de principes moraux. C’est une chimère, aux yeux de M. Rauh, que de prétendre ramener à l’unité les règles de la conduite. Sans doute l’objet de la morale est de déterminer une hiérarchie parmi nos tendances[5] : la morale, même, n’a de raison d’être qu’en tant qu’elle nous fournit une solution des conflits qui se produisent à chaque instant entre ces tendances. Mais l’établissement de cette hiérarchie n’emporte pas l’unification de la morale : chaque principe, chaque croyance a sa valeur intrinsèque, qu’elle ne tient nullement d’une croyance plus générale.

Bien plus, les principes moraux n’auront pas tous, tant s’en faut, ce qu’on appelle parfois l’universalité objective. Un mouvement naturel de l’esprit a beau nous porter à former des jugements moraux universels, à concevoir des catégories morales qui s’étendent aux hommes de tous les temps et de tous les lieux[6], il n’en reste pas moins qu’à côté de ces jugements universels il y a des devoirs spéciaux, et des devoirs proprement particuliers. Et si M. Rauh déclare que les plus importants de ces différents devoirs sont ceux de la classe intermédiaire, que « la morale vivante se meut dans l’entre-deux », on peut aller jusqu’à dire qu’en un sens, dans sa doctrine, tous les devoirs sont originairement des devoirs singuliers : la source de toute certitude morale n’est-elle pas, pour M. Rauh, dans l’action, et toute expérience n’est-elle pas l’expérience d’un moment, d’une situation tout d’abord particulière et unique ?

Enfin les croyances morales n’auront non plus qu’imparfaitement l’universalité subjective. M. Rauh déclare bien que « si chacun se plaçait courageusement en face de sa croyance, les divergences entre les hommes s’atténueraient », qu’ « il ne subsisterait entre eux que les irréductibles oppositions des tempéraments, des vocations morales », que les différences les plus notables portent non sur les fins, mais sur les moyens d’action[7]. Mais de telles différences ne laissent pas d’être très importantes.

La morale que je viens d’exposer, si on la considère dans ses caractères les plus apparents, dans ceux qui lui donnent son originalité et sur lesquels l’auteur insiste le plus, est une morale du sentiment, pour employer une expression qui a cours, ou si l’on veut encore une morale de la foi. La croyance morale de M. Rauh, lorsqu’elle résiste à l’épreuve de l’expérience, lorsqu’elle s’affirme dans cette expérience, n’a pas besoin de justification ; ce serait en méconnaître la nature, et même la détruire, que de chercher à la « fonder ». La croyance morale est analogue à la foi religieuse ; elle n’y est point identique, car les objets de l’une et de l’autre sont différents ; et c’est l’erreur de la foi religieuse, d’après M. Rauh, — erreur à laquelle rien ne correspondrait dans la croyance morale — de vouloir prouver par des preuves tirées du cœur des faits qui relèvent seulement d’une critique objective[8] ; mais elles ont ceci de commun que ni l’une ni l’autre n’ont besoin de raisons. C’est ce qui permet de dire que la morale de M. Rauh, pour autant qu’on la prend dans ce qu’elle a de spécifique, est tout le contraire d’une morale rationnelle. M. Rauh a beau user fréquemment de cette dernière épithète, assurer que la raison, entre autres fonctions, a celle de nous donner une certitude pratique immédiate, intuitive en quelque sorte, pour des cas spéciaux ou même singuliers : la raison est essentiellement et uniquement une faculté de généralisation et d’unification, et c’est par un abus inadmissible que M. Raub se sert de son nom et du mot « rationnel » comme il a été vu.

Si la croyance morale est une foi, si c’est ne pas voir ce qu’elle est que de chercher à la justifier ou à la « fonder », la morale ne sera pas autre chose que la notation des croyances morales ; et cette morale ne subsistera qu’autant que les croyances morales dureront elles-mêmes. La question se pose alors de savoir si ces croyances, quand on les entend à la manière de M. Rauh, sont durables, si elles ne portent pas en elles-mêmes un germe de mort destiné à causer tôt ou tard leur ruine, c’est-à-dire celle de la morale.

