Réponse à l’écrit anonyme intitulé: de la formation des églises/Conclusion

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Imprimerie et librairie L. Alex. Michod. (p. 93-111).

CONCLUSION.

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Nous ne serions pas surpris si quelqu’un, après avoir lu notre réponse, trouvait que la discussion a roulé sur une dispute de mots. Nous ne serions pas surpris non plus s’il lui paraissait que ces assemblages d’enfans de Dieu, que l’auteur veut former en dehors du monde, sont à-peu-près ce que nous avons fait nous-mêmes, moins le titre d’Églises qu’il leur refuse. Nous ne serions pas surpris, enfin, s’il se trouvait tel lecteur qui dit : Valait-il la peine de faire une brochure pour combattre les Églises, lorsque dans le fond on en forme soi-même[1]? Et valait-il la peine de répondre à cette brochure, puisqu’après tout, elle admet de fait ce qu’elle repousse de nom ?

Nous comprenons que la question puisse se présenter ainsi à quelques lecteurs. Toutefois, nous pensons un peu différemment, et voici nos raisons.

D’abord, quoique nous soyons d’accord avec l’auteur quant au rassemblement des enfans de Dieu, hors du monde, nous différons avec lui sur le point de la nomination des Anciens et des Diacres.

Secondement, nous n’admettons nullement avec lui l’apostasie de l’Église, non plus que le retranchement de l’économie qui a succédé à l’économie mosaïque. Point singulièrement important.

Troisièmement, nous croyons avoir plusieurs bonnes raisons pour conserver le titre d’Églises aux rassemblemens d’enfans de Dieu, qui se forment de nos jours, pour rendre leur culte au Seigneur, hors du monde, selon les ordonnances de la Parole, sous la conduite de l’Esprit de Dieu, et en dehors de tout règlement humain et de tout assujettissement au pouvoir civil. Voici ces raisons :

1° On n’a pas le droit d’ôter à une chose le nom que le Seigneur a voulu lui donner. 2° Lorsqu’on ôte à une assemblée le titre d’Église, on lui ôte le respect qui est dû à l’Église de Dieu, et cela ne peut qu’influer singulièrement sur la conduite que tiennent à son égard, soit ses propres membres, soit surtout ceux du dehors, qui ne la regardent plus que comme une assemblée volontaire et de formation humaine, à laquelle nul n’est obligé de se joindre, et dont personne n’est obligé de respecter les décisions. 3° Ceci nous amène à notre troisième réflexion, c’est que dès qu’un corps n’est plus l’Église de Dieu, il n’a plus le droit de s’appliquer les promesses spéciales, faites à l’Église, ni d’exercer l’autorité que Dieu a donnée à son Église, ni de faire respecter ses décisions, comme étant celles de l’Église de Dieu. En particulier, il n’a plus le droit de s’appliquer cette parole : S’il n’écoute pas l’Église, traite-le comme païen et péager. Je vous dis en vérité, que tout ce que vous aurez lié sur la terre, sera lié dans le ciel ; et tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans le ciel (Matth. XVIII, 17, 18). — En vain dirait-on ici que les deux ou trois assemblés, sans porter le nom d’Église, ont pour eux la promesse du Seigneur, qu’il est au milieu d’eux, et qu’ainsi leurs décisions ont tout autant d’autorité. — À cela je répondrai qu’à supposer que cette promesse les regarde particulièrement, comme l’auteur l’a prétendu ; il est évident qu’elle ne peut s’appliquer à eux que pour autant qu’ils restent dans leur compétence, et qu’ils ne s’arrogent pas le droit de faire ce dont le Chef n’a donné commission qu’à l’Église. Or je ne vois nulle part que deux ou trois qui ne sont pas l’Église, aient été chargés de retrancher le méchant du mi lieu d’eux, ni de prendre des décisions telles, que celui qui ne les écoute pas, doive être traité comme païen et comme péager. — Ceci est un point fort grave. 4° En ôtant aux assemblées qui se forment en dehors des cultes nationaux, le titre d’Églises, on en éloigne un grand nombre d’âmes simples, qui croient qu’il doit y avoir encore une Église visible sur la terre ; qui tiennent à être d’une Église, et qui cherchent avec inquiétude où est l’Église de Dieu.

