Aller au contenu

Prose et Vers/Credo

La bibliothèque libre.
Prose et VersAlbert Messein (p. 41-42).

CREDO

Je crois que la Beauté est une condition de la parfaite vie, au même titre que la Vertu et la Vérité.

Le Poète doit être celui qui rappelle aux hommes l’idée éternelle de la Beauté dissimulée sous les formes transitoires de la Vie imparfaite.

Parmi toutes les formes que lui présente la vie, il ne doit donc choisir pour symboliser son idée de la Beauté que celles qui correspondent à cette idée. Des formes de la Vie imparfaite, il doit recréer la vie parfaite.

En d’autres mots, il doit être le maître absolu des formes de la Vie, et non en être l’esclave, comme les Réalistes et les Naturalistes.

Cependant il ne doit pas se contenter, comme les Romantiques et les Parnassiens, d’une beauté tout extérieure, mais par le symbolisme des formes de beauté il doit suggérer tout l’infini d’une pensée ou d’une émotion qui ne s’est pas encore exprimée.

La Poésie, étant à la fois Verbe et Musique, est merveilleusement apte à cette suggestion d’un infini qui n’est souvent que de l’indéfini. Par le Verbe elle dit et pense, par la Musique elle chante et rêve. Aussi la seule Poésie est-elle la Poésie lyrique, fille du Verbe descriptif et de la Musique rêvante.

Et la seule Poésie lyrique qui puisse prévaloir est la Poésie symbolique, qui est supérieure, par la force de l’idée inspiratrice, à la vaine réalité de la Vie, puisqu’elle n’emprunte à la vie que ce qu’elle offre d’éternel : le Beau qui est le Vrai[1].

  1. (Anthologie des Poètes français contemporaine, II, 452. Paris, Delagrave, 1906. Merrill venait de publier les Quatre Saisons et préparait Une Voix dans la Foule. Cette page inédite fut insérée à la demande expresse de l’auteur, en conclusion à sa biographie.) — Note d’Albert Mockel.