Qu’est-ce que l’Évangile ?/1

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I

LE ROYAUME DE DIEU[1]


Matth., III, 13. — Jésus vint de Galilée au Jourdain pour être baptisé par Jean ; il se plongea dans l’eau et écouta le sermon de Jean.

On affirme généralement que nous ne savons rien ou très peu de l’enseignement de Jean. En effet, si l’on admet que Jean annonçait seulement l’avènement de ce royaume céleste qu’indiquait Jésus ou prédisait comme les anciens prophètes la descente de Dieu, l’enseignement de Jean ne contiendrait rien. Mais dès que nous cesserons de prendre ses paroles dans le sens d’un conte magique, en y cherchant partout des miracles et des prophéties, nous y trouverons un enseignement des plus positifs.

Les fidèles le considèrent généralement comme le précurseur du Christ, tandis que les libres penseurs le représentent comme un de ces poètes de l’avant-garde, dénommés prophètes, si fréquents chez les Hébreux, et qui prêchaient des banalités morales. En réalité, en nous donnant simplement la peine de comprendre les mots sans idées préconçues, nous nous apercevrons facilement que le sermon de Jean-Baptiste a un sens, et un sens important.

Il y est dit que le règne céleste est proche. Aucun des prophètes ne parle ainsi. Tous disent que Dieu viendra, sera roi, fera ceci ou cela, mais le promettent pour un temps indéterminé. Jean dit : le règne de Dieu est proche. Rien de particulier, rien de marquant n’est arrivé, et ce règne est venu. La preuve que la prédication de Jean annonçait que le royaume céleste était tout proche, ou était venu, ou du moins que Jésus-Christ comprenait ainsi ces paroles, est que celui-ci disait : La loi et les prophètes avant Jean. Depuis Jean le royaume de Dieu est annoncé comme un bien et chacun peut y entrer en faisant un effort. (Luc, XVI, 16.)

Telle est donc la signification de l’enseignement de Jean. Il se distingue entièrement de ce que disaient avant lui les autres prophètes. Tous, sauf Jérémie (XXI, 31), annonçaient, à la descente de Dieu sur terre, des événements insolites purement extérieurs : plaies, épidémies, destruction, guerre et plaisirs charnels. Rien de pareil chez Jean. Il dit simplement que nul ne saurait se soustraire à la volonté divine. Ce qui est inutile disparaîtra, ce qui est utile restera. Mais l’essentiel de sa doctrine est la recommandation : purifiez-vous ! Je vous purifie par l’eau, dit-il ; mais ce qui doit vous purifier entièrement c’est l’esprit, c’est-à-dire quelques chose d’impalpable, d’immatériel. Jean dit : On vous a affirmé jusqu’ici que le règne céleste arrivera un jour ; je vous dis qu’il est déjà venu. Pour y entrer il faut se purifier, rejeter les erreurs. Je ne puis vous purifier qu’extérieurement ; seul l’esprit vous purifiera intérieurement.

Telle est la doctrine qu’entendit Jésus. Le règne de Dieu est venu, et pour y entrer il faut se purifier par l’esprit. Et alors, purifié ainsi, Jésus-Christ se retire dans le désert pour éprouver son esprit.

  1. À partir de ce chapitre le texte évangélique placé en tête de son commentaire est emprunté au Court exposé de l’Évangile, tandis que le commentaire est extrait de : Accord et traduction des quatre Évangiles. (Note du Traducteur.)