Oui, il faut bien que vous le sachiez, vous qui venez avec tant d’assurance nous dire qu’il n’y a plus d’Églises de Dieu, et qui avez l’air de croire que votre système sera du goût d’un grand nombre de personnes et les attirera. Il faut vous le dire : vous vous trompez grandement. S’il est un certain nombre de personnes qui, séduites par quelque apparence de vérité, ou par des affirmations tranchantes, ou par l’attrait de la nouveauté, ou parce que leur goût les porte vers cet état de choses, vague et indéterminé, ou parce qu’elles sont bien aises de trouver quelque chose de mieux que le nationalisme, sans être obligées de se dire membres d’une Église séparée ; il est un beaucoup plus grand nombre d’âmes qui pensent tout autrement. Il en est qui dans leur simplicité, n’ont pas su voir encore que Dieu ait aboli l’ordre de choses qu’on appelle : une Église, ou des Églises, et qui attachent une haute importance à en faire partie. Ces chrétiens là, aimeront mieux rester dans une Église nationale, toute misérable qu’elle leur paraisse, que de se jeter dans un ordre de choses, vague et indéterminé, qui ne porte pas le nom d’Église, et qui leur parait livré aux caprices des hommes, sous prétexte de n’avoir d’autre gouvernement que celui du St. Esprit. Si quelqu’un méprise les scrupules de ces âmes simples, et les traite de gens qui n’ont pas un jugement très-clair dans les choses de Dieu ; elles n’existent pas moins en assez grand nombre dans les Églises nationales et en dehors ; et pour ma part, je comprends si bien leurs scrupules, que je me joins de tout mon cœur à leur façon de penser.

Voilà des âmes que depuis long-temps on tient éloignées, et qu’on scandalise en se disputant en leur présence sur la marche et le titre des Églises, et en leur donnant à penser qu’on n’est pas d’accord sur ce qu’on a à faire en dehors du culte national. Oserait-on exiger d’elles qu’elles crussent aux Églises, lorsque plusieurs de ceux qui en font partie, ont l’air de ne plus y croire, et en viennent même, entraînés par une influence étrangère, à dire qu’il n’y a plus d’Églises ?

Ici, je ne puis m’empêcher de faire avec tristesse, quelques réflexions au sujet des frères qui, en divers temps, ont apporté au milieu de nous des idées nouvelles, lesquelles lancées imprudemment, ont été une occasion de troubles et de divisions dans les Églises. Si ces frères eussent exposé leurs vues avec prudence et modération ; s’ils eussent pris garde de ne jamais les mettre trop en saillie ; s’ils eussent évité tout ce qui sentait l’esprit de parti, tout ce qui pouvait faire d’eux des chefs de parti ; s’ils eussent hautement protesté contre tous ceux qui voulaient faire de leur système particulier un étendard, autour duquel on devait se rallier ; s’ils eussent évité toute expression blessante pour ceux qui n’admettaient pas leurs vues ; si, respectant ce qui était déjà fait dans les Églises, en conformité avec la Parole, ils eussent avec modération et douceur, donné quelques avis sur les défectuosités qu’ils croyaient remarquer encore dans leur marche ; si dans un esprit de discernement et de prudence, ils eussent compris que dans les Églises il y avait des mécontens, qui ne cherchaient qu’une occasion pour se soustraire à une surveillance qui les gênait, et qui depuis long-temps leur était à charge ; s’ils eussent distingué entre ceux qui saisissaient leurs vues nouvelles, avec un cœur droit et désireux d’y trouver quelque avancement dans la connaissance de Christ, et ceux qui les saisissaient comme un moyen de satisfaire leur goût de dispute, leur esprit de curiosité ou leur amour d’indépendance ; si en prenant ces précautions, ces frères eussent particulièrement insisté au milieu de nous sur la vie de Christ[2], sur la nécessité de la développer, sur l’importance d’un réveil ; et qu’en même temps ils nous eussent exhortés à rester unis. En deux mots, s’ils nous eussent aidés à édifier sur ce qui était déjà posé, ils nous auraient rendu un vrai service ; nous aurions pu les bénir, et les Églises n’auraient eu que des actions de grâces à rendre à Dieu, pour leur présence au milieu d’elles. Malheureusement il n’en a pas toujours été ainsi. Les faits sont là ; ils servent de preuve. Que le Seigneur pardonne ; que le Seigneur répare, et que pour l’avenir il rende plus avisé et plus prudent ! — Si quelqu’un se heurtait de notre franchise, nous lui dirions que nous n’avons eu l’intention de blesser qui que ce soit ; mais que les faits sont si évidens et parlent si haut, qu’en disant ces choses, on n’apprend rien à personne, et l’on ne fait qu’exprimer ce qui est dans la pensée d’un grand nombre de chrétiens. D’ailleurs, le bien des Églises du Seigneur est, pour ceux qui y croient, une affaire d’une si hante importance, que la crainte de blesser quelqu’un ne peut point arrêter, quand il s’agit de dire sur les circonstances présentes, des choses qui peuvent en gager ceux qui ont commencé le mal, quoique sans le vouloir, à être plus prudens, et qui peuvent être une leçon pour ceux qui arriveraient après eux au milieu des Églises, avec quelque vue nouvelle.

