Proverbes dramatiques/Ulzette et Zaskin

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Proverbes dramatiquestome VII (p. 85-126).


ULZETTE ET ZASKIN.

QUATRE-VINGT-SIXIEME PROVERBE.


PERSONNAGES.


LE GRAND-SEIGNEUR, Sultan.
LE MOUPHTI.
ULZETTE, Princesse Grecque.
ZASKIN, Prince Grec.
LE CHEF DES EUNUQUES.
EUNUQUES.
JANISSAIRES.
SPAHIS.
GARDES.
UN MUET.
MUETS.


La Scene est à la campagne, dans les jardins Anglais du Grand-Seigneur.


ULZETTE
ET
ZASKIN,

TRAGÉDIE-PROVERBE,
EN CINQ ACTES.


La Scene représente les jardins Anglois du Grand-Seigneur ; on y voit des montagnes, des ruisseaux, des rivieres, des prairies, des rochers & des moulins. Sur le devant est une grotte.

ACTE PREMIER.


Scène premiere.

LE GRAND-SEIGNEUR, LE MOUPHTI.
LE GRAND-SEIGNEUR.

C’est vous, Mouphti ?

LE MOUPHTI.

C’est vous, Mouphti ? Seigneur…

LE GRAND-SEIGNEUR.

C’est vous, Mouphti ? Seigneur…Je suis seul en ces lieux,
L’Aga ne me suit point.

LE MOUPHTI.

L’Aga ne me suit point.Que dites-vous, ô Dieux !

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ne craignez rien pour moi, si j’ai perdu ma garde :
Souvent dans mes jardins tout seul je me hasarde ;
J’en connois les détours.

LE MOUPHTI.

J’en connois les détours.Il faudra s’en saisir,
Vous les verrez, Seigneur ; il faut les désunir.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je ne vous comprends point : quel est donc ce langage ?

LE MOUPHTI.

Dans vos jardins Anglois, avec tout leur bagage,
Ils sont ici tous deux.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ils sont ici tous deux.Expliquez-vous ; qui ? quoi ?

LE MOUPHTI.

Le Prince & la Princesse, ils ne suivent de loi
Que celle de l’amour.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Que celle de l’amour.Quelle Princesse ?

LE MOUPHTI.

Que celle de l’amour. Quelle Princesse ? Ulzette.
Je vous l’ai dit, Seigneur, elle est grande & bien faite.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je ne m’en souviens pas.

LE MOUPHTI.

Je ne m’en souviens pas.Et le Prince Zaskin,
Qui paroît grand & fort, & se dit son cousin.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Eh bien, tant mieux pour lui ; car c’est tant mieux pour elle.

LE MOUPHTI.

Pouvez-vous approuver l’amour d’une infidelle !
Pour s’aimer sans hymen, qu’ils suivent l’Alcoran.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Leur bonheur sous sa loi deviendra-t-il plus grand ?

LE MOUPHTI.

Que dites-vous, Seigneur ? & quelle indifférence !

LE GRAND-SEIGNEUR.

En devenant tyran, accroît-on sa puissance ?

LE MOUPHTI.

Mais protéger les loix n’est-ce pas un devoir ?
Ah ! connoissez Ulzette, essayez de la voir :
On se sent enlever près de cette Princesse !

Ses yeux sont les plus beaux de tous ceux de la Grece ;
Son teint est composé de rose & de jasmin :
Tant d’attraits seroient-ils pour le Prince Zaskin ?

LE GRAND-SEIGNEUR.

Pourquoi non, s’ils s’aimoient d’une égale tendresse ?

LE MOUPHTI.

Ils ne s’aiment que trop : ensemble ils sont sans cesse,
Et c’est un crime affreux !

LE GRAND-SEIGNEUR.

Et c’est un crime affreux ! C’est le sort le plus doux !

LE MOUPHTI.

De leur félicité vous n’êtes point jaloux ?
Zaskin est prince Grec, & votre tributaire,
Vous pourriez empêcher…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Vous pourriez empêcher…Et qu’est-il nécessaire ?

LE MOUPHTI.

Parlez au Prince ; il vient.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Parlez au Prince ; il vient.Non, je n’ai pas le temps.
Suivez-moi, pour m’aider à retrouver mes gens ;
Vous reviendrez ici si vous avez envie
D’y revoir la beauté dont votre ame est ravie.

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Scène II.


ZASKIN.

