Prose et Vers/Pierre Quillard
PIERRE QUILLARD
Pierre Quillard fut un de ces admirables poètes pour qui l’action ne cesse jamais d’être la sœur du rêve. Le bonheur qu’il avait éprouvé à contempler l’idéale beauté, il le voulait répandre parmi les hommes. Or, il savait fort bien que nulle beauté n’est accessible au grand nombre dans notre société moderne, où tout est soumis au caprice de l’individu et à la tyrannie de l’argent. Il rêva donc une société meilleure où, comme à Florence et dans Athènes, l’âme collective de la foule pût s’exprimer en toute liberté et en plein lyrisme et corroborer l’effort de l’élite. Il ne pouvait imaginer qu’on prétendît aimer la beauté et que l’on se détournât égoïstement des effroyables laideurs de notre temps. L’univers pour lui ne se bornait pas aux quatre murs de sa bibliothèque. Au point de vue spirituel il se donnait à tous et s’augmentait de ce don de lui-même. Sa vie ne fut-elle pas plus riche que celle du cuistre ou du pédant ? Ce n’était pas, pour lui, une marque d’aristocratie que de mépriser la foule. Au contraire, le véritable surhomme est celui qui donne une voix à la muette douleur de la multitude, qui se fait le héraut du Droit et l’annonciateur de la Justice, et qui, au besoin, apporte à la trop lâche humanité, non pas la paix, mais le glaive. L’harmonie qui régnait dans ses œuvres et dans celles qu’il admirait, il en demandait passionnément la réalisation pratique aux hommes de bonne volonté. Pas plus que dans ses poèmes, il ne pouvait tolérer une dissonance dans la société. Il portait en toutes choses le souci de la perfection. Lui-même s’était purifié de tout bas désir, et c’est avec le désintéressement de l’apôtre que Pierre Quillard prit part aux luttes idéologiques de son temps.
Ne croyez pas que mon amitié m’incline à exagérer le mérite loyal d’un homme dont la plupart ne connurent que les actes publics. Le monde est une vaste scène où les acteurs, ayant prononcé les paroles de leur rôle, disparaissent sans que nous nous inquiétions trop d’apprendre quel genre d’esprits ils furent. Tous ceux qui ont vécu dans l’intimité de Pierre Quillard savent combien il fut supérieur à tous les rôles qu’il se permit d’assumer. Il laissait aux autres les places en vue, préférant se tenir à l’écart, et ne s’avançait au premier rang qu’au moment du danger. C’est aux autres aussi qu’il abandonnait la gloire de recueillir les lauriers et l’avantage de profiter des dépouilles. Il ressemblait en ce point à son ami Bernard Lazare qui, ayant mis en branle toute l’affaire Dreyfus, se vit oublié, dans l’ivresse de leur triomphe, par les combattants de la dernière heure.
On connaît la vie de Pierre Quillard. Elle ne fut qu’une lutte magnifique et sereine en faveur de la Justice et de la Beauté. Avant d’en noter les principaux épisodes, je tiens à déclarer que si, personnellement, je partage toutes les idées de mon ami, je ne demande à personne de les approuver. Dans la mêlée des opinions, nous croyons chacun avoir raison, et nous devons le croire passionnément, mais n’est-ce pas manquer de noblesse que de douter de la bonne foi de ses adversaires ? Moins qu’aux autres, il nous est permis à nous, qui n’avons cessé de lutter contre tous les dogmes, de prétendre à l’infaillibilité. Au-dessus des opinions, plaçons le caractère. Chaque fois que nous rencontrons sur notre chemin un antagoniste qui se distingue par la sincérité, le courage et le désintéressement, saluons-le bien bas avant de le combattre. Cet esprit chevaleresque, Pierre Quillard le possédait au suprême degré. Il estimait hautement des hommes comme Denis Cochin et de Mun ; jamais même, dans ses critiques littéraires, il ne froissa, lui, libre penseur, des poètes catholiques comme Adrien Mithouard ou Louis Le Cardonnel. Il se plaisait à honorer particulièrement un adversaire qui lui ressemblait par sa belle culture, sa souriante bravoure et son insoupçonnable probité : j’ai nommé Charles Maurras. Qu’on rende donc à Pierre Quillard la justice qu’il rendait si volontiers aux autres, et oublions, pour le moment, nos dissensions pour ne retenir que les nobles motifs qui régissent la conduite des hommes supérieurs.
