Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/Un païsan françois

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LE PAÏSAN FRANÇOIS



Chacun sait, car cela est de tradition, que Le Pastissier François de 1653 ou 1655 est un des livres qui, dans les ventes publiques, soulèvent les plus formidables enchères. Sans atteindre à ce degré de rareté, Le Paisan François, cic icc ix (1609), est cependant l’un des merles les plus entièrement blancs qu’ait vus l’œil d’un bibliophile. Il y en a un exemplaire à la Nationale, mais incomplet des pièces liminaires. Il y en a un autre à Barbison, dans la collection de Monsieur F. Herbet. C’est, autant qu’un rapide examen peut le faire présumer, une œuvre tout à la fois d’économie rustique et de revendication des droits du quart État, — à mettre, toute question de mérite à part, entre le traité d’Olivier de Serres et la Dixme Royale de Vauban ou le malencontreux Mémoire que Racine, si l’on croit aux légendes, eut l’imprudente idée de présenter au grand Roi.


Les pièces liminaires ci-dessus mentionnées, outre un quatrain inscrit sur le titre, consistent en un sonnet et un autre petit poëme, de quelques vers. Le sonnet est adressé à la Reine. La date nomme Marie de Médicis.


À LA ROYNE


Lorsqu’à Fontainebleau distant de mon village
Six lieues j’allay (Madame) vous y pensant trouver,
Pour ce discours rustic mais bon vous présenter
Tel que j’avois ouy ailleurs qu’au labourage,

Je logeay au Dauphin à petit hostelage,
Ne pouvant à l’Escu pour y peu despencer,
Ny à la Fleur de Lys, car il y fait trop cher,
Hostelleries des Grands, non des gens de village.

Je fus bien toutesfois : Puissé-je, dis-je alors,
Trouver à me loger au Dauphin tousjours, lors
Ou qu’à la Fleur de Lys ou à l’Escu de France

Je ne pourray loger : Or encores, dit on,
Que l’on est bien traitté et qu’en somme il fait bon
A l’Escu Medicis ou celuy de Florance.

Eh ! si, vraiment il semble bien que tu aies appris la prosodie derrière les bœufs, pauvre païsan qui crus devoir prendre la lyre — songez que coucher à l’hôtel, ce n’est pas un événement commun aux yeux d’un villageois ! — pour nous renseigner sur le confort et les prix (grandes, moyennes et petites bourses) des anciennes auberges de Fontainebleau.


Et cependant ton sonnet m’a paru curieux à cause de sa brave allure naïve d’homme qui sait sa place et qui n’ignore pas qu’un écu est dur à gagner.


Et tu vins, tout ébaubi, tu vins donc ainsi, bonhomme, à la Cour, de quel village distant de six lieues : Crisenoy, Champeaux, Fouju, en Brie ? Chevry-en-Sereine, ou Préaux, du côté de Bourgogne ? Aufferville, en Gâtinais ? ou bien Gourdimanche, que l’Essonne arrose ?…