Nous ne terminerons pas notre travail, sans vous prier de recevoir de notre part quelques paroles d’encouragement et d’exhortation, vous, chères Églises du Seigneur, qui ne vous êtes pas encore déshéritées vous-mêmes, en renonçant à un titre et à des priviléges, que le Seigneur ne vous a point ôtés[3]. Jamais le Seigneur n’a renié ses Églises, quand elles ne l’ont pas renié, et qu’elles ont vécu sous son gouvernement et sous ses lois. À ceux qui vous reprochent de voir toujours les Églises, et jamais l’Église ; répondez que même jusque dans la dernière page de sa Parole, le Seigneur a honoré les Églises, en disant qu’il leur adressait sa dernière révélation : Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous rendre témoignage de ces choses dans les Églises[4] (Apoc. XXII, 16). Tenez donc ferme ce que vous avez, afin que personne ne vous enlève votre couronne. Ce que vous êtes, vous l’êtes indépendamment de ce que les hommes pensent et disent de vous. Tant que le Seigneur ne parlera pas de vous retrancher, la main des hommes s’avancera contre vous, faible et impuissante. Si Dieu est pour vous, qui sera contre vous (Rom. VIII, 31) ! — Que d’autres veuillent s’assembler sans prendre le titre d’Église. C’est leur conviction ; qu’ils la suivent en paix. Mais qu’eux aussi nous laissent suivre en paix celle que nous avons. Le Seigneur décidera en son temps, de quel côté se trouve la vérité.

Mais prenez-y garde, Églises du Seigneur. Si les hommes ne peuvent rien contre vous, vous pour riez être vous-mêmes les artisans de votre ruine. Si le Seigneur appelle ses Églises, des chandeliers d’or (Apoc. I, 20), c’est qu’elles doivent être une lumière, et une lumière pure et sans mélange : la lumière du monde ; la ville située sur une montagne ; la colonne et l’appui de la vérité. Ne vous contentez donc pas de porter des titres glorieux, mais honorez-les par une conduite digne de votre vocation. N’imitez pas l’orgueil et la vaine confiance de ces Juifs, qui disaient : C’est ici le temple, le temple, le temple de l’Éternel ! et qui croyaient cacher leurs désordres à l’abri de ce nom saint et vénéré. Les titres que Dieu donne, ne protègent que ceux qui les honorent. Ils condamnent ceux qui s’en rendent indignes. Quant une Église fait de son titre un sujet d’orgueil, et quand sa marche n’est plus qu’un canal vide où ne coule plus l’Esprit de Dieu, quand elle a la réputation d’être vivante, mais qu’elle est morte ; alors le Seigneur la menace ; et si elle ne l’écoute, bientôt il vient à elle avec ses châtimens. Si châtiée, elle s’endurcit au lieu de se repentir ; bientôt son chandelier est ôté de sa place, et elle s’éteint au milieu de sa langueur et de sa corruption.