Pierre Quillard naquit à Paris le 14 Juillet 1864. C’est au lycée Condorcet que se rencontrèrent, par un singulier hasard, les futurs poètes Éphraïm Mikhaël, René Ghil, André Fontainas, Georges Vanor, Rodolphe Darzens, Pierre Quillard et le signataire de ces lignes. Dans une classe inférieure, Tristan Bernard, plus jeune, suivait avec intérêt nos essais littéraires, car nous commencions déjà à écrire. Mais n’anticipons pas.
De nous tous, Éphraim Mikhaël, à l’heure incertaine de l’adolescence, fut le plus précoce. Il atteignit, de bonne heure, à la perfection poétique, comme s’il pressentait qu’il devait plus rapidement que nous accomplir sa destinée. Quoique, par courtoisie, il consentît à la parade de la gaîté, il était hanté dans la solitude par cette nostalgie de l’au-delà si caractéristique de ceux qui doivent mourir jeunes. Il était de ces « avertis » dont parle Maeterlinck.
René Ghil préludait déjà par des essais à ses « Légendes d’Âmes et de Sangs » qui étonnèrent Mallarmé. On connaît l’admirable effort de ce poète dont la conscience artistique n’a jamais pactisé avec le goût du jour. Qu’on le suive ou non, qu’on estime qu’il s’attarde dans l’erreur ou qu’il persiste dans la vérité, nul ne peut refuser à un esprit si volontaire les hommages qui lui sont grandement dus.
André Fontainas jouissait parmi nous d’un rare prestige : le premier il avait obtenu les honneurs de l’impression. La « Jeune Belgique » le comptait parmi ses collaborateurs. Il subissait alors l’influence de Leconte de Lisle. Beau comme un héros des « Mille et Une Nuits », amène et souriant, il nous en imposait un peu.
Quant à l’excellent Georges Vanor, qui s’appelait de son vrai nom Van Ormelingen, il se destinait au théâtre et composait des vers pour la Saint-Charlemagne. Rodolphe Darzens, qui admirait fort Catulle Mendès, se déclarait parnassien, mais il est juste d’ajouter qu’il nous révéla Verlaine.
Pierre Quillard, dans ce petit monde ardent qui s’initiait aux arcanes de l’art poétique, et où je n’ai jamais entendu exprimer les vœux de l’ambition basse ni les envies de la mesquine vanité, se distinguait non seulement par sa lucide intelligence, mais par sa ferme bonté. On est trop enclin de nos jours à prendre la bonté pour de la faiblesse. On oublie que le fort ne frappe pas de peur de tuer. Ce ne sont que les faibles qui cherchent à se prouver à eux-mêmes leur force par la cupidité, la haine et la cruauté. Pierre Quillard qui était supérieurement équipé pour la lutte, avait à plus proche portée que nos petits arrivistes toutes les armes dont il s’était interdit l’usage. Il resta pur et loyal comme un chevalier du temps jadis. Pourtant jamais homme ne fut moins bonasse, moins indulgent au mal, moins hostile à la franchise, même brutale, des actes et des paroles. Mais il savait que les individus agissent sous l’empire des idées, et que ce sont certaines de ces idées qu’il importe d’attaquer, plutôt que ceux qui s’en font les interprètes souvent sincères et courageux.
Pendant que nous achevions nos études de rhétorique et de philosophie, nous avions fondé un cercle, les « Moineaux Francs », dont l’organe était un petit journal lithographié, « Le fou ». J’ai raconté jadis ces histoires hilarantes et naïves dans La Plume de Karl Boès.