De quoi peut se vanter mon superbe vainqueur ?
Le plus grand de mes biens reste entier dans mon cœur.
Oui, d’Ulzette charmé je ne crains plus l’absence ;
Ne nous quittant jamais, nos jours dans l’innocence
Coulent paisiblement, en tout temps, en tous lieux,
Et la douce amitié, les rend délicieux.
Privés de nos états, nous goûtons cette aisance
Qu’un philosophe éprouve au sein de l’indigence.
De ces lieux c’est ainsi que nous savons jouir.
A l’homme qui n’a rien tout peut appartenir.
Mais depuis un instant je ne vois plus Ulzette !
Pourquoi mon ame est-elle agitée, inquiette ?
Est-ce un avis des Dieux, quelques pressentiments ?…
Non, je ne crains plus rien ; c’est elle que j’entends !

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Scène III.

ULZETTE, ZASKIN.
ULZETTE.

Prince, je vous cherchois ; évitiez-vous Ulzette ?

ZASKIN.

Qui ? moi, vous éviter ! près de cette retraite
J’espérois vous revoir ; mes moments les plus doux,
Vous le savez, sont ceux que je passe avec vous :
Vous êtes mon soleil, vous êtes mon aurore,
Et sans vous, nul beau jour pour moi ne peut éclore.

ULZETTE.

J’oublie, en vous voyant, ces palais éclatants,
Tout ce que j’ai perdu, ces illustres parents,
Ceux qui nous destinoient chacun une couronne.

ZASKIN.

Eh ! nous l’aurons toujours, si la vertu la donne.
Je ne reproche rien à nos cruels destins ;
Ils ont su nous unir, nous rendant orphelins :
C’est de nous seuls, enfin, que nous devons dépendre,
Et nul mortel sur nous n’aura droit de prétendre.

ULZETTE.

Nous serons l’un pour l’autre un constant univers.

ZASKIN.

Enclaves de nos cœurs, ils forgeront nos fers.

ULZETTE.

De la simplicité nous goûterons les charmes.

ZASKIN.

En comblant nos désirs, nous vivrons sans alarmes ;
Sous cette grotte ici nous passerons les nuits.

ULZETTE.

De ces vergers charmants en savourant les fruits,
Tous deux nous oublierons les grandeurs de l’empire,
Ces festins somptueux où l’on ne voit point rire,
Les saxals, les remparts, tous ces plaisirs bruyants,
Où l’on voit s’ennuyer les riches & les grands.

ZASKIN.

Et nous dirons ce n’est qu’en ces douces retraites
Que les félicités sont pures & parfaites.

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Scène IV.

LE MOUPHTI, ULZETTE, ZASKIN.
LE MOUPHTI, écoutant à part.

Ah je les apperçois ; voyons, instruisons-nous,
Sachons de leur bonheur s’il faut être jaloux.

ZASKIN.

De ma fidélité vous devez tout attendre.

ULZETTE.

Vous me verrez toujours plus sensible & plus tendre.

ZASKIN.

Dès mes plus jeunes ans vous m’avez su charmer.

ULZETTE.

C’est de vous que j’appris cet art divin d’aimer.

LE MOUPHTI, à part.

J’en ai trop entendu, je veux rompre leur chaîne ;
Après tant de bonheur ils connoîtront la peine ;
Mais pour les y plonger, rêvons quelques instants.
Nous reviendrons ici, lorsqu’il en sera temps.

(Il s’en va.)
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Scène V.

ULZETTE, ZASKIN.
ULZETTE.

C’est à vous que je dois cette vive tendresse.

ZASKIN.

Que nous serons heureux, ma divine Princesse !
Rien ne rompra jamais un si charmant lien

ULZETTE, s’écriant.

Ah ! Prince…

ZASKIN.

Ah ! Prince…Qu’avez-vous ?

ULZETTE, s’écriant & tombant assise.

Ah ! Prince…Qu’avez-vous ? Ciel ! j’ai perdu mon chien !

ZASKIN.

Ne vous allarmez pas : ici daignez m’attendre,
Et sans doute bientôt je pourrai vous le rendre.

ULZETTE.

Allez, cher Prince, allez tout proche du ruisseau ;
Peut-être est-il encor dormant près du hameau.


Zaskin s’en va, & Ulzette entre dans la grotte.

ACTE II.


Scène premiere.

ULZETTE, LE MOUPHTI.
LE MOUPHTI.

Me reconnoissez-vous ? regardez-moi, Princesse.

ULZETTE.

Vous êtes le Mouphti.

LE MOUPHTI.

Vous êtes le Mouphti.Dans l’ardeur qui vous presse,
Vous oubliez les loix, vous oubliez l’honneur :
Que diroient vos parents ?

ULZETTE.

Que diroient vos parents ?Ils loueroient mon bonheur.

LE MOUPHTI.

Quelle douleur pour eux ! lorsqu’ils sauroient, Madame,
Et du Prince & de vous la criminelle flamme !
Osez-vous l’avouer ?

ULZETTE.

Osez-vous l’avouer ?Le Prince est mon parent ;
J’en ai fait mon ami.

LE MOUPHTI.