Églises du Seigneur ! votre sort est entre vos mains ! Vivez de la vie de Christ, et alors rien ne pourra vous renverser — Au lieu des disputes et de l’Esprit de contention, recherchez cette sagesse qui vient d’en haut, qui est premièrement pure, puis paisible, modérée, traitable, pleine de miséricorde et de bons fruits ; point difficultueuse ni dissimulée (Jaq. III, 17). Unis par un même sentiment en Christ, ne vous séparez pas les uns des autres, pour des choses qui n’altèrent point par elles mêmes, la foi et le sentiment chrétien, et qui ne l’altèrent que lorsqu’elles deviennent un sujet de dispute. Suivez une même règle dans les choses auxquelles vous êtes parvenus, et restez unis ensemble (Phil. III, 16). C’est dans l’union et l’amour que les enfans de Dieu croissent dans la lumière : C’est lorsque leurs cœurs sont liés étroitement par la charité, qu’ils sont enrichis d’une parfaite intelligence, pour connaître le mystère de notre Dieu et Père et de Christ (Coloss. II, 2). Quand les enfans de Dieu se disputent, ils sont livrés au prince des ténèbres ; et alors comment trouveraient-ils la lumière ?

Sondez les Écritures (Jean V, 39.), plus que vous ne l’avez fait jusqu’à présent. Conférez-les ensemble, comme faisaient les Béréens (Actes XVII, 10, 11). Soyez cet homme bienheureux qui prend plaisir en la loi de l’Éternel et qui la médite jour et nuit (Ps. I, 2), Accoutumez-vous à saisir la liaison d’un passage avec ceux qui le précèdent et le suivent, et avec l’ensemble des Écritures ; alors vous ne vous laisserez pas entraîner si vite par des doctrines diverses et étrangères ; et lorsqu’on vous présentera un système qui n’est appuyé que sur une seule classe de passages, et qui ne tient presque aucun compte d’une autre partie des Écritures ; vous vous en défierez, sachant que toute l’Écriture est divinement inspirée ; que nul ne doit y ajouter, ou y retrancher (Jérém. XXVI, 2 ; Apoc, XXII, 18) et qu’aucune prophétie n’est d’une interprétation particulière (2 Pierre I, 20).

Fuyez sur toute chose le pharisaïsme et tout ce qui peut y avoir quelque rapport. Ne faites pas vos actions pour être vus des hommes. Nettoyez le cœur avant toute chose. Tenez pour rien tout ce qui n’est pas fait dans la communion du Seigneur. Fuyez en toute chose la parade et les vanteries. Ne recherchez point la vaine gloire en vous provoquant les uns les autres (Gal. V, 26). Ne faites rien par un esprit de contestation, et par vaine gloire ; mais que chacun de vous par humilité de cœur, estime les autres plus excellents que soi-même (Phil. II, 5). — Nous avons pris plaisir, je le crains, à ce qu’on dît du bien de nous au dehors ; nous nous sommes complus dans l’opinion des hommes qui nous estimaient plus que nous ne le méritions ; nous n’avons pas su voir que devant le Seigneur, nous n’en étions qu’à de faibles commencements ; nous nous sommes enflés, et maintenant le Seigneur nous humilie. Devenons sages ; apprenons à avoir des sentimens modestes de nous-mêmes, et humilions-nous sous la puissante main de Dieu, afin qu’il nous élève quand il en sera temps (I Pierre V, 6).

Fuyez la mondanité et les affections terrestres. N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde, car si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui (1 Jean II, 15). Ne recherchez ni la gloire terrestre, ni l’argent, ni les habits somptueux, ni les plaisirs du mauvais riche, qui se traitait tous les jours délicatement. Ne recherchez point les choses hautes, mais accommodez-vous aux choses basses. Que l’ornement des femmes soit avec pudeur et modestie. Que les jeunes hommes vivent dans la tempérance (Tite II, 6). Soyez sobres et vigilants dans les prières. Que vos mœurs soient sans avarice, étant contens de ce que vous avez (Hébr. XIII, 5). Si vous avez des biens de ce monde, n’y mettez point votre confiance. Faites du bien ; soyez riches en bonnes œuvres ; prompts à donner et libéraux (1 Tim. VI, 18, 19). En un mot, affectionnez-vous aux choses qui sont en haut, et non à celles qui sont sur la terre ; car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu ; mais quand Christ qui est votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire. (Coloss. III, 2, 3, 4).