Cette question, à laquelle j’ai touché déjà à propos de la doctrine de l’école « sociologique », M. Rauh n’a pas manqué de la rencontrer ; et il n’a pas osé y faire une réponse purement négative. Il reconnaît que la science, en particulier la connaissance de l’histoire, peut affaiblir l’efficacité d’un idéal, qu’une croyance tend à se dissoudre au contact de croyances autres. Il déclare toutefois que s’il en est ainsi, c’est parce que l’on pense souvent — à tort — « qu’un idéal n’est justifié qu’à la condition d’être absolu, ou d’être suspendu à une vérité absolue » ; la source de cette sorte de scepticisme moral serait dans « une superstition matérialiste de l’éternité »[9] : l’idée d’une « vérité » éternelle est un fantôme qu’il faut exorciser, tout comme la conception « substantialiste, panthéistique » d’une vérité une[10]. Mais est-ce bien un fantôme que l’idée d’une vérité une ? La notion, d’un principe pratique unique auquel serait subordonnée toute la conduite ne correspond-il pas plutôt, ainsi que j’ai essayé de l’établir, à un besoin essentiel de la raison ? Et ce principe unique — je ne parle pas des « vérités » pratiques dérivées — ne sera-t-il pas éternel ?

M. Rauh avoue en définitive qu’il y a, dans le processus de la dissolution des croyances morales, quelque chose de nécessaire ; et il cherche à se tirer d’affaire en disant que cette dissolution des croyances morales révèle « une disposition plutôt morbide de la pensée ». « Si l’on songe au passé, aux causes, aux circonstances d’une croyance, il y a chance pour que son feu s’amortisse ». Mais il ne faut pas conclure de là « que seule est solide une croyance fondée sur un principe simple, indécomposable, éternel » ; il faut conclure « qu’il y a un temps pour l’analyse, un temps pour la vie : car c’est une loi psychologique bien connue qu’on fait malaisément deux choses à la fois. De ce qu’on risque de faire mal de la physique, si on fait en même temps de la peinture, le physicien ne conclut pas qu’il faut trouver à la physique un fondement éternel. Il distribue mieux son temps »[11].

Cette argumentation de M. Rauh ne supprime pas la difficulté que je signalais. La disposition à cesser de croire quand on connaît les origines, le passé de sa croyance, n’est nullement une disposition « morbide » ; c’est une disposition on ne peut plus normale. M. Rauh veut qu’il y ait dans la vie deux sortes de moments : les uns où l’on agit, et où les croyances morales ont toute leur force, les autres où l’on réfléchit, où l’on analyse, et où ces mêmes croyances se dissolvent. Il n’est pas impossible que jusqu’à un certain point cette dualité existe ; elle existe même : c’est un fait d’observation ; mais elle ne saurait subsister indéfiniment, et elle ne saurait être parfaitement tranchée. On peut très bien étudier la physique sans peindre, et peindre sans étudier la physique ; mais comment les résultats de la réflexion n’influeraient-ils pas sur notre manière d’agir ?

Peut-être, toutefois, M. Rauh a-t-il accordé trop vite que la science affaiblit et tend à détruire les croyances morales. Ne pourrait-on pas soutenir, en effet, que les croyances morales sont des sentiments, et se comportent, pour ce qui est du point qui nous occupe, comme les autres sentiments ? Un père aime ses enfants ; quand il aura appris que l’amour paternel n’existait pas dans les temps primitifs de l’humanité, quand il saura comment ce sentiment est apparu parmi les hommes, l’en éprouvera-t-il moins ? De même, quand nous aurons appris que les unions entre parents n’ont pas toujours été prohibées, quand nous connaîtrons les causes pour lesquelles l’inceste est devenu un acte infâme, nous n’éprouverons pas moins d’éloignement pour lui.

Une telle assimilation du sentiment moral aux autres sentiments ne serait pas fondée : elle méconnaîtrait ce qu’il y a dans la croyance morale de spécifique. Considérons l’exemple qui vient d’être donné, analysons ce que nous éprouvons quand nous pensons à l’inceste ; nous trouvons, dans la réaction que cette idée provoque en nous, deux éléments distincts, qu’il importe de séparer. D’une part l’inceste nous inspire un sentiment — au sens propre du mot — de répulsion, voire d’horreur. D’autre part nous avons cette conviction que l’inceste est un acte mauvais, que nous devons nous en abstenir. De ces deux éléments, le sentiment proprement dit et la conviction morale, l’un vraisemblablement a donné naissance à l’autre. M. Durkheim veut que l’idée de l’obligation se soit attachée aux sentiments forts et définis des hommes vivant en société. Peut-être cette théorie n’est-elle pas vraie pour tous les cas ; peut-être le sentiment de répulsion qu’on éprouve pour certains actes est-il né souvent du fait que pendant de longues générations ces actes avaient été proscrits, blâmés et punis pour une raison ou pour une autre, parce qu’on s’était imaginé qu’ils déplaisaient à la divinité, ou parce qu’on avait constaté qu’ils compromettaient l’existence de la société. Toutefois ce point importe peu. Ce qu’il faut noter, c’est que les deux éléments sont à l’ordinaire étroitement amalgamés ; mais il faut noter en même temps qu’il n’en est pas toujours ainsi, et que les variations de l’un ne correspondent pas exactement aux variations de l’autre. Tout le monde a observé que parfois, la conviction restant entière qu’un acte est mauvais, le sentiment qui nous éloigne de cet acte manque tout à fait. Il arrive aussi, à l’inverse, que la conviction ne soit pas accompagnée du sentiment, ou que celui-ci, la conviction restant entière, soit affaibli au point de ne presque plus agir : et alors, même si la conviction morale est assez forte pour l’emporter sur les tendances contraires, cette conviction est pour nous comme un joug qui nous pèse, et dont nous voudrions être délivrés[12].

