Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/H. de Bueil de Racan

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RACAN



Le stérile souci, chimérique, d’ailleurs, d’être complet ne saurait autoriser à piquer d’un crochet, oh ! tout enrubanné, le moindre chiffon de vers traînant au coin d’une borne marmoréenne (et pardon de la métaphore !) le moindre hémistiche où Fontainebleau tient quatre syllabes sur six, quand le mot par exemple n’est pris que comme un terme plus ou moins lointain, plus ou moins vague, de comparaison.


Ainsi Racan, dans ses fameuses Stances sur la retraite qui sont, avec un monologue des Bergeries, six vers de la Consolation à monsieur de Bellegarde, et quelques endroits des Pseaumes, tout ce qui survit de son œuvre, — lorsqu’il nous décrit le sage état du trop heureux laboureur, dit :

Son fertile domaine est son petit empire ;
Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau.|


Racan fut, en sa jeunesse, page de la chambre du roi. Comme tel il passa à Fontainebleau le temps qu’y séjourna la Cour en 1605 et années suivantes. Il eut même l’honneur de fournir à Louis XIII, alors âgé de cinq ans, un mot d’enfant que le médecin Heroard rapporte, ea son Journal, comme la chose la plus remarquable du monde : « II dit d’un autre page de la chambre qui se nommoit Racan : Mamanga (c’est sa gouvernante Madame de Monglat], Mamanga, velà l’arc en ciel, pour ce qu’il tournoit le nom en son entendement imaginant Arcan, et ajoutoit ciel en sa petite fantaisie. » C’est précieusement daté de Fontainebleau, 14 Octobre 1606.


Quand Malherbe avait son appartement au château, Racan dut y fréquenter aussi. Mais si établies que soient ces diverses résidences, il ne serait que très hypothétique d’attribuer à la forêt Tode qui débute ainsi :


Plaisant séjour des âmes affligées,
Vieilles forests de trois siècles âgées.
Depuis qu’en ces déserts…



(mais il y a aussi des arbres et des solitudes autour de la Roche-Racan ;) ou ces vers d’une chanson faite « estant page » :


          Permets qu’aux rochers seulement
Je conte les ennuis que je souffre en aimant.

          Ces bois éternellement sourds           Ne sont point suspects à ma plainte…

Si cela eût été certain, il aurait fallu donner à Racan, qui a pas mal de génie naturel, — fort supérieur sur ce point à son maître et ami, sans que cela soit extrêmement dire, — une place plus digne de lui, et non pas au milieu des Poëtes moindres.