Pour que les choses puissent être ainsi, demandez instamment un réveil. Prophétisez à l’Esprit (Ézéch. XXXVII, 9) pour qu’il souffle. Ne donnez point de repos à l’Éternel, jusqu’à ce qu’il soit venu vous rendre la vie, afin que vous invoquiez son nom. Renoncez à la curiosité, aux vaines conversations, aux paroles entassées sans nécessité ; à ces affaires multipliées, fruit de l’inquiétude, de la défiance, ou de l’amour de l’argent. Gouvernez votre maison avec ordre. Rachetez le temps, et alors vous en trouverez assez pour ranimer votre vie par la lecture de la Parole, et par la prière. Souvenez-vous que du temps des Corinthiens, même les communications les plus étroites s’interrompaient par moments, pour vaquer au jeûne et à l’oraison (1 Cor. VII, 5). Si on veut un réveil, il faut savoir lutter comme Jacob, et dire avec lui : Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni. Il ne faut pas se contenter de quelques bons désirs, de quelque commencement d’œuvre, qui sont plutôt les attraits de la Grâce, que la Grâce elle-même. Il ne faut être content, que lorsqu’on peut dire avec le patriarche : j’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été délivrée.

Gardez-vous de la manie des charges et des délibérations. Une charge dans l’Église de Dieu, ne doit pas être un sujet d’orgueil, mais d’humiliation. On ne l’exerce au nom de Dieu, qu’autant qu’on a reçu la grâce avant d’avoir reçu la charge. Quiconque a la charge sans la grâce, est un larron et un voleur. Quiconque ne tremble pas devant la charge qu’il a acceptée ; quiconque se fait un sujet d’orgueil de son titre ; quiconque exerce une charge comme ayant domination sur les héritages du Seigneur ; est indigne de son titre ; et, nouveau Diotrèphe, il attirera les châtimens du Seigneur sur lui et sur l’Église, si elle participe à son péché en le souffrant sans le reprendre. Mieux vaudrait cent fois qu’il n’y eût au milieu d’une Église le nom d’aucune charge, que de se hâter de donner ce nom ou de le prendre, avant que la grâce qui s’y rapporte, soit suffisamment manifestée. Ne pas devancer les dons de l’Esprit, est un excellent conseil que l’auteur de la brochure nous a donné. Il est vrai qu’il l’a appliqué à faux, néanmoins le conseil en lui-même vient de Dieu ; profitons-en. Le Chef de l’Église saura bien envoyer en son temps, des Docteurs, des Anciens, des Diacres, sans que nous ayons besoin de les faire, avant qu’il les envoie. — En attendant, choisissons pour l’ordre et la bienséance des hommes qui président, qui fassent marcher les affaires, et qui selon le don qui est en eux, remplacent jour par jour et selon leur pouvoir, les charges qui ne sont pas encore manifestées. — Enfin, gardons-nous, comme nous l’avons dit, de la manie des délibérations, et surtout gardons nous des délibérations précipitées, et de celles dans lesquelles on parle et on décide dans un esprit en partie charnel, n’étant pas conduit parle désir de la gloire de Dieu, ou n’étant point pleinement persuadé en son esprit, que ce qu’on affirme ou décide, est conforme à sa Parole. Il faut savoir ignorer ; il faut savoir suspendre son jugement ; il faut savoir attendre l’Éternel ; il faut savoir faire comme les Israélites, qui, tant que la nuée ne se levait pas, restaient dans le même lieu et n’en partaient point. Si l’Église veut qu’on respecte ses décisions, il faut qu’elle les fasse de manière à pouvoir dire, en s’appuyant avec pleine conviction sur la Parole : Il a semblé bon au St. Esprit et à nous. Dans les choses où l’on n’est pas pleinement persuadé, il faut, s’il est possible, ne pas agir ; ou si l’on est forcé d’agir, ne le faire que comme dans une espèce de provisoire, où l’on a cherché le mieux, sans être parfaitement assuré de l’avoir trouvé.

Dans notre marche, n’aspirons à être ni larges ni étroits. Aspirons à marcher dans tous les commandemens et dans toutes les ordonnances du Seigneur, d’une manière irrépréhensible. En toutes choses, prenons pour guide, non les opinions des hommes, non des circonstances toujours variables, non notre propre sagesse qui veut faire du bien à sa manière ; mais la Parole de Christ, seul guide toujours sage, toujours infaillible, et qui ne trompe jamais ceux qui le suivent. Que les hommes donnent à cette marche le nom qu’ils voudront ; peu nous importe. Être agréable au Seigneur et appuyé en toutes choses sur sa Parole, vaut mieux que d’obtenir l’approbation des hommes et leurs vaines louanges.

