Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres/1/4

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Séance du 9 Janvier 1857.


Présidence de M. Maurice DE BARRAU.


MM. le sous-préfet et le président du tribunal de première instance assistent à la séance.

M. l’abbé Boyer, supérieur du petit séminaire de Castres, lit une étude sur le livre de M. l’abbé Paramelle, intitulé : l’Art de découvrir les sources.


Il ne s’agit pas uniquement de constater les résultats auxquels est parvenu le célèbre hydroscope, grâce à une longue expérience et à une sagacité qui s’est rarement trouvée en défaut. Ce n’est pas à des moyens extraordinaires, à une aptitude physique spéciale, que M. l’abbé Paramelle doit cette étonnante infaillibilité qui a rendu son nom si populaire, et l’a fait proclamer le bienfaiteur de tant de localités. L’observation et l’étude continuée avec une persévérante activité, l’ont amené à créer une science dont des applications multipliées lui ont permis de reconnaître pour lui-même, et de proclamer pour les autres, l’incontestable exactitude.

La nature ne se révèle pas à nous d’elle-même. Nous sommes obligés de lui arracher un à un ses secrets. Ce n’est qu’après de longues et infructueuses tentatives, que nous pouvons parvenir à dévoiler ses mystères, à découvrir ses lois. Or, ses lois sont fécondes. Que nous les trouvions tout d’abord, ou que nous arrivions à elles en passant par les faits, nous sommes assurés d’en tirer pour nous-mêmes quelque avantage. Les principes découverts par M. l’abbé Paramelle, peuvent amener d’excellents résultats. Ce n’est pas que chacun, après les avoir étudiés, puisse se promettre d’être aussi sûr dans ses jugements, aussi exact dans ses appréciations, que le savant hydroscope. Mais, ce sont des guides qui ne trompent pas. En les étudiant avec sagacité, en les suivant docilement, on peut continuer le bien qu’a fait M. l’abbé Paramelle. C’est là, d’ailleurs, son ambition. Obligé par l’âge de renoncer à ses courses, il a voulu livrer au public les secrets de son expérience et les procédés de ses observations.

Il indique d’abord les connaissances géologiques absolument indispensables à tous ceux qui voudraient s’occuper d’hydroscopie. Ces notions ne sont pas son bien propre ; elles sont d’ailleurs tout-à-fait élémentaires : mais elles abrégent le temps et assurent le succès. Lorsque ces notions sont bien comprises, elles expliquent l’assurance avec laquelle M. l’abbé Paramelle formule le résultat de ses recherches. Elles amènent chez ceux qui les étudient, une confiance qu’il ne faudrait pas pousser trop loin, mais qui, maintenue dans de justes bornes, soutient les premiers efforts et rend faciles les premières tentatives.

M. l’abbé Paramelle entre ensuite dans l’exposition de son système. Il discute, en remontant jusqu’aux plus anciens observateurs de la nature, les opinions populaires et celles de la science, sur l’origine et la formation des sources. Il montre les erreurs capitales dans lesquelles on est tombé de tous les temps. C’est que l’explication la plus simple est toujours la dernière trouvée ou la dernière admise. Il expose ses propres idées et explique la véritable origine des sources. Elles sont produites par la pluie, la neige, la bruine, les brouillards, la rosée, la grêle, le givre. L’eau qui en résulte glisse à la surface de la terre, pénètre dans son sein, suivant les conditions du lieu qui la reçoit, ou est absorbée par les plantes. Les calculs des hommes compétents, joints aux observations particulières du savant hydroscope, lui ont permis de déduire les deux lois suivantes :

1° Les météores aqueux versent, sur la terre, beaucoup plus d’eau que les cours existants n’en déchargent dans la mer.

2° Toute l’eau que produisent les sources n’est que le douzième de celles que les pluies et les autres météores aqueux versent sur la terre.

La terre s’imbibe d’eau avec plus ou moins de facilité, suivant qu’elle est plus ou moins spongieuse. L’eau ne descend d’abord, n’avance qu’avec une grande lenteur : souvent, après une forte pluie, elle n’a pénétré qu’à une petite profondeur. Entraînée néanmoins par sa pesanteur, elle ne cesse de descendre que lorsqu’elle rencontre une couche imperméable. Alors elle change de direction pour suivre l’inclination des pentes. Voilà l’origine des sources.

Il ne peut se former des sources dans les lieux où la première couche du sol est imperméable. Dans ce cas, les eaux de pluie s’écoulent à la surface du sol à mesure qu’elles y tombent. Elles donnent naissance à des torrents et non à des sources.

Une source ne peut pas se former entre deux couches perméables. Une couche, même perméable, ne peut servir de lit à une source, s’il s’y rencontre des fissures verticales ou obliques, qui permettent à l’eau d’atteindre jusqu’aux couches inférieures. De là vient, qu’après un tremblement de terre, certaines sources ont tari tout-à-coup. Enfin, on ne doit jamais chercher une source sur la ligne de partage des eaux, sur les croupes des montagnes, des collines et des contreforts.

Mais tout vallon et tout pli de terrain formé à la surface d’une couche perméable, reposant elle-même sur une couche imperméable, renferme certainement une source, s’il est suffisamment vaste ; et le volume de la source est proportionnel à l’étendue et à la perméabilité du sol où elle est produite.

D’après ces principes, M. l’abbé Paramelle indique les lignes que suivent les sources, les points où elles ont le plus ou le moins de profondeur et d’abondance. Enfin, après avoir donné les moyens de connaître le volume d’une source, il trace les règles qui doivent présider à l’exécution des travaux destinés à la mettre à découvert, et à la distribuer pour la plus grande utilité des populations ou des campagnes.

Cet exposé est terminé par une appréciation sur l’ensemble du livre, les opinions qu’il renferme et l’utilité qu’il peut avoir. M. l’abbé Boyer ajoute : « Plus d’une fois j’ai entendu parler de projets et de dépenses dont le but serait d’amener dans la ville de Castres les eaux de l’Agoût. J’ignore les chances de réussite que peut avoir un pareil projet. Mais, si je ne me trompe, les vallons qui dominent la ville, conduisent dans son voisinage et jusque sous ses murs, des sources considérables qu’il serait peut-être aisé et peu coûteux d’intercepter à des hauteurs suffisantes pour les distribuer utilement. À défaut de M. l’abbé Paramelle, son livre pourrait, ce semble, donner quelques conseils et servir de guide. »

Des observations suivent cette lecture. Elles provoquent des développements qui portent sur les diverses parties du livre, et amènent M. l’abbé Boyer à donner quelques explications sur les études auxquelles il s’est livré aux environs de Castres, pour rechercher les sources qu’ils peuvent renfermer.

La Société l’engage à les continuer et à consigner dans un rapport les résultats qu’il aura obtenus. Il serait heureux que la ville de Castres arrivât promptement à la solution d’un problème qui donnerait satisfaction à tant d’intérêts.

Plusieurs membres se mettent à la disposition de M. l’abbé Boyer pour le seconder dans ses travaux.