Répertoire national/Vol 1/L’Automne

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Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 229-230).

1833.

L’AUTOMNE.

 
D’une main défaillante effeuillant sa couronne,[1]
Parmi nous, à pas lents, marche la triste automne.
La terre, sous ses pieds, se jonche de débris.
Flore a caché ses fleurs, et Cérès ses épis ;
Et lorsque les oiseaux, désertant nos bocages,
Dans des climats plus doux vont porter leurs ramages,
Zéphir las d’errer seul sur les pâles rameaux,
Dans son timide essor s’endort sur les roseaux.
D’un voile ténébreux éclipsant sa lumière,
Le soleil à regret, commence sa carrière,
A l’aspect du tyran de la terre et des cieux
Dont le souffle glacé vient amortir ses feux.
C’est le noir aquilon, descendu des montagnes,
Sa tête qu’il secoue a blanchi les campagnes ;
Terrible, sa présence a fait fuir les oiseaux,
A flétri les gazons, enchaîné les ruisseaux ;
Et les troupeaux qu’il fait errer à l’aventure,
Qu’il laisse sans abri, sans onde, ni pâture,
De leurs gémissements attendrissant les airs,
Paraissent préluder au deuil de l’univers.
Adieu, plaisirs si purs ! adieu, fêtes champêtres !
Adieu, loisirs passés à l’ombrage des hêtres !
Le règne de l’hiver, hélas ! n’épargne rien !
Le souci, la tristesse échappés de mon sein,

Seuls conduisant le char des heures paresseuses,
Malgré nous, vont hanter nos demeures oiseuses !
Si partout, en tyran, il sème ses horreurs,
Ah ! gardons-nous du moins de lui livrer nos cœurs !
Si nous ne pouvons plus des riantes prairies,
En cadence fouler les pelouses fleuries,
Allons porter ailleurs notre folâtre jeu ;
Recherchons les plaisirs qu’offre le coin du feu.
Sous le cèdre entassé c’est pour nous qu’il pétille :
À sa vive clarté l’allégresse qui brille
Montre un cercle serré de belles et d’amants,
Et d’amis et d’époux, de vieilles et d’enfants…
Réunion d’heureux, joviale assemblée,
Que, malgré les autants, convoque la veillée.
Aux cités, que l’ennui brille dans le salon ;
Aux champs, que le plaisir suive chaque saison !
Rions, chantons, causons…mais que la politique
Ne vienne point troubler le bonheur domestique !
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Sa pomme de discorde a, par tout le pays,
Divisé sans pitié les parents, les amis,
Semé les noirs soupçons, la mésintelligence,
L’odieux préjugé, l’injuste méfiance…
Ne souffrons qu’elle vienne influer sur nos mœurs :
Laissons tous ces travers à nos sombres penseurs !
Dans leur tour de Babel, leurs châteaux en Espagne,
Laissons en paix, laissons tous ces tranche-montagne
S’endormir dans leur rêve…Imitons nos aïeux :

Ils ne pensaient pas tant, ils vivaient plus heureux.
Pierre La violette .

  1. Delisle.