S’il en est ainsi, si la croyance morale, dans ce qu’elle a de spécifique, est ou peut devenir pour nous un fardeau, il est clair que la connaissance de son origine, que l’analyse tendront à la détruire. Elle ne s’imposait à nous — pour autant que nous nous abstenons de la « fonder » — que parce que nous pouvions la croire universelle, nécessaire. Détrompés, elle s’évanouira. Le sentiment qui l’accompagnait subsistera plus longtemps, car les sentiments sont plus tenaces que les croyances. Si ce sentiment, toutefois, doit sa naissance à la croyance correspondante, il sera condamné à périr dès lors que cette croyance ne sera plus là pour le vivifier. Et si l’on veut que le sentiment puisse avoir une existence indépendante de celle de la croyance, ce sentiment sera dépouillé bientôt de tout ce qui pourrait permettre de l’appeler moral.

En définitive la foi morale, telle que M. Rauh la définit, est essentiellement fragile et périssable[13]. Et toute la morale, si on l’entend comme fait M. Rauh, est fragile et périssable aussi. Mais la morale doit être assurée d’exister. Et M. Rauh en a bien l’intuition, puis qu’il la défend contre le danger qui la menace. Lorsqu’il qualifie de « morbide » la disposition à douter de la validité des croyances morales, que veut-il dire, sinon qu’il faut que de telles croyances subsistent, qu’il faut qu’il y ait une morale : seulement, parlant ainsi, il est inconséquent avec lui-même. Une foi est ou n’est pas : c’est une prétention singulière — et contre laquelle M. Rauh lui-même nous a mis en garde — que de vouloir établir qu’elle doit être. Pour être à l’abri de la critique dissolvante de la raison, il faut que la morale soit constituée par la raison.

Mais la doctrine de M. Rauh n’est pas tout entière « fidéiste », comme le feraient croire l’exposé et la discussion qu’on vient de lire. Une autre tendance s’y révèle qui est vraiment rationnelle. Ainsi M. Rauh parlera à diverses reprises du contrôle que la raison doit exercer sur le sentiment. Il déclare éprouver de l’inquiétude devant les hommes qui vivent certains principes sans les avoir jamais critiqués, qui élèvent ces principes immédiatement à l’absolu, qui sont capables de développer une pensée une fois donnée, mais non de la réfléchir : il voit là une mutilation volontaire de l’esprit. Pour lui, le sentiment est par rapport à la conscience morale comme la nature par rapport à la pensée scientifique : la pensée utilise la nature, elle l’interprète, elle ne s’y soumet pas. C’est une contradiction, dit-il encore, de diviniser l’instinct, puisque c’est la raison qui l’élève à ce rang et que, le jugeant, elle se met au-dessus de lui[14].

On notera de même l’affirmation par M. Rauh d’un « devoir de non-contradiction ». M. Rauh avance qu’ « il n’est pas nécessaire que le contenu d’une action soit qualifié moralement pour que la contradiction sans raison ou motivée par l’intérêt paraisse immorale » ; c’est qu’en effet, dit-il, le premier devoir de l’honnête homme est d’user de son intelligence, de sa raison ; et la première forme de la raison, c’est la raison logique, le maintien d’une affirmation comme telle[15]. Et peut-être pourrait-on trouver qu’un tel rationalisme est mal entendu ; peut-être pourrait-on soutenir que la logique n’a de prix que lorsqu’elle sert à nous maintenir dans la vérité, ou à nous acheminer vers elle. L’assertion à M. Rauh n’en demeure pas moins significative.