J’en ai fait mon ami.Lui s’est fait votre amant.

ULZETTE.

Eh, qu’importe le nom ? Le Prince m’est utile.
Il est mon protecteur ; dans ce charmant asyle,
Du sexe, comme lui, soyez le défenseur.

LE MOUPHTI.

Ah ! je le deviendrai : connoissez votre erreur.
Le Prince est votre amant ; oui, vous pouvez m’en croire,
Il triomphe de vous ! oubliant votre gloire,
Sans doute il vous a fait récompenser ses feux ?

ULZETTE.

Une tendre amitié nous unit tous les deux.

LE MOUPHTI.

Vous déguisez le nom ; mais vous devez m’entendre.
La nuit comme le jour n’est-il pas aussi tendre ?

ULZETTE.

Il veille auprès de moi, quand je ne puis dormir.

LE MOUPHTI.

La nuit auprès de vous !… Ah ! vous devez frémir.

ULZETTE.

Eh, pourquoi m’allarmer ?

LE MOUPHTI.

Eh, pourquoi m’allarmer ? C’est que le Ciel s’offense
D’un criminel amour ; redoutez sa vengeance.

ULZETTE.

Un criminel amour !… Il n’est rien de si doux.

LE MOUPHTI.

Pouvez-vous vous aimer sans le titre d’époux ?

ULZETTE.

On peut s’aimer ici sans aucun mariage,
Pourquoi n’aurions-nous pas aussi cet avantage ?

LE MOUPHTI.

Quand on veut, sans hymen, vivre avec un amant,
Mahomet le permet, avec un Musulman.

ULZETTE.

Que me proposez-vous ! moi, renoncer au Prince !
J’ai su perdre une ville, & même une province,
Je perdrois plus encor, je perdrois l’univers,
Les cieux, la terre, l’onde, & jusques aux enfers ;
Mais l’amour de Zaskin ! ah ! cet amour si tendre,
Vaut mieux que tous les biens que l’on voudroit me rendre.
Sans ce Prince charmant, j’aime mieux le néant :
Jugez si je pourrois choisir un Musulman.

LE MOUPHTI.

Frémissez, & tremblez d’attirer sur vos têtes

Du Dieu de Mahomet les affreuses tempêtes :
Par-tout errants, fuyants, tristes, infortunés,
Vous maudirez les jours que l’on vous a donnés ;
Oui, vous serez punis, & toute la nature
Sur vous, sur vos enfants vengera cette injure ;
Pour n’avoir pas voulu désunir vos deux cœurs,
Vous porterez par-tout l’image des malheurs.

(Il sort.)
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Scène II.


ULZETTE.

Est-ce une illusion ? ai-je bien pu l’entendre ?
Sur nos têtes quels maux sont prêts à se répandre !
Lorsque nous nous croyons heureux, indépendants,
Nous avions oublié ces cruels Musulmans.
Le Prince en ces jardins devoit-il me conduire !
Je sens que je me meurs !… Comment oser lui dire…

(Elle tombe assise).
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Scène III.

ULZETTE, ZASKIN.
ZASKIN.

Ne craignez rien, Princesse, & réjouissez-vous ;
J’ai retrouvé le chien dormant auprès d’un houx ;
Mais comme en s’éveillant quelquefois il veut mordre,
Pour vous le rapporter je n’attends que votre ordre.

ULZETTE.

Ah ! Prince, éloignez-vous.

ZASKIN.

Ah ! Prince, éloignez-vous.Pouvez-vous m’en vouloir
Si je reviens sans lui ? vous allez le revoir.

(Il veut s’en aller.)
ULZETTE.

Prince, arrêtez.

ZASKIN.

Prince, arrêtez.Comment ! quelle douleur amere !
Le chien est retrouvé ; qui donc vous désespere ?
Parlez.

ULZETTE.

Parlez.C’est le Mouphti.

ZASKIN.

Parlez. C’est le Mouphti.Le Mouphti !

ULZETTE.

Parlez. C’est le Mouphti. Le Mouphti ! Dans l’instant.
Si vous m’aimez, dit-il, vous êtes mon amant.
Cette vive amitié, qui nous paroît si tendre,
Est un constant amour : il vient de me l’apprendre.

ZASKIN.

Il n’en est que plus doux !

ULZETTE.

Il n’en est que plus doux ! Mais il est criminel.

ZASKIN.

Mon cœur trop pur, me dit qu’il ne peut être tel.

ULZETTE.

Il dit que Mahomet de notre amour s’offense.

ZASKIN.

Eh ! les Grecs doivent-ils redouter sa puissance ?
Il ne fut, ne sera jamais qu’un imposteur,
Qui, pour vaincre les Turcs, les soumit à l’erreur.
A ces peuples grossiers il a laissé les femmes,
Et leur ôte le vin pour amollir leurs âmes ;
C’est tout ce qu’ont produit ses inutiles soins :
Ils sont mauvais guerriers, & n’en boivent pas moins.
Vous verrez que pour nous ils ne sont point à craindre.