Fuyez également l’esprit de servilité, et l’esprit d’indépendance. Une Église est servile, lorsqu’elle laisse ses Pasteurs ou un Conseil de frères, s’emparer de l’autorité que le Seigneur lui a confiée ; lorsque ce n’est plus elle qui nomme, qui administre, qui admet, qui retranche. Alors l’Église n’est plus qu’une assemblée pour l’édification. Ce n’est plus un corps qui adminitre, au nom du Seigneur, tout ce qui regarde les intérêts de cette sainte société. Tôt ou tard, de grands inconvéniens résulteront de cette espèce d’asservissement volontaire, tout-à-fait contraire à la Parole qui nous défend de devenir les esclaves des hommes, et qui attribue à l’Église, et non au Pasteur seul, le droit de l’administration.[5] Mais si cet esprit d’asservissement a ses inconvéniens, l’esprit d’indépendance en a de plus grands encore. Lorsque dans une Église, sous prétexte de se mettre sous le gouvernement du St. Esprit, on ne veut ni Présidens, ni Anciens ; lorsque sous prétexte qu’on est sous la conduite du grand Pasteur des âmes, on ne veut plus reconnaître les Pasteurs que Dieu a donnés ; lorsqu’on prétend qu’à chaque assemblée, l’Esprit poussera en avant, celui qui doit y manifester quelque don de présidence. En un mot, lorsqu’on veut qu’une Église soit comme la fourmi dont il est dit dans la Parole, qu’elle n’a ni chef ni conducteur (Prov. VI, 7) ; alors on peut compter que ce désordre ouvre la porte à route espèce de maux. Dieu est un Dieu de paix et non de confusion, comme on le voit dans toutes les Églises des saints (1 Cor. XIV, 33). Dans toute société qu’il a formée, il a établi un chef pour la gouverner. Dans la société civile, c’est le magistrat ; dans la famille, c’est le père ; dans l’Église, ce sont les Anciens. (Act. XX, 28 ; Rom. XII, 8 ; 1 Tim. III, 5 ; 1 Thess. V, 12, 13 ; Hébr. XIII, 17 ; 1 Pier. V, 5). Celui qui se soustrait à la soumission dûe à ceux qui président, doit craindre que Dieu ne lui applique cette parole de l’Apôtre : Celui qui s’oppose à la puissance, s’oppose à l’ordre que Dieu a établi ; et dhete ceux qui s’y opposent, attireront la condamnation sur eux-mêmes (Rom. XIII, 2). Partout où se trouve cet esprit d’indépendance, l’Esprit de Dieu est contristé ; car le St. Esprit ne nous porté ni à l’orgueil, ni à l’envie, ni au mépris des institutions établies par le Seigneur. Partout où cet esprit d’indépendance se trouve, une Église est près de sa dissolution ; car toute maison divisée contre elle-même, ne pourra subsister. Celui qui ne gouverne pas sa maison par ordre, aura le vent pour héritage et l’Éternel démolit la maison des orgueilleux. — Au surplus, en religion comme en politique, il arrive souvent que ceux qui crient le plus contre la tyrannie, afin de renverser tout ordre légitime, deviennent ensuite eux-mêmes les pires de tous les tyrans. Nulle autorité n’est plus à craindre que celle qui s’est créée elle-même, sans recevoir de nom et sans passer par une nomination légitime. Que celui qui a des oreilles pour ouïr entende.

