Réponse à l’adresse aux provinces
Il doit être permis à un auteur anonyme de parler de lui-même ; on peut difficilement l’accuser de vanité, ou d’une fausse modestie.
Depuis environ trente ans, j’ai rarement passé un seul jour sans réfléchir sur les sciences politiques. Je pouvais donc prétendre, comme un autre, au droit de juger les opérations de l’assemblée nationale. J’aurais pu examiner ses décrets, combattre les principes qui en ont dicté quelques-uns, avec le respect que leur doit tout citoyen ; c’est-à-dire, en exposant avec liberté les motifs raisonnés de ma censure. Mais j’ai gardé le silence ; j’ai pensé qu’il fallait jeter un voile respectueux sur les erreurs d’une assemblée à qui la France devra l’honneur d’avoir la constitution la plus libre, la plus égale, la plus heureusement combinée qui existe en Europe. Aujourd’hui, que ce voile est déchiré, et que la calomnie, enchaînée quelque temps par la crainte du peuple, ose élever la voix, et prouve, par ses cris mêmes, le retour de la liberté, c’est, au contraire, un devoir, non de défendre l’assemblée nationale, mais de discuter ses opérations, et de la venger des outrages de la tyrannie expirante, par un examen impartial et sévère.
Je reste sous le voile de l’anonyme, pour qu’on juge mes raisons en elles-mêmes, et non d’après l’opinion qu’on aurait pu se former d’avance sur l’auteur ; qu’on y voie ce qu’il pense, sans y chercher de prétendues intentions personnelles. Ce voile est surtout utile à garder dans un temps où, malgré tous les efforts pour conserver une exacte impartialité, on est placé dans un des partis, par l’opinion qui se partage entre eux, et où, s’il est possible de tenir une balance égale, personne ne peut se flatter d’en avoir la réputation.
Il est aisé, dira-t-on, de lever ce voile : oui, sans doute, mais seulement pour un petit nombre d’écrivains qui ont une manière à eux seuls, dont les principes sont connus, et qui attachent à chacun de leurs écrits, ou le système de leurs opinions, ou le cachet de leur style ; les autres sont reconnus seulement par leur société, que souvent ils appellent le public, mais qui jamais n’en est qu’une très-faible partie : d’ailleurs, des observations générales deviennent facilement des personnalités, à l’aide de l’art bénigne des applications ; et le meilleur moyen de le déconcerter, est de ne pas laisser à la malignité le fil secourable que la connaissance des liaisons et des opinions personnelles de l’auteur pourrait lui offrir.
La justice exige que l’on discute séparément les opérations de l’assemblée nationale et sa conduite. Toute assemblée nombreuse décide les questions d’après la raison des hommes qui ont le plus de talents et de lumières, et se conduit presque toujours d’après l’impulsion du moment.
Si on examine les décisions de nos législateurs, on trouvera que presque toutes ont été sages, et qu’elles ont même surpassé les vœux un peu timides que les électeurs avaient formés dans l’enfance de leur liberté.
Tous demandaient des états généraux fréquemment assemblés, et la constitution établit un corps législatif toujours subsistant, se rassemblant deux fois chaque année, et réélu tous les deux ans.
Tous désiraient plus d’égalité entre les citoyens, et l’assemblée a établi l’égalité la plus entière.
Tous demandaient en détail la destruction des divers abus, et tous les abus ont été enveloppés dans une destruction commune.
Je soumettrai à tel homme éclairé que l’on voudra choisir dans l’Europe, le plan de constitution adopté par l’assemblée nationale ; je lui dirai : Ce n’est pas un ouvrage dont un seul individu, honoré de la confiance générale, a été chargé, et qu’un respect pour son nom a fait recevoir aveuglément ; tous les Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/504 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/505 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/506 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/507 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/508 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/509 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/510 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/511 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/512 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/513 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/514 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/515 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/516 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/517 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/518 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/519 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/520 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/521 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/522 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/523 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/524 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/525 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/526 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/527 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/528 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/529 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/530 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/531 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/532 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/533 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/534 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/535 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/536 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/537 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/538 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/539 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/540 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/541 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/542 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/543 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/544 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/545 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/546 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/547 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/548 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/549 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/550 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/551 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 9.djvu/552 qui dit ne s’être formée que pour défendre la liberté, a proposé de consacrer l’esclavage et le commerce des hommes, à une assemblée qui venait de décréter que l’hérédité d’une place d’honneur, dans une église de village, était contraire aux droits de l’égalité naturelle…