ULZETTE.

Ah ! puissions-nous jamais n’avoir à nous en plaindre !

ZASKIN.

Et que pourrions-nous donc avoir à redouter ?

ULZETTE.

Ce qu’a dit le Mouphti.

ZASKIN.

Ce qu’a dit le Mouphti.Pouvez-vous l’écouter ?

ULZETTE.

Il dit que nous serons accablés de misere ;
Par-tout, sans cesse errants & proscrits sur la terre ;
Que Mahomet pourra rendre ingrats nos enfants,
Qu’ils ne nous connoîtront jamais pour leurs parents !

ZASKIN.

Quoi ! nos enfans ! ô ciel ! que ne peuvent-ils naître !
Qu’il seroit doux, pour moi, de redoubler mon être !

ULZETTE.

Le Mouphti ne veut pas, il dit qu’un Musulman
Pourra seul désormais devenir mon amant.

ZASKIN.

Que dites-vous, ô dieux ! Ah ! sans doute le traître
En vous voit une esclave & veut s’en rendre maître.

ULZETTE.

Ah ! Seigneur, je le crains !

ZASKIN.

Ah ! Seigneur, je le crains ! Seroit-ce son projet ?

ULZETTE.

Je n’ose le penser.

ZASKIN.

Je n’ose le penser.Ah ! d’un pareil forfait,
S’il avoit le dessein, je jure que l’infame…

ULZETTE.

Ah ! s’il vous entendoit !…

ZASKIN.

Ah ! s’il vous entendoit !…Retirez-vous, Madame,
Et je vais lui parler.

ULZETTE.

Et je vais lui parler.Au moins avec douceur.

ZASKIN.

Je sais me contenir, je retiens ma fureur.


Il sort, & Ulzette entre dans la grotte.

ACTE III.


Scène premiere.

LE MOUPHTI, ZASKIN, ULZETTE dans la grotte.
ZASKIN.

Le croiriez-vous, Mouphti, que fuyant de la Grece,
C’est pour vous qu’en ces lieux j’amene la Princesse ?
Si vous l’imaginiez ! si vous vouliez l’avoir…
Ah ! votre mort, pour moi, deviendroit un devoir.

LE MOUPHTI.

Osez-vous bien parler sur ce ton au Pontife ?

ZASKIN.

Je ne respecte rien, vil sujet du Calife
Que le vice domine & qui, pour réussir,
Veut effrayer un cœur, afin de l’attendrir.
C’est ainsi qu’abusant un sexe trop crédule,
Un imposteur adroit empêche qu’il recule.

LE MOUPHTI.

Mahomet tu l’entends ! & ne le punis pas !

Quand tout devroit t’armer, quoi, tu retiens ton bras !
De ces Grecs insolents commence le supplice ;
Conduits par leur amour, que dans le précipice
Dont j’allois les tirer, tous deux soient engloutis !

ZASKIN.

Je crois à son pouvoir ainsi qu’à ses houris.
Notre amour ne craint rien, n’allarme plus Ulzette.

LE MOUPHTI.

Je ne souffrirai pas que, dans cette retraite,
Tu m’oses insulter, & je vais, au Sultan,
Déclarer tes forfaits, sans attendre un instant.

ZASKIN.

Je punirai les tiens, redoute ma colere.

(Il tire son poignard).
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Scène II.

LE GRAND-SEIGNEUR, ZASKIN, LE MOUPHTI, GARDES.
LE GRAND-SEIGNEUR.

Quel est votre dessein ! que prétendez-vous faire ?.
Comment Prince, chez moi, frapper dans mes jardins,
Un Mouphti ! Songez-vous…

ZASKIN.

Un Mouphti ! Songez-vous…Ah ! Seigneur, de mes mains,
Il ne périra pas ; non n’ayez nulle crainte.
Apprenez la douleur dont mon ame est atteinte.
Je croyois dans ces lieux, maltraité par le sort,
Dans nos malheurs enfin trouver un heureux port,
Et qu’ici retrouvant les douceurs de la Grece,
J’y pourrois vivre heureux ainsi que la Princesse,
Qu’en des jardins Anglois régnoit la liberté,
Que j’y pourrois jouir de la félicité :
Mais le Mouphti jaloux de ce bonheur suprême,
Veut m’enlever, Seigneur, le seul objet que j’aime :
Il oppose les loix & la religion
Pour faire réussir sa dure passion.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Aux loix de Mahomet, si vous pouvez vous rendre,
De moi, dans ce séjour, vous pouvez tout attendre.

LE MOUPHTI.