Après le baccalauréat nous nous dispersâmes, Pierre Quillard et Éphraïm Mikhaël entrèrent à l’École des Chartes, où ils firent la connaissance de Marcel Collière et d’A.-Ferdinand Herold. Bernard Lazare se joignit à ce groupe. La Basoche de Bruxelles, fondée par Henry De Tombeur, publiait nos premiers vers sous le patronage de Camille Lemonnier, d’Edmond Picard et de Joris-Karl Huysmans. On se réunissait soit chez Quillard, rue Nollet, soit dans les cafés de la place Clichy. Villiers de l’Isle-Adam ne dédaignait pas de frayer avec ces jeunes gens qui vénéraient son génie. On commençait à fréquenter, le mardi, chez Mallarmé dont nous lisions, en copie manuscrite, l’Après-Midi d’un Faune. On allait aussi chez Leconte de Lisle. En 1886 fut fondée La Pléiade, où collaborèrent Pierre Quillard, Éphraïm Mikhaël, Maurice Maeterlinck, Grégoire Le Roy, Charles Van Lerberghe, Paul Roux (devenu plus tard saint et magnifique), Rodolphe Darzens et Camille Bloch. Mooris Maeterlinck (c’est ainsi qu’il signait) y donna le Massacre des Innocents, qui est un chef-d’œuvre hallucinant et parfait, inspiré par le vieux Breughel, et qui n’a été republié qu’une fois, dans Vers et Prose, par les soins de Paul Fort.
Puis survint l’aventure boulangiste. Fidèles à leurs principes républicains, Quillard, Mikhaël, Lazare, Collière et Herold y prirent une part active, quoique nécessairement effacée à cause de leur grande jeunesse. Ils écrivirent même en collaboration une pièce satirique dont le manuscrit, si je ne me trompe, n’a pas été détruit.
En 1893, Pierre Quillard partit pour Constantinople où il avait été nommé professeur de littérature française au collège arménien. Il ne tarda pas à avoir des démêlés avec la police du sultan rouge et fut même jeté en prison, d’où il ne sortit que grâce à l’intervention de la diplomatie française. De retour à Paris, il fonda le journal Pro Armeniâ, avec la collaboration de Georges Clemenceau. En 1895, il assista aux principaux évènements de la guerre gréco-turque en qualité de chef d’informations de l’Illustration. On connaît la part importante qu’il prit à l’affaire Dreyfus. Il parut comme témoin de moralité à tous les procès de Zola, écrivit dans tous les journaux d’avant-garde, prit part à tous les meetings organisés en faveur du proscrit de l’Île du Diable. Aussi modeste que brave, il se tenait volontiers à l’arrière-plan, mais s’offrait le premier au danger. Pendant une tournée de conférences entreprise dans le Midi avec Francis de Pressensé, il faillit à plusieurs reprises être assassiné. Il essuya des coups de révolver, notamment à Toulouse, où il entendit des balles siffler à ses oreilles, et à Avignon où une foule fanatique essaya de le précipiter avec Pressensé dans le Rhône. Les deux vaillants apôtres ne durent leur salut qu’à l’intervention opportune de leurs partisans. Pierre Quillard ne parlait jamais de ces aventures où il avait fait preuve d’un héroïsme serein et d’une magnanimité inlassablement indulgente aux erreurs et même aux crimes des autres. Rien ne le rebutait ni ne l’abattait. On le voyait courir de réunion en réunion, escorté de compagnons anarchistes dont nous avons trop oublié les services rendus au moment du péril. Mais les ressources physiques ont leur limite. Quillard s’épuisait à vue d’œil. C’est en vain que ses amis et sa femme dévouée lui conseillaient le repos. Il tint bon jusqu’au jour où une redoutable hémoptysie l’abattit net. Nous le crûmes perdu, il le crut sans doute aussi, mais sa robuste constitution eut raison de cette faiblesse passagère, et après une retraite de deux ans à Bois-le-Roi, il nous revint complètement guéri et plein d’ardeur. Avec A.-Ferdinand Herold il avait adhéré dès sa fondation à la Ligue des Droits de l’Homme dont il devint le secrétaire général. Enfin, avec A.-Ferdinand Herold, Marcel Collière, Pierre La Chesnais et Louis Dumur, il assuma la direction du Courrier Européen fondé pour la défense des droits de la Finlande.