Si le Seigneur, dans sa grâce, nous accorde de mettre ces choses en pratique, alors nous serons vraiment forts de sa force. Nulles armes forgées contre nous, ne réussiront ; et nous convaincrons de fausseté, toute langue qui s’élèvera contre nous. Si notre désir est de marcher ainsi, saintement et humblement, en nous reposant sur le sein du Seigneur ; ne craignons rien. Celui qui nous a donné Je désir, nous donnera l’exécution : Celui qui est en nous est plus puissant que celui qui est au monde. — Si l’on vous outrage, si on vous calomnie, si on vous méprise, Si l’on vous soufflette ; portez avec joie, de compagnie avec votre Sauveur, le manteau de pourpre, la couronne d’épines et le roseau dérisoire. Souffrez même avec lui, les plaies qui vous sont faites dans la maison de vos intimes amis. Souffrez que d’entre ceux qui ont mangé le pain avec vous, il y en ait qui lèvent le talon contre vous[6]. C’est là votre part ; le Seigneur vous l’a faite ; acceptez-la avec joie, comme une conformité à sa mort et à ses souffrances. Mais souffrez sans impatience et sans orgueil. Souffrez comme l’Apôtre, qui disait : On dit du mal de nous, et nous bénissons ; nous sommes blâmés et nous prions ; nous sommes persécutés, et nous le souffrons.

Du reste, ce que vous avez eu à souffrir n’est encore rien : vous n’avez pas résisté jusqu’au sang, en combattant contre le péché. — Des temps sérieux s’avancent. La grande lutte se prépare. Le mystère d’iniquité va s’accomplir. Satan va sortir en grande fureur, sachant qu’il lui reste peu de temps. Heureux celui qui vaincra par le sang de l’Agneau, et par la Parole à laquelle il rendra témoignage ! Heureux celui qui n’aimera point sa vie, et qui l’exposera à la mort ! (Apoc. XII, 11). Il vivra et règnera avec Christ mille ans. Heureux et saint celui qui a part à la première résurrection. La seconde mort n’a point de pouvoir sur eux, mais ils seront sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils règneront avec lui mille ans ! (Apoc. XX, 4, 6).

Du reste, ne craignez rien des maux dont ils vous menaceront, et n’en soyez point troublés. Celui qui, vous a aidés jusqu’ici, vous aidera jusqu’à la fin. Il vous a aimés d’un amour éternel, c’est pourquoi il prolongera envers vous sa gratuité. Avec l’épreuve, il vous donnera l’issue, afin que vous la puissiez porter ; et jamais les portes de l’enfer ne prévaudront contre son Église. Qu’Israël dise donc maintenant : Ils m’ont souvent tourmenté dès ma jeunesse ; toutefois ils n’ont point encore été plus forts que moi. Des laboureurs ont labouré sur mon dos ; ils y ont tiré tout au long leurs sillons. L’Éternel est juste ; il a coupé les cordes des méchans. Tous ceux qui ont Sion en haine, rougiront de honte, et seront repoussés en arrière (Ps. CXXIX, 1-5).

Or, mes frères, que le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés à sa gloire éternelle en Jésus-Christ, après que nous aurons un peu souffert, vous perfectionne, vous affermisse, vous fortifie et vous rende inébranlables. À lui soit la gloire et la force aux siècles des siècles. Amen. (1 Pierre V, 10, 11).

