Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale/03

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Traduction par M. Levêque.
C. Reinwald (p. 7-44).


CHAPITRE PREMIER

Habitudes des Vers.


Nature des lieux habités. — Possibilité de vivre longtemps sous l’eau. — Habitudes nocturnes. — Les vers rôdent la nuit. — Ils gisent souvent tout près de l’ouverture de leurs galeries et sont par suite détruits en grand nombre par les oiseaux. — Anatomie des vers. — Ils ne possèdent pas d’yeux, mais peuvent distinguer la lumière de l’obscurité. — Ils se retirent rapidement quand on les éclaire subitement, mais ce n’est point par une action réflexe. — Ils sont capables d’attention, — sensibles à la chaleur et au froid, — tout à fait sourds, — sensibles aux vibrations et au toucher ; — leur odorat est faible. — Goût. — Qualités mentales. — Nature de leur nourriture. — Ils sont omnivores. — Digestion. — Avant d’être avalées, les feuilles sont humectées d’un liquide de la nature du suc pancréatique. — Digestion extra-stomacale. — Glandes calcifères, leur structure. — Les concrétions calcaires se forment dans la paire de glandes antérieures. — La matière calcaire est en première ligne une excrétion, mais secondairement elle sert à neutraliser les acides produits pendant l’acte de la digestion.


Les vers de terre sont distribués sur toute la surface du globe sous forme de quelques types génériques, d’une grande ressemblance extérieure entre eux. On n’a jamais fait de monographie soigneuse des espèces de lombrics de la Grande-Bretagne ; mais on peut juger combien il peut y en avoir, d’après celles qui habitent les contrées avoisinantes. Dans la péninsule scandinave, il y en a huit espèces, d’après Eisen[1] ; mais deux d’entre elles ne font que rarement des galeries dans le sol et l’une d’elles habite des lieux très humides ou même vit sous l’eau. Nous n’avons affaire ici qu’aux espèces qui apportent à la surface la terre sous forme d’éjections. Hoffmeister dit qu’on ne connaît pas bien les espèces de l’Allemagne[2], mais il indique le même nombre que Eisen, en y ajoutant quelques variétés à caractères fortement tranchés.

Les vers terrestres abondent en Angleterre dans différentes stations. On peut voir leurs éjections en nombre tellement extraordinaire dans les prairies communales et sur les collines de craie qu’elles arrivent presque à en couvrir toute la surface, là où le sol est pauvre et l’herbe courte et clairsemée. Mais dans quelques-uns des parcs publics de Londres, elles sont presque ou même tout à fait aussi nombreuses, quoique l’herbe y pousse bien et que le sol paraisse être riche. Dans un seul et même champ, les vers sont beaucoup plus communs à certaines places qu’à d’autres, sans qu’il soit possible de remarquer quelque différence dans la nature du sol. Ils se rencontrent en abondance dans les cours pavées tout près des maisons ; je citerai même plus loin un cas dans lequel ils avaient creusé leurs galeries à travers le sol d’une cave très humide. J’ai vu des vers dans la tourbe noire d’un champ marécageux ; mais ils sont extrêmement rares ou même font tout à fait défaut dans la tourbe plus sèche, brune et fibreuse, si estimée des jardiniers. C’est à peine si l’on peut trouver des vers sur les bandes de terrain sec, sablonneux ou graveleux où ne pousse que la bruyère en compagnie de quelques pieds de genêt, de fougère, d’herbes grossières, de mousse et de lichen. Mais dans beaucoup de parties de l’Angleterre, partout où un sentier traverse une lande, sa surface se recouvre d’une fine pelouse de gazon court. Quant à la question de savoir si ce changement de végétation est dû à ce que les plantes de plus grande taille sont tuées par le piétinement accidentel de l’homme ou des animaux, ou bien à ce que le sol est à l’occasion engraissé par les excréments d’animaux, c’est là ce que je ne saurais décider[3]. Sur ces sentiers gazonnés, on voit souvent des éjections de vers. Dans une lande de Surrey, soumise à un examen minutieux, il n’y avait que quelques éjectious sur ces sentiers, là où leur pente était considérable ; mais dans les parties plus horizontales où les eaux avaient amené, des régions plus escarpées, une couche de terre fine, et l’avaient portée à une épaisseur de quelques pouces, les éjections se rencontraient en grand nombre. Ces endroits paraissaient encombrés de vers, au point qu’ils avaient dû se disséminer à une distance de quelques pieds des sentiers gazonnés, et là leurs éjections se trouvaient parmi la terre de bruyère ; mais au-delà de cette limite, on ne pouvait pas trouver une seule éjection. Une couche, toute mince qu’elle soit, de terre fine retenant probablement longtemps quelque humidité, est, en tous cas, à mon avis, nécessaire à leur existence ; la simple compression du sol parait les favoriser jusqu’à un certain point, car ils abondent souvent dans de vieux chemins battus par les piétons et dans les sentiers à travers champs.