Sa Hautesse a raison, en suivant l’Alcoran,
On peut jouir ici du bonheur le plus grand.

ZASKIN.

De cette lâcheté je ne suis pas capable,
Le Mouphti, l’Alcoran, j’enverrois tout au Diable,
Plutôt que de penser à tenir mon bonheur
De ce forfait honteux. Convenez-en, Seigneur,
Vous me mépriseriez d’avoir cette foiblesse.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Vous consentirez donc à perdre la Princesse ?

ZASKIN.

Pour se l’approprier, le Mouphti le voudroit,
C’est là tout son desir ; mais avant, il faudroit
Que vous connussiez moins la noirceur de son ame,
Que vous approuvassiez sa criminelle flamme.
Mais je ne le crois pas, un Prince généreux
Ne permettra jamais qu’on attente à nos feux ;
Sur-tout quand il verra l’objet de ma tendresse.

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Scène III.

LE GRAND-SEIGNEUR, ULZETTE, ZASKIN, LE MOUPHTI, GARDES.
ZASKIN, allant chercher Ulzette.

Pour parler à son cœur, venez, venez Princesse,
D’un si juste Empereur embrassez les genoux.

Zaskin, mene Ulzette aux pieds du grand Seigneur.
LE GRAND-SEIGNEUR, la relevant.

Que faites-vous, Madame ! ô ciel ! y pensez-vous ?

ULZETTE.

Oui, Seigneur, vous voyez celle que l’on opprime,
A qui, de son amour, le Mouphti fait un crime.

ZASKIN.

Ah ! pourriez-vous, Seigneur, jamais nous désunir ?

LE GRAND-SEIGNEUR, au Mouphti.

Je ne l’avois point vue, elle est faite à ravir !

LE MOUPHTI.

Je vous ai dit tantôt, que de cet infidele
Il falloit la priver, qu’il n’est pas fait pour elle.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Non ; je ne vis jamais tant d’attraits réunis !
Et de tant de beautés mes yeux sont éblouis !

ZASKIN.

Ah ! vous ne voyez pas encore tous ses charmes,
Et l’éclat de ses yeux est terni par ses larmes ;
Mais rassurez son cœur, vous verrez, à l’instant,
Tout ce que la nature a fait de plus charmant !

ULZETTE.

Si vous nous séparez, oui, ma mort est certaine,
Elle a seule le droit de briser notre chaîne,
Sans elle nul mortel ne peut nous désunir,
Et je mourrai bientôt si Zaskin peut mourir.
Zaskin fait mon bonheur, & je lui dois ma vie,
Je lui dois plus encor, de mes états ravie,
J’allois perdre l’honneur, il a su, par son bras,
M’enlevant aux tyrans, risquer tous ses états ;
Qui bientôt envahis le laissant sans fortune,
Nous a réduit à vivre ici dans la commune.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Son sort est trop heureux ; puisqu’ainsi vous l’aimez !

ZASKIN.

Vous dites vrai, Seigneur, tous mes sens sont charmés !
Un seul de ses regards me plonge dans l’ivresse !
Chaque instant fait renaître, augmente ma tendresse ;
Non, je n’ai rien perdu, mon trône est dans ses yeux,
Avec elle par-tout, je me crois dans les cieux.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je le pense aisément ; mais vous conviendrez, Prince,

Que pour tant de beautés, ce logement est mince ;
Si cette grotte obscure est faite pour l’amour,
D’Ulzette les attraits sont faits pour le grand jour ;
Je veux la mieux loger ; qu’au sérail on l’emmene.

ZASKIN.

Qu’au sérail !… La Princesse ?

LE MOUPHTI.

Qu’au sérail !… La Princesse ? Oui, sa flamme trop vaine
M’avoit trop insulté : vous faites bien, Seigneur.

ZASKIN.

Arrêtez.

ULZETTE.

Arrêtez.Ah ! Zaskin !

ZASKIN.

Arrêtez.Ah ! Zaskin ! C’est m’arracher le cœur !
Suspendez votre arrêt.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Suspendez votre arrêt.Emmenez la Princesse.

ULZETTE.

Le souffrez-vous, Zaskin ?

ZASKIN.

Le souffrez-vous, Zaskin ? Comptez sur ma tendresse.


Les Gardes emmènent Ulzette.
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Scène IV.

LE GRAND-SEIGNEUR, ZASKIN, LE MOUPHTI.
ZASKIN.

Avec elle, Seigneur, daignez me renfermer.

LE MOUPHTI.

Seigneur, n’en faites rien.

LE GRAND-SEIGNEUR, à Zaskin.

Seigneur, n’en faites rien.Pourquoi vous allarmer.

LE MOUPHTI.

Ulzette sera mieux.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ulzette sera mieux.Elle n’est plus à plaindre.