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  1. Plusieurs de nos lecteurs seraient peut-être bien étonnés s’ils allaient à Plymouth, dans l’assemblée des frères à laquelle appartient le ministre de la Parole, qui, le premier, a apporté dans notre pays, le système exposé dans la brochure intitulée : De la formation des Églises. Ils verraient une véritable Église, composée de croyans, exerçant une surveillance exacte sur tous ses membres, excluant, selon la Parole, ceux qui se rendent indignes du nom de chrétien. Ils y trouveraient des Pasteurs non pas nommés, mais reconnus, à cause de leurs dons, et qui exercent au milieu du troupeau toute l’autorité pastorale ; et probablement ils entendraient des membres de cette congrégation laisser échapper souvent dans la conversation, comme nous les avons entendu le faire dans ce pays, les expressions suivantes : Notre Église ou nos Églises. — Ceux qui dans notre pays, ont outré, comme cela arrive ordinairement, les vues du frère qui a apporté le système exposé dans la brochure, et qui ont voulu en quelque sorte tout bouleverser dans les Églises, jusqu’à ne vouloir plus de forme d’admission, pour ceux qui y étaient présentés ; seraient bien étonnés, s’ils allaient passer quelque temps à Plymouth. Là ils trouveraient peut-être plus d’ordre et de subordination, qu’il n’y en a dans plusieurs de nos Églises. Quant aux admissions, en particulier, ils seraient sans doute fort peu satisfaits, en voyant que l’Église des frères de Plymouth, nomme à chaque présentation deux frères, chargés d’examiner la personne présentée, et de recueillir sur elle tous les renseignemens possibles. Le nom des personnes présentées, s’inscrit sur une grande ardoise suspendue à la porte d’entrée du lieu des réunions, avec le numéro de leur rue, et en l’accompagnant du nom et du domicile des frères qui sont chargés de prendre des renseignemens sur leur compte. Le tout est accompagné d’une invitation à ceux qui auraient à alléguer des faits contraires à la profession que font les personnes présentées, d’être converties, de les faire connaître aux deux frères examinateurs. — Je tiens ce fait d’un témoin oculaire, auquel je pourrais adresser ceux qui auraient des doutes. — S’il fait pousser les hauts cris, ce ne sera pas à moi, qui n’y trouve rien de contraire à la Parole ; mais plutôt à ceux qui ont reçu d’un frère venant de ces Églises, des vues qu’ils ont beaucoup exagérées. — Quant a moi, je dirai : Quoi qu’il en soit, il faut toujours en revenir au vrai, et faire Église tout en ayant l’air de dire qu’on ne fait pas Église.
  2. Nous ne voulons pas dire que ceux qui ont apporté des vues nouvelles dont l’effet a été de troubler les Églises, n’aient pas insisté sur la vie de Christ. Mais malheureusement ils l’ont fait souvent comme la rattachant pour beaucoup à leur système et à leur point de vue particulier. De là il est résulté trois maux. Le premier, que leurs disciples ont attaché beaucoup trop d’importance à ces points de vue nouveaux, comme étant des choses auxquelles la vie de Christ tenait pour une grande partie ; en sorte qu’ils les ont fait reparaître à tout propos, et que si non de doctrine, du moins de fait, ces points secondaires semblaient être mis chez eux au premier rang. Le second mal, c’est qu’on a montré assez clairement qu’on regardait comme des chrétiens peu éclairés et en sous-ordre, quoique respectables d’ailleurs, pour le fond du caractère, ceux qui ne recevaient pas ces doctrines secondaires. Ces points de vue nouveaux sont devenus comme une espèce de moi d’ordre et de ralliement entre ceux qui les recevaient, et comme un signe qui donnait droit à un amour tout particulier, et à une intimité beaucoup plus étroite ; tandis que la foi en Christ et l’amour de Christ, sont les seuls signes de ralliement que l’Écriture donne aux chrétiens. (Jean XIII, 34, 35. — ch. XV, 17. — 2 Tim. II, 19. — 1 Jean III, 10, 11, 14, 15, 16. — ch. IV, 2, 7-11. — ch. V, 1, 2. — 2 Jean IX, 10). Le troisième mal, c’est que par suite même de l’importance excessive que l’on a attaché à ces points de vue secondaires, on en a beaucoup trop parlé ; on a perdu à cela beaucoup de temps, et ce qui est encore plus fâcheux, on en a parlé dans un esprit de dispute, en abondant dans son propre sens ; et on a fini par se diviser, sous prétexte d’être fidèle à des vues qui nous donnaient une plus grande connaissance de Christ et des temps actuels. Singulière connaissance de Christ, que celle qui amène la division au milieu des enfans de Dieu !! Il est vrai que l’homme abuse de tout ; aussi nous n’argumentons pas contre les systèmes eux-mêmes, mais contre l’importance qu’on y a attachée.
  3. Je ne parle point ici de l’héritage céleste, qui appartient à tous les fidèles, mais seulement du livre et des priviléges, particuliers à l’Église de Dieu.
  4. Et non pas : dans l’Église.
  5. Voyez Act. VI, 2-5. — Chap. XI, 29, 30. — Chap. XIV, 26, 27. — Chap. XV, 1-31. — 1 Cor. I, chap. V en entier. — Chap. VI, 1-5. — Chap. XVI, 1-5. — 2 Cor, VIII, 19, 23, 24. — 3 Jean 9, 10. — Tim. V, 16.
  6. Loin de nous la pensée que tous ceux qui ont quitté les Églises, soient des Judas. Nous n’avons appliqué le passage que dans ce sens, que plusieurs sont devenus les plus grands ennemis de l’œuvre des Églises.