Sous les grands arbres, on trouve peu de tas d’éjections pendant certaines saisons de l’année, et cela paraît résulter de ce que l’humidité a été enlevée au sol par l’action absorbante des innombrables racines des arbres ; car, après les fortes pluies d’automne, on peut voir les mêmes endroits couverts de tas d’éjection. Bien que les taillis et les bois nourrissent pour la plupart une foule de vers, on ne put, même pendant l’automne, trouver une seule éjection sur une grande étendue de terrain, dans une forêt de grands et vieux hêtres du Knole Park, où le sol au-dessous des arbres était dépourvu de toute végétation. Et néanmoins les éjections se présentaient en abondance dans quelques clairières couvertes d’herbe et dans des échancrures pénétrant dans cette forêt. Sur les montagnes du nord du pays de Galles, et dans les Alpes, les vers, m’a-t-on dit, sont rares dans la plupart des lieux, ce qui peut bien provenir de la grande proximité des rocs sous-jacents, dans lesquels les vers ne peuvent creuser de galerie pendant l’hiver de manière à échapper à la gelée. M. le Dr Mac Intosh a pourtant trouvé des éjections de vers à une hauteur de 1,500 pieds sur le Shiehallion en Écosse. Ils sont communs sur quelques collines près de Turin à une hauteur de 2,000 à 3,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et à une grande altitude sur les monts Nilgiri, dans le sud des Indes et sur l’Himalaya.

Les vers de terre doivent être regardés comme des animaux terrestres, bien qu’ils soient encore dans un certain sens à demi aquatiques, comme les autres membres de la grande classe des annélides à laquelle ils appartiennent. M. Perrier a trouvé que l’exposition à l’air sec d’une chambre pendant une seule nuit leur était fatale. D’autre part, il a conservé vivants pendant près de quatre mois plusieurs grands vers complètement submergés dans l’eau[4]. Pendant l’été, quand le sol est sec, ils pénètrent à une profondeur considérable et cessent de travailler, comme ils le font aussi pendant l’hiver, quand le sol est gelé. Les vers ont des habitudes nocturnes, et la nuit on peut les voir ramper de tous côtés en grand nombre, mais d’ordinaire ils restent encore plongés par leur portion caudale dans leur galerie. L’expansion de cette partie de leur corps et les soies courtes, légèrement recourbées dont il est armé, leur permettent de s’accrocher si ferme qu’il est rare qu’on réussisse à les tirer hors de terre sans les mettre en pièces[5]. Pendant le jour ils restent dans leur galerie, excepté à l’époque de l’accouplement ; alors ceux qui habitent des galeries adjacentes mettent à découvert la plus grande partie de leur corps pendant une heure ou deux, de bon matin. Il faut aussi excepter de cette règle les malades, dans lesquels vit généralement en parasite une larve de diptère ; les individus se trouvant dans ce cas errent de côté et d’autre pendant le jour et meurent à la surface du sol. Lorsque de fortes pluies l’ont suite à la sécheresse, on voit parfois gisant sur le sol un nombre étonnant de vers morts. M. Galton me communique qu’en un cas de ce genre (mars 1881), les vers morts se trouvaient dans la proportion d’un par deux pas et demi en long, quatre pas en large, dans une promenade faite au Hyde Park. Il compta jusqu’à 45 vers morts dans une seule place sur une longueur de seize pas. À juger d’après les faits qui précèdent, il n’est pas probable que ces vers aient été noyés ; s’ils l’avaient été, ils auraient péri dans leurs galeries. Je crois qu’ils étaient déjà malades, et que leur mort a été simplement hâtée par l’inondation du sol.