(Il sort avec le Mouphti).
ZASKIN.

Ah ! puisqu’il est ainsi, de moi l’on doit tout craindre.


Il prend son sabre suspendu à l’entrée de la grotte.

ACTE IV.


Scène premiere.

LE GRAND-SEIGNEUR, LE MOUPHTI.
LE MOUPHTI.

Vous avez fait, Seigneur, sans l’avis du Divan,
Ce qu’on doit espérer d’un Empereur si grand.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Vous louez cet arrêt, parce qu’il est le vôtre,
Vous vous tairiez peut-être en le sachant d’un autre.

LE MOUPHTI.

Un Prince vertueux rend sages ses sujets,
Et pour le bien commun ils ont tous des projets ;
Heureux s’ils sont suivis ! Alors, met-on en doute
Que le vice, par lui, ne soit mis en déroute.
Un Prince s’aggrandit, assurant le bonheur,
Son trône s’affermit plus qu’en étant vainqueur.
L’exemple de Zaskin, privé de sa Princesse,
Vous fera redouter des Princes de la Grece.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Il seroit bien plus doux de m’en savoir aimé !
Ne pourra-t-on penser que, d’Ulzette charmé,

Je l’enleve à Zaskin, pour chasser, de son ame,
L’amour qui les unit, cet amour qu’il reclame,
Et qu’enfin écoutant mes trop coupables feux,
Je n’ose devenir injuste que pour eux.

LE MOUPHTI.

Il est vrai qu’on pourroit facilement le croire ;
Mais il est un moyen de sauver votre gloire,
Ou d’empêcher qu’on puisse au moins la soupçonner.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Comment ! expliquez-vous ?

LE MOUPHTI.

Comment ! expliquez-vous ? Daignez me pardonner.
Mais, Seigneur, le moyen est sûr & très-facile.
Ulzette, dans ces lieux, vient chercher un asyle,
Il en est un pour elle, assurez son bonheur.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Mais sans Zaskin, qu’elle aime, en est-il pour son cœur ?

LE MOUPHTI.

Elle peut l’oublier.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Elle peut l’oublier.Si je pouvois le croire !…
De quel œil verroit-on ce trait dans mon histoire ?…

LE MOUPHTI.

Il ne sauroit avoir rien de fâcheux pour vous.
On pourroit…

LE GRAND-SEIGNEUR.

On pourroit…Achevez ?

LE MOUPHTI.

On pourroit… Achevez ?Lui trouver un époux.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Un époux ?

LE MOUPHTI.

Un époux ?Oui, Seigneur, avec reconnoissance,
On doit la recevoir ; que votre main dispense
Un don si précieux…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Un don si précieux… Et qui l’accepteroit ?

LE MOUPHTI.

Je n’oserois nommer…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je n’oserois nommer…Pourtant il le faudrait.

LE MOUPHTI.

Songez que ce n’est pas l’intérêt qui me presse :
Pour vous sauver l’honneur, pour sauver la Princesse…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Eh bien ?

LE MOUPHTI.

Eh bien ?Si vous vouliez…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Eh bien ? Si vous vouliez…Allons, expliquez-vous.

LE MOUPHTI.

Je me proposerois pour être son époux.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ce trait me surprend fort !

LE MOUPHTI.

Ce trait me surprend fort ! Ah ! songez Prince Auguste…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Que pour votre plaisir, vous me rendiez injuste.
Les maux qu’à ces amants, j’ai pu faire en ce jour,
Vous me les conseilliez pour servir votre amour :
Vous citiez l’Alcoran & le divin Prophete ;
De la religion, vous faisant l’interprête,
Vous la faisiez servir selon votre intérêt…
Mais j’entends quelque bruit, apprenons ce que c’est.

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Scène II.

LE GRAND-SEIGNEUR, LE MOUPHTI, LE CHEF DES EUNUQUES.
LE CHEF DES EUNUQUES.

Seigneur, dans le sérail… avec un cimeterre…
Je tremble du récit qu’il faut ici vous faire.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ne tremblez point, parlez ?

LE CHEF DES EUNUQUES.

Ne tremblez point, parlez ? Tout étoit dans la paix,
Ce qu’on ne verra plus, ce qu’on ne vit jamais.
Vos femmes se voyoient, se parloient sans envie,
Et sembloient de leurs cœurs bannir la jalousie ;
Elles chantoient, dansoient, & toutes à ravir ;
Rien ne vous auroit fait un aussi grand plaisir.
Oui, je m’applaudissois…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Oui, je m’applaudissois…Eh ! parle donc plus vite.

LE CHEF DES EUNUQUES.