Vers la fin de sa vie Pierre Quillard se permit un peu de repos. Aimant passionnément la Nature, il quittait Paris, dès les premiers beaux jours du printemps, pour Montigny-sur-Loing ou pour Armeau, village de l’Yonne, où il se livrait à la pêche, à la culture des fleurs et à la lecture des classiques. Ce repos était tout relatif, car il continuait à diriger Pro Armeniâ, à faire des tournées de conférences pour la Ligue des Droits de l’Homme, à s’occuper de la question d’Orient, au point de vue de la défense des nationalités opprimées, à dénoncer les abominables traitements qu’on fait encore subir aux nègres du Congo, à aider la révolution russe en centralisant les souscriptions françaises à la suite du massacre de Saint-Pétersbourg.
Dans une pareille existence, il est évident que la littérature ne tint pas toujours la première place. Ce fut un grand chagrin pour quelques-uns de ses amis de voir Quillard se disperser parfois en menus efforts où des hommes précieux auraient pu le suppléer, et négliger son œuvre lyrique qui, seule, portera sûrement son nom aux générations futures. Qu’il me suffise en passant de rappeler les titres de son œuvre écrite : La Fille aux Mains Coupées, La Gloire du Verbe, l’Errante. Ces trois plaquettes ont été réunies plus tard, avec de nouveaux poèmes sous le titre commun : La Lyre Héroïque et Dolente. Pierre Quillard faisait aussi au Mercure la critique des poèmes, et y écrivit des articles fort remarqués sur Mallarmé, Leconte de Lisle, Hérédia, Samain, Zola, France, Régnier, Adam, Jammes, Clemenceau, etc. Il est probable que ces articles seront publiés et recueillis dans la collection du Mercure de France. Outre ce labeur personnel, Pierre Quillard se livrait au passe-temps moins ardu de la traduction. Nous lui devons de parfaites versions de l’Antre des Nymphes de Porphyre, des Lettres Rustiques de Claudius Aelianus, des Mimes d’Herondas, et du Philoctète de Sophocle. Ce grand démocrate était un grand humaniste, et c’était merveille, me disait un ami, de l’entendre, après les accablantes journées du procès de Rennes, discuter avec Jaurès et Pressensé d’abstruses questions de grammaire grecque ou latine. Il mêlait toujours ainsi les délicatesses des lettres aux rudesses des luttes politiques. Le bon poète Tristan Derème m’écrivait ces jours-ci : « J’ai passé une soirée avec Pierre Quillard, à Tarbes où il était venu avec M. de Pressensé faire une conférence au nom de la Ligue des Droits de l’Homme. Et je ne puis me rappeler sans émotion notre promenade au crépuscule, sous les ormes de la place où le vent chaud soulevait de la poussière, cette place, ces rues, ce jardin où Jules Laforgue avait passé les heures de sa jeunesse. Et nous récitions La Complainte des Nostalgies Préhistoriques, une strophe chacun, tour à tour, comme les bergers de Virgile. Ah ! la belle soirée, et comme c’est rare de trouver quelqu’un avec qui l’on puisse réciter du Laforgue, en se comprenant un peu. »
On a prêté une insuffisante attention à l’œuvre lyrique de Pierre Quillard. J’affirme ici, avec toute la force de ma conviction, qu’il est parmi les plus altiers de l’école symboliste. Je le place au même rang que l’œuvre d’Éphraïm Mikhaël, et j’ai la certitude que lorsque le temps aura mis tout à sa place, les poèmes de Quillard et de Mikhaël paraîtront comme les plus indestructibles de notre époque. Quillard, comme Mikhaël, écrivit malheureusement pendant ces années où l’on essaya de réduire le symbolisme à une simple question de forme. En dehors du vers libre, point de salut, proclamait-on. Or, Quillard aimait à affirmer son indépendance vis-à-vis de ses amis aussi bien qu’envers ses ennemis. À tort ou à raison, il resta réfractaire au vers libre et fidèle à la prosodie classique. Il évita, même au moment de la grande vogue de Verlaine, d’exprimer trop directement ses peines et ses joies. Comme Mikhaël dans la plupart de ses poèmes, il interposa entre le lecteur et lui le rideau mouvant et somptueux des symboles. Chacune de ses pièces a une signification occulte qu’il n’appartient pas au poète de dévoiler. C’est au lecteur de s’initier aux secrets de la Muse.