Non moins intéressante que la précédente est cette autre assertion de M. Rauh que pour faire choix d’une croyance il faut tenir compte de la quantité de ses adhérents, de sa puissance d’expansion[16]. La pensée individuelle ne se suffit pas à elle-même. « Je ne peux prévoir, dit M. Rauh, si la vérité morale se révélera à ma conscience ou à celle d’autrui ». À vrai dire, une thèse pareille ne tend à rien moins qu’à renverser complètement la doctrine qu’on a vue tantôt. Cette doctrine ne plaçait-elle pas la « vérité morale » dans la croyance irrésistible, et la croyance n’est-elle pas une chose toute subjective ? Aussi M. Rauh cherche-t-il à échapper à la contradiction. « Le consentement de soi-même à soi-même, écrit-il, reste le dernier critère de la certitude ; mais ce consentement serait impossible si l’adhésion publique lui faisait indéfiniment défaut ». Et que l’on ne comprenne pas que la croyance morale de l’individu n’aura toute sa force que lorsqu’il la verra partagée par les autres. Non, M. Rauh veut dire que cette croyance ne sera valable qu’à cette condition. Mais pourquoi subordonner la « vérité » d’une croyance morale à l’accord des hommes, sinon parce que cette croyance doit répondre aux exigences d’une faculté présente chez tous les hommes, et pareille chez tous, laquelle faculté ne peut être que la raison ?

Mais la tendance rationaliste se manifeste tout d’abord chez M. Rauh par les conditions mêmes qu’il met à la validité de l’ « expérience morale ». Cette expérience n’est décisive que si l’agent y a eu une attitude impartiale, désintéressée. D’où cette prescription viendrait-elle, si ce n’est de la raison, qui nous fait oublier notre individualité, et produit en nous le besoin de la justice, c’est-à-dire de principes pratiques impersonnels ? Et sans nous attacher d’une manière particulière à cette condition de l’impartialité de l’agent dans l’expérience morale, pourquoi cette expérience est-elle soumise à des conditions ? pourquoi M. Rauh ne prend-il pas la croyance morale à l’état brut et ne nous engage-t-il pas à la suivre telle que nous la trouvons en nous ? C’est qu’il estime, évidemment, que la morale ne relève pas uniquement de la foi, et que la raison doit y jouer un rôle.

Ainsi, si les thèses fondamentales de la doctrine de M. Rauh font de cette doctrine une doctrine fidéiste, si tel est du moins le sens des thèses caractéristiques de la doctrine, de celles qui lui donnent son originalité, M. Rauh cependant a dû accorder quelque chose à la raison. Mais on est en droit de penser qu’il ne lui a pas accordé assez, et qu’il ne saurait y avoir de partage entre la raison d’une part et d’autre part un principe comme celui de la foi.

  1. L’expérience morale, Paris, Alcan, 1903, 1, § 3 (pp. 17 sqq.).
  2. P. 15 (i, §2).
  3. P. 2 (1, §1).
  4. Voir chap. 10.
  5. P.23(1, §3).
  6. Voir p.168 (6, §3).
  7. P. 191 (chap. 7) ; p. 220 (chap. 9).
  8. P. 3, note (chap. 1).
  9. Pp. 225-226 (chap. 9).
  10. Voir p. 224.
  11. Pp. 226-227.
  12. Ce qui vient d’être dit de la distinction à établir entre la conviction morale et le sentiment proprement dit pourrait être illustré par des exemples tirés de la littérature. Les héros de Corneille, le plus souvent, sont déterminés à agir par des convictions morales. Auguste, s’il s’abandonnait à ses sentiments, prononcerait sans doute la condamnation de Cinna ; le pardon qu’il accorde à celui-ci procède, en même temps que de vues intéressées et de la lassitude qu’éprouve l’empereur, fatigué de réprimer des complots, d’un effort de la volonté qui est proprement moral. Il en va autrement, sauf exception, des héros et des héroïnes de Racine. Andromaque, dans son amour pour son fils, tremble que celui-ci ne soit sacrifié ; mais si elle hésite à épouser Pyrrhus pour sauver Astyanax, ce n’est nullement qu’elle se croie tenue, comme on l’a dit plus d’une fois, de demeurer fidèle à la mémoire d’Hector ; c’est que son attachement passionné à cette mémoire lui fait regarder avec horreur l’idée d’une seconde union, et surtout d’une union avec le meurtrier de Priam, avec le fils de celui qui a tué Hector : la lutte, dans son âme, est toute entre deux sentiments.
    Il peut arriver qu’un sentiment, par cela seul qu’il est fort, se teinte de la nuance de l’obligation. J’ai déjà mentionné ce cas de contamination psychologique. Il me sera permis de le négliger ici.
  13. Voir, dans le même sens, les remarques de Guyau (La morale anglaise contemporaine, Paris, Alcan, 5e éd., 1904, 2e partie, III, 2, § 1, pp. 294 sqq., et III, 4, § 1, pp 333 sqq.).
  14. Pp. 101-103 (5, § 1) ; cf. p. 124 (§ 2).
  15. Pp. 146-148 (6, § 3).
  16. Voir pp. 125 sqq. (5, § 3).