Seigneur, vous frémirez en entendant la suite.
Une Grecque paroît ; l’aspect de sa beauté
Fait renaître l’envie & la calamité :
Un murmure confus est le signal du crime ;
Dans chaque tête on voit se creuser un abîme ;
La crainte de vous perdre, en s’emparant des cœurs,
Ne voit dans tant d’attraits que des attraits vainqueurs.
Pour nos fieres beautés ce sont autant d’outrages ;
Un affreux désespoir se peint sur leurs visages.
On s’agite, on projette, on lui trouve des torts ;
La haine, en triomphant, éloigne les remords.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je ne vois en cela que des caquets de femmes ;
Je remettrai bientôt le calme dans leurs âmes.

LE CHEF DES EUNUQUES.

Ah ! Seigneur, arrêtez, vous n’êtes pas au bout,
Je ne vous ai rien dit, ce n’est pas encor tout.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Par un récit trop long encor si tu m’arrêtes,
Mes gardes à l’instant vont te couper la tête.

LE CHEF DES EUNUQUES.

J’adore vos décrets ; mais vos gardes, Seigneur…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Eh bien !

LE CHEF DES EUNUQUES.

Eh bien ! Sont dissipés par l’affreuse terreur.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Je ne te comprends pas.

LE CHEF DES EUNUQUES.

Je ne te comprends pas.Laissez-moi donc poursuivre.
Un Prince audacieux, qui sembloit las de vivre,
Et dont nous ignorions quel étoit le dessein,
Paroît dans le sérail, le cimeterre en main ;
Et saisissant la Grecque, il tombe sur les nuques
Des Muets, des Spahis, ainsi que des Eunuques.
Le Janissaire avance, éprouve un même sort,

Et Zaskin fait voler l’épouvante & la mort.
C’est ce que promptement j’ai voulu vous apprendre.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Zaskin emmene Ulzette ?

LE MOUPHTI, à part.

Zaskin emmene Ulzette ? Ai-je bien pu l’entendre !

LE CHEF DES EUNUQUES.

Seigneur, je vous l’ai dit.

LE MOUPHTI.

Seigneur, je vous l’ai dit.Quel affreux attentat !
Entrer dans le sérail ! c’est un crime d’état.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Allons, Mouphti, venez.

(Il sort).
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Scène III.


LE MOUPHTI.

Allons, Mouphti, venez.Ce n’est pas mes affaires ;
Et Zaskin me tueroit comme les Janissaires

ACTE PREMIER.


Scène V.

ULZETTE, ZASKIN.
ZASKIN, le cimeterre en main, tenant Ulzette.

Viens, viens, ma chère Ulzette, & ne crains rien pour moi ;
Je suis invulnérable en combattant pour toi.
Défendre la vertu, c’est voler à la gloire,
Et le Ciel me promet une sûre victoire.
Tu verras sous mes coups tomber tout en ce jour,
Et je ne recevrai de loix que de l’amour.
Entre dans cette grotte ; & si quelqu’un avance,
Tu vas voir ce que peut l’amour & la vengeance.


Ulzette entre dans la grotte.
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Scène II.

ZASKIN, JANISSAIRES, SPAHIS.
ZASKIN, le cimeterre haut.

Je vous attends, venez, sous l’effort de mon bras
Vous allez recevoir un trop juste trépas.

Le combat s’engage, & Zaskin frappe, fait voler des têtes, étend par terre, & met en fuite ses ennemis.
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Scène III.

LE GRAND-SEIGNEUR, LE MOUPHTI, ZASKIN,
DES EUNUQUES, DES MUETS.
LE GRAND-SEIGNEUR.

Prince, arrêtez.

ZASKIN, jettant son cimeterre.

Prince, arrêtez.Seigneur, à vos gens, sans votre ordre,
La poussiere bientôt j’aurois encor fait mordre.
On m’avoit enlevé le plus précieux bien ;
Quand on a tout perdu, l’on n’écoute plus rien.
Pour recouvrer Ulzette, au centre de la terre

On m’auroit vu descendre, au séjour du tonnerre
On m’auroit vu voler, & braver sous les Dieux :
Rien ne peut retenir un amant furieux.

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Scène IV.

LE GRAND-SEIGNEUR, ULZETTE, ZASKIN,
LE MOUPHTI, EUNUQUES, MUETS.
ULZETTE.

Ah ! vous voyez, Seigneur, qu’un mot de votre bouche
A calmé ses fureurs : que sa douceur vous touche.
Ignorés, nous étions heureux de notre amour ;
Est-ce donc un malheur d’habiter votre cour ?

ZASKIN.

C’est le Mouphti, Seigneur, qui m’a rendu coupable ;
Voyez comme il jouit du malheur qui m’accable.
Des biens que nous goûtions il étoit en courroux ;
De quoi s’avise-t-il de devenir jaloux ?
Il épouvante Ulzette, & sa bouche profane
Dit que Mahomet veut qu’elle soit Musulmane,
Ou bien que nos enfants, qui seront des bâtards,
Seront tous des coquins, des méchants, des pendarts.

