Promenade (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 50-51).
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PROMENADE



 
Promeneur singulier que j’élis dans la foule,
Mon désir curieux s’infiltre dans tes chairs.
Dans tes muscles chacun de mes muscles se coule,
Fibre à fibre, mes nerfs s’allongent dans tes nerfs,

Mes yeux s’ouvrent au fond de tes yeux, ma cervelle
Enroule ses replis aux plis de ton cerveau ;
Voici que je suis Toi, voici qu’une nouvelle
Conscience m’éveille en un monde nouveau.

Ô palais d’améthyste aux sombres colonnades
Étageant des orgueils de pierre et de métal,
Au fond de parcs princiers fleuris de promenades
Où des reines de joie offrent leur sein fatal,

Ô souterrains peuplés de froides pierreries,
Veillant comme des yeux sur des couteaux sanglants
Qui mêlent l’effroyable appareil des tueries
À l’or luxurieux des vieillards pantelants,

— J’aime tous tes amours, je rêve tous tes songes ;
Ma mémoire s’emplit de ton passé secret ;
J’apprends d’autres péchés rongés d’autres mensonges
Et je parcours ta vie ainsi qu’un lazaret.

Enfin, sortant de toi, dans ma seule existence
Je rentre, exténué, pâle et tremblant encor,
Mais le cerveau chargé d’une riche science,
Comme un vaisseau qui porte une cargaison d’or.