Son génie fut grave, lointain et hermétique. Ne fit-il pas jouer La Fille aux Mains Coupées derrière un voile de gaze, comme pour mieux situer la légende dans le domaine de l’irréel et des rêves ? L’on pourrait en ces artifices voir le résultat de l’enseignement de Mallarmé. Mais il n’en est rien. L’expression reste lumineuse, les alexandrins déroulent avec régularité leur rythme merveilleux, une volonté rompue aux arts magiques du lyrisme mène le poème à sa perfection euphonique. Faut-il accuser chez Pierre Quillard une certaine prédominance des mots sur l’idée ? Certes, non. Quoiqu’il sût que l’état lyrique n’a aucun rapport avec l’état logique et que le poème est presque toujours la création du subconscient, il n’en est pas moins constant qu’un homme comme Quillard ne pouvait laisser ensorceler sa si forte intelligence par la simple mélodie des syllabes. Au centre du poème, comme le sang du Christ au sein du Graal, resplendit l’Idée, et ce que j’affirme ici pour le mystère de la Fille aux Mains Coupées est vrai pour tous les poèmes de Quillard.
Bref, quand on sera revenu de bien des modes du lyrisme contemporain, on honorera de nouveau, avec une grave et repentante piété, l’œuvre lyrique de Pierre Quillard comme celui d’Éphraïm Mikhaël. Je connais déjà de jeunes poètes qui portent ces noms dans leur cœur. C’est à eux, après nous, de les transmettre à la postérité.
Je voudrais, dans cet article trop hâtivement écrit, donner à ceux qui ne l’ont pas connu une idée de qu’était Pierre Quillard dans l’intimité. Dans les réunions publiques, se sachant peu doué pour la grande éloquence, quoique certains de ses élans fussent irrésistibles, il se bornait souvent à des effets d’ironie qui calmaient, par le rire, un public échauffé par des orateurs plus ardents. Cependant ce masque ironique, il ne le portait que par excès de sensibilité, afin de ne pas s’abandonner à une indignation qui l’eût entraîné au-delà des bornes. À son foyer il était le plus primesautier des hommes, sans rien de ce puritanisme un peu rêche qu’on prête à tort aux réformateurs. Nul n’aimait mieux les bonnes choses de la vie, nul n’était plus prêt à s’en passer. Épicurien de nature, il était stoïcien de raison, et il était arrivé à établir en lui un équilibre parfait entre les appétits légitimes du corps et les aspirations idéales de l’esprit. Je le vois encore, les lèvres un peu gouailleuses sous la forte barbe, le nez combatif, sensuel et spirituel, et les yeux, — oh ! surtout ces bons yeux d’enfant — souriant sous la sereine beauté du front. Cet homme a joui de la vie par toute son intelligence, par toute sa sensibilité, par tous ses sens. Il était la personnification de l’harmonie vitale.
Sa mort fut douce et ses funérailles furent glorieuses. On me raconte qu’au moment où les employés des Pompes Funèbres s’apprêtaient, devant l’entrée du cimetière, à enlever la dépouille mortelle du corbillard, une douzaine d’étudiants arméniens se précipitèrent vers eux, les écartèrent et chargèrent sur leurs propres épaules le cercueil qu’ils portèrent jusqu’à la tombe.
Ce geste suprême de glorification a consolé les amis de Quillard de toutes les indifférences, de toutes les ironies, de tous les sarcasmes qui accueillirent son apostolat. À nous maintenant de nous inspirer de ton exemple, de prendre notre part de ce lourd et précieux héritage, et de propager tes chants de poète et tes paroles de prophète partout où pourront atteindre nos voix, ô notre ami qui étais notre maître !