On a souvent dit que, dans les circonstances ordinaires, il est rare ou il n’arrive jamais que les vers bien portants quittent tout à fait leur galerie la nuit ; mais c’est là une erreur, comme White de Selborne le savait il y a longtemps déjà. Le matin, lorsqu’il y a eu une forte pluie, la pellicule de boue ou de sable très fin recouvrant les allées sablées montre souvent leurs vestiges d’une façon bien nette. C’est ce que j’ai observé depuis le mois d’août jusqu’en mai, ces deux mois y compris, et il est probable que la même chose arrive pendant les deux autres mois de l’année, quand ils sont humides. Dans ces cas, on voit très peu de vers morts en général. Le 31 janvier 1881, après un froid exceptionnellement rigoureux et qui avait persisté pendant longtemps, dès que le dégel commença, les allées furent sillonnées d’innombrables vestiges de vers. Dans un cas, j’ai compté jusqu’à cinq pistes traversant un espace d’un pouce carré seulement. On pouvait parfois les poursuivre dans les allées sablées à des distances de deux à trois et jusqu’à quinze toises à partir de l’ouverture de la galerie ou jusqu’à cette ouverture. Jamais je n’ai vu deux pistes menant à la même galerie ; et il n’est pas non plus probable, d’après ce que nous allons bientôt voir des organes des sens du vers, il n’est pas probable, dis-je, qu’un ver puisse retrouver son chemin pour retourner à sa galerie, une fois qu’il l’a abandonnée. Il semble que les vers quittent leurs galeries pour faire un voyage de découvertes, et c’est ainsi qu’ils trouvent de nouveaux emplacements à habiter.

Morren dit[6] que les vers gisent souvent des heures entières presque sans mouvement, immédiatement au-dessous de l’ouverture de leur galerie. J’ai eu moi-même occasion d’observer le fait sur des vers tenus dans des pots à la maison ; en plongeant le regard dans la galerie, on pouvait justement voir leur tête. Bien souvent, en enlevant soudainement de dessus la galerie la terre ou les détritus rejetés, on voyait se retirer rapidement l’extrémité du corps du ver. Cette habitude de se tenir à la surface amène la destruction d’une immense quantité d’entre eux. Chaque matin, pendant certaines saisons de l’année, dans toutes les prairies du pays, les grives et les merles arrachent de leurs trous une quantité surprenante de vers, et cela ne pourrait pas être, si les vers n’étaient pas tout près de la surface. Il n’est guère probable que ce soit pour respirer l’air frais que les vers se comportent de la sorte, car nous avons vu qu’ils peuvent vivre longtemps sous l’eau. Je crois qu’ils restent près de la surface à cause de la chaleur, surtout dans la matinée ; et nous verrons plus loin que souvent ils revêtent de feuilles l’ouverture de leurs galeries, pour empêcher, ce semble, leurs corps de venir en contact immédiat avec la terre froide et humide. On prétend qu’ils ferment hermétiquement leurs galeries pendant l’hiver.

Anatomie. — Il faut faire quelques remarques au sujet de l’anatomie. Le corps d’un ver de grande taille consiste en cent à deux cents anneaux ou segments presque cylindriques, chacun de ces anneaux est muni de soies fines. Le système musculaire est bien développé. Les vers peuvent ramper en avant aussi bien qu’à reculons, et, en fixant leur queue, ils peuvent se retirer dans leurs galeries avec une rapidité extraordinaire. La bouche est située à l’extrémité antérieure du corps, et elle est pourvue d’une petite saillie (lobe ou lèvre, ainsi qu’elle a été appelée par les différents auteurs) employée pour la préhension. À l’intérieur, derrière la bouche, il y a un pharynx puissant, que montre le diagramme ci-joint (Fig. 1) ; il est poussé en avant quand l’animal mange, et cette partie correspond, d’après Perrier, à la trompe extensible des autres annélides. Le pharynx conduit dans l’œsophage,
Fig. 1.
Diagramme du canal alimentaire d’un lombric, d’après Ray Lankester in « Quart. Journal of Microscop. soc.
Vol. XV. N. S. pl. VII.
de chaque côté duquel il y a à la partie inférieure trois paires de grosses glandes qui sécrètent une quantité surprenante de carbonate de chaux. Ces glandes calcifères sont fort remarquables, car on ne connaît rien d’analogue dans un animal quelconque. Leur fonction sera discutée, quand nous traiterons de l’acte de la digestion. Dans la plupart des espèces, l’œsophage s’élargit en jabot à la hauteur du gésier. Ce dernier est revêtu d’une membrane chitineuse lisse et épaisse, et il est entouré par des muscles longitudinaux faibles, mais les muscles transverses sont puissants. Perrier a vu ces muscles en action énergique ; comme il l’observe, la trituration de la nourriture doit être effectuée principalement par cet organe, les vers ne possédant ni mâchoires ni dents d’aucune espèce. On trouve généralement dans le gésier et les intestins des grains de sable et de petites pierres, depuis 1/20 jusqu’à un peu plus d’1/10 de pouce de diamètre. Il est certain que les vers avalent beaucoup de petites pierres, indépendamment de celles avalées pendant qu’ils creusent leurs galeries, et il est probable qu’elles servent, comme des meules, à triturer leur nourriture. Le gésier débouche dans l’intestin, qui se dirige vers l’anus à l’extrémité postérieure du corps. L’intestin présente une disposition remarquable, le typhlosolis, ou comme les anciens anatomistes l’appelaient, un intestin à l’intérieur d’un intestin ; Claparède[7] a montré que le typhlosolis est le résultat d’une involution longitudinale profonde des parois de l’intestin, au moyen de laquelle s’obtient une large surface d’absorption.