ULZETTE.

Hélas ! que feront-ils ? & que pourrai-je en craindre,
Puisqu’à mourir bientôt il faudra me restreindre.
On espère sans doute, en m’ôtant à Zaskin,
Détruire mon amour ; mais on l’espère en vain :
Je ne suis point, Seigneur, une femme volage ;
Mes maux accumulés accroîtront mon courage.
Je saurai m’affranchir du plus malheureux sort ;
On ne redoute rien, disposant de la mort.

LE MOUPHTI.

Quoi ! Seigneur, vous souffrez une telle licence !

LE GRAND-SEIGNEUR.

J’admire de son cœur la superbe constance.

ZASKIN.

Eh ! m’approuveriez-vous, si je l’abandonnois ?
Si j’en étois capable, ah ! je m’abhorerois.
Je causerois la mort de la plus tendre amante !
Cette pensée affreuse est trop désespérante !
Ah ! conservez des jours si purs, si précieux !
Un Prince bienfaisant devient semblable aux Dieux.
Je vous ai secouru dans la derniere guerre ;
Ce que j’ai fait alors, je puis encor le faire,
Non pas par mes sujets, n’ayant plus mes états ;
Mais en menant pour vous les vôtres aux combats :
Un cœur reconnoissant est sensible à la gloire,

Et je m’acquitterai par plus d’une victoire :
Chassant loin de ces lieux d’injustes ennemis,
Et ma Princesse & moi les peupleront d’amis ;
Mais non de ces amis envieux, lâches, traîtres,
Que leurs intérêts seuls attachent à leurs maîtres,
Qui, pour favoriser leurs basses passions,
Les remplissent d’erreurs & de préventions.
Vous êtes vertueux, vous avez l’ame tendre :
Ah ! de votre grand cœur nous devons tout attendre.

LE MOUPHTI.

Quiconque ose au sérail entrer avec effort,
Ne doit rien espérer, & mérite la mort.

ULZETTE.

Si Zaskin meurt, eh bien, prenez aussi ma vie.
Par vous elle va m’être ici deux fois ravie.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Levez-vous, mes amis.

LE MOUPHTI.

Levez-vous, mes amis. Comment ! Zaskin vivra ?

LE GRAND-SEIGNEUR.

Si quelqu’un meurt ici, c’est toi seul qui mourra.
Muets, obéissez, allons, qu’on m’en délivre.

(Les Muets emmenent le Mouphti).
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Scène V.

LE GRAND-SEIGNEUR, ULZETTE, ZASKIN, LES EUNUQUES.
ULZETTE.

Je ne crains plus, Seigneur, qu’il ose nous poursuivre ;
Daignez lui pardonner : en proie à ses remords,
Il sera trop puni de connoître ses torts.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Votre pitié pour lui seroit trop dangeereuse ;
Il n’imiteroit pas votre ame généreuse ;
Non, Madame, croyez…

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Scène derniere.

LE GRAND-SEIGNEUR, ULZETTE, ZASKIN, EUNUQUES, MUETS.
UN MUET, s’avance, & s’incline.
LE GRAND-SEIGNEUR.

Non, Madame, croyez…Je vous entends.

ULZETTE.

Ah ! Seigneur, ordonnez…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Ah ! Seigneur, ordonnez…Madame, il n’est plus temps,
Le monstre est étranglé. Ce n’est point par caprice
Que j’ai dans un moment ordonné son supplice.
Il n’accusoit Zaskin de criminels forfaits
Que parce qu’il vouloit jouir de vos attraits.
Mais c’est trop s’occuper du sort de cet infâme ;
Je voudrois rétablir le calme dans votre ame,
Vous prouver que pour vous si je forme des vœux,
Ils n’auront d’autre but que de vous rendre heureux.
Voyez où vous voulez vivre avec la Princesse,
Je vous donne le choix, & dans toute la Grece.

ZASKIN.

Seigneur !…

LE GRAND-SEIGNEUR.

Seigneur !…Si vous voulez reprendre vos états,
Vous aurez des vaisseaux, des armes, des soldats.

ULZETTE.

O ciel ! que de bontés ! comment les reconnoître ?

ZASKIN.

En vivant, en mourant, pour servir un tel maître.

LE GRAND-SEIGNEUR.

Vous ne me devez rien ; si je suis généreux,
L’amour que j’eus pour vous m’a rendu vertueux ;
C’est ainsi que vos yeux, par leurs célestes flâmes,
Agrandiront les cœurs, éleveront les âmes,
Et ne feront former pour vous d’autres desirs
Que ceux de partager & faire vos plaisirs.

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Explication du Proverbe :

86. Qui mal veut, mal lui tourne.