Le système circulatoire est bien développé. Les vers respirent par la peau ; ils ne possèdent pas d’organes respiratoires spéciaux. Les deux sexes sont réunis sur le même individu, mais deux individus s’accouplent ensemble. Le système nerveux est passablement bien développé ; et les deux ganglions cérébraux presque confluents sont situés très près de l’extrémité antérieure du corps.

Sens. — Les vers sont dépourvus d’yeux, et tout d’abord je pensais qu’ils étaient complètement insensibles à la lumière ; car ceux tenus renfermés ayant été observés à l’aide d’une chandelle, et ceux restés en dehors de la maison l’ayant été à l’aide d’une lanterne, les uns et les autres se montrèrent rarement alarmés, bien que ce soient des animaux extrêmement timides. D’autres personnes n’ont pas trouvé de difficulté à observer les vers la nuit par le même moyen[8].

Hoffmeister cependant dit[9] qu’à l’exception de quelques individus, les vers sont extrêmement sensibles à la lumière ; mais il admet que, dans la plupart des cas, il faut à la lumière un certain temps pour agir. Ces indications m’amenèrent à observer un grand nombre de nuits de suite des vers tenus dans des pots ; ceux-ci étaient protégés contre les courants d’air par des plaques de verre. On approchait des pots très doucement, pour ne pas causer de vibrations dans le sol. En faisant, dans ces conditions, tomber sur les animaux la lumière d’une lanterne à coulisses de verre rouge foncé et bleu, les coulisses interceptant la lumière au point qu’on avait quelque peine à voir les animaux, ceux-ci ne furent nullement affectés par cette quantité de lumière, quelque prolongée que fût leur exposition à cet agent. La lumière était, autant que je pouvais en juger, plus vive que celle de la pleine lune. La couleur ne semble apporter aucune différence dans le résultat. Éclairait-on les vers avec une chandelle, ou même à la lumière claire d’une lampe à pétrole, ils n’en étaient pas d’ordinaire affectés tout d’abord. Ils ne l’étaient pas davantage quand on laissait passer et interceptait alternativement la lumière. Quelquefois cependant ils se comportaient fort différemment, car aussitôt que la lumière tombait sur eux, ils se retiraient dans leurs galeries avec une rapidité presque instantanée. Cela arriva peut-être une fois sur douze. Quand ils ne se retiraient pas tout de suite, il leur arrivait souvent de soulever du sol l’extrémité antérieure, effilée, de leur corps, comme si leur attention était excitée et comme s’ils éprouvaient de la surprise ; ou bien ils remuaient leur corps de côté et d’autre comme s’ils cherchaient à toucher quelque chose. Ils semblaient souffrir de la lumière, mais je doute que cette souffrance fût réelle ; car, dans deux cas, après s’être retirés lentement, ils restèrent longtemps l’extrémité antérieure saillant un peu de l’ouverture de leur galerie, et dans cette position ils étaient toujours prêts à se retirer instantanément et tout à fait.

Quand, au moyen d’une large lentille, on concentrait sur leur extrémité antérieure la lumière d’une bougie, en général ils se retiraient tout de suite ; mais cette lumière concentrée manqua d’agir peut-être une fois sur six. Une fois, la lumière fut concentrée sur un ver gisant dans une soucoupe sous l’eau et il se retira immédiatement dans sa galerie. Dans tous les cas, la durée d’action de la lumière, à moins que celle-ci ne fût extrêmement faible, n’apportait pas grande différence dans le résultat ; car des vers laissés exposés à une lampe à pétrole ou à une chandelle se retiraient régulièrement dans leur galerie dans un intervalle de cinq à quinze minutes ; et si le soir on éclairait les pots, avant que les vers ne fussent sortis de leurs galeries, ils se gardaient d’apparaître au dehors.

Des faits précédents, il résulte à l’évidence que la lumière affecte les vers par son intensité et par sa durée. C’est seulement l’extrémité antérieure du corps, où sont les ganglions cérébraux, qui est affectée par la lumière, comme l’assure Hoffmeister, et comme je l’ai observé moi-même en beaucoup de cas. Si cette partie est dans l’obscurité, on peut éclairer en plein d’autres parties du corps, aucun effet ne sera produit. Ces animaux n’ayant pas d’yeux, nous devons admettre que la lumière traverse leur peau et excite d’une certaine manière leurs ganglions cérébraux. Il semblait au premier abord probable que la manière différente dont les vers étaient affectés en différents cas pût s’expliquer, soit par le degré d’extension de leur peau et par le degré de transparence en résultant, ou par l’incidence particulière de la lumière ; mais je n’ai pu découvrir aucun rapport de ce genre. Ce qui était manifeste, c’est que quand les vers étaient occupés à traîner des feuilles dans leur galerie ou à les manger, et même pendant les courts intervalles de temps durant lesquels ils se reposaient de leur ouvrage, ou bien ils ne percevaient pas la lumière, ou ils n’y faisaient pas attention ; et cela arrivait même quand on concentrait sur eux la lumière par une large lentille. De même aussi, pendant qu’ils sont accouplés, ils restent de une à deux heures hors de leurs galeries, exposés en plein au soleil du matin ; mais, d’après ce que dit Hoffmeister, il semble que la lumière fait en certains cas se séparer des individus accouplés.

Quand un ver subitement éclairé se précipite comme un lapin dans son trou, pour me servir de l’expression employée par un de mes amis, nous sommes tout d’abord amenés à considérer cela comme une action réflexe. L’irritation des ganglions cérébraux parait faire contracter d’une manière inévitable certains muscles, sans que l’animal le veuille ou en ait conscience, comme si c’était un automate. Mais ce qui s’oppose à ce qu’on regarde la retraite subite comme une simple action réflexe, c’est la différence d’effet produite par une même lumière en différents cas et tout spécialement c’est ce fait qu’un ver occupé d’une façon quelconque et dans les intervalles de cette occupation, quels que soient les muscles ou les ganglions mis en jeu par lui, ne fait souvent pas attention à la lumière. Chez les animaux supérieurs, quand l’attention se concentre sur quelque objet jusqu’à faire négliger les impressions que d’autres objets doivent produire sur eux, nous attribuons cela à ce que leur attention est absorbée, et l’attention implique la présence d’une âme. Tous les chasseurs savent que, pendant que le gibier paît, se bat ou est empressé auprès de l’autre sexe, il est beaucoup plus aisé de s’en approcher. L’état du système nerveux des animaux supérieurs diffère donc beaucoup en des temps différents ; un cheval, par exemple, est beaucoup plus disposé à s’effrayer à un moment qu’à un autre. La comparaison que ceci implique entre les actions d’un animal supérieur et d’un autre placé aussi bas que le ver de terre dans l’échelle des êtres organisés, pourra paraître forcée ; car nous attribuons par là au ver de l’attention et quelque faculté mentale, mais néanmoins je ne vois pas de raison de douter de la justesse de cette comparaison.

Si l’on ne peut pas dire que les vers soient doués de la faculté de la vision, leur sensibilité à la lumière leur permet pourtant de distinguer le jour de la nuit ; et c’est ainsi qu’ils échappent au danger incessant que leur fait courir l’avidité de la foule des animaux diurnes qui leur font la chasse. Leur retraite dans leurs galeries pendant le jour parait cependant être devenue une action d’habitude ; car en tenant des vers dans des pots couverts de plaques de verre sur lesquelles on avait étendu des feuilles de papier noir et les exposant à une fenêtre située au nord-est, les animaux restèrent le jour dans leurs galeries et sortirent tous les soirs ; et ils continuèrent à le faire pendant une semaine. Sans doute une petite quantité de lumière a pu entrer entre les plaques de verre et le papier noirci : mais les expériences faites avec les verres de couleur nous avaient appris que ces animaux sont insensibles à une faible quantité de lumière.

Les vers semblent moins sensibles à une chaleur rayonnante modérée qu’à une lumière vive. J’en juge ainsi pour avoir tenu à plusieurs reprises un tison échauffé au rouge pale près des vers, à une distance qui me donnait sur la main une sensation bien nette de chaleur. L’un des vers n’y prit point garde ; un autre se retira dans sa galerie, mais pas vite ; le troisième et le quatrième le firent beaucoup plus vite et le cinquième aussi vite que possible. La lumière d’une chandelle, concentrée par une lentille et traversant une plaque de verre d’épaisseur suffisante pour intercepter la plupart des rayons calorifiques, causait en général une retraite beaucoup plus rapide que ne le faisait le tison rougi. Les vers sont sensibles à une température très basse, comme on peut le conclure du fait qu’ils ne sortent pas de leurs galeries pendant qu’il gèle.

Les vers sont dépourvus du sens de l’ouïe. Ils ne remarquaient pas du tout les sons perçants d’un sifflet de métal lancés à plusieurs reprises près d’eux, pas plus que les sons les plus graves et les plus forts d’un basson. Ils étaient insensibles aux cris, pourvu qu’on eût soin que l’haleine ne les touchât pas. Placés sur une table tout près des cordes d’un piano dont on jouait aussi fort que possible, ils restaient parfaitement tranquilles.

Bien qu’insensibles aux ondulations de l’air qui sont perceptibles pour nous, ils sont extrêmement sensibles aux vibrations d’un corps solide quelconque. Deux vers contenus dans des pots étaient restés tout à fait insensibles au son d’un piano ; on plaça les pots sur l’instrument, et dès qu’on toucha la note C de la clef de basse, tous deux se retirèrent à l’instant dans leur galerie. Quelque temps après, ils sortirent, et quand le G au-dessus de la ligne dans la clef de sol résonna, ils se retirèrent de nouveau. Dans des circonstances semblables, l’un des vers se sauva vite dans sa galerie une autre nuit, au son d’une seule note très élevée, et l’autre ver quand on toucha le C de la clef de sol. En ces occasions, les vers ne touchaient pas aux parois des pots, ceux-ci reposaient sur des soucoupes ; de sorte qu’avant d’atteindre leur corps, les vibrations avaient à passer de la table de résonance du piano à travers la soucoupe, le fond du pot et la terre humide pas très compacte sur laquelle ils reposaient, l’extrémité caudale logée dans leur galerie. Souvent on pouvait voir combien ils sont impressionnables, quand le pot dans lequel ils étaient ou la table sur laquelle le pot se trouvait, arrivait à être légèrement heurté ; mais ils semblaient moins sensibles à des bruits de cette sorte qu’aux vibrations du piano ; et leur sensibilité aux bruits variait beaucoup à différentes époques. On a souvent dit qu’en battant le sol ou le faisant trembler d’autre façon, les vers pensent être poursuivis par une taupe et quittent leurs galeries. Je battis le sol en beaucoup d’endroits où il y avait des vers en grand nombre, mais pas un ne se montra au dehors. Quand cependant on creuse le sol avec une fourche et que la terre est remuée violemment au-dessous d’un ver, il arrive souvent qu’il sorte vite de sa galerie.

Toutes les parties du corps sont, chez le ver, sensibles au contact. Un léger souffle lancé par la bouche les fait se retirer immédiatement. Les plaques de verre placées par-dessus les pots ne fermaient pas hermétiquement, il suffisait souvent de souffler par les fentes très étroites ainsi laissées pour amener une retraite rapide. Quelquefois ils sentaient les tourbillons causés dans l’air par l’enlèvement rapide des plaques de verre. Quand un ver sort tout d’abord de sa galerie, généralement il meut de part et d’autre dans toutes les directions l’extrémité antérieure de son corps fortement étendue : elle paraît être pour lui un organe de toucher ; comme nous le verrons dans le chapitre prochain, on a lieu de croire qu’ils peuvent ainsi se faire une idée générale de la forme d’un objet. De tous leurs sens, celui du toucher, en comprenant dans ce terme la perception des vibrations, semble être le plus développé.

Chez les vers, le sens de l’odorat parait réduit à la perception de certaines odeurs, et il est faible. Ils étaient tout à fait insensibles à mon haleine, tant que je la leur envoyai très doucement. J’avais fait cette expérience, parce qu’il semblait possible qu’ils fussent ainsi avertis de l’approche d’un ennemi. Ils se montrèrent également insensibles à mon haleine, quand je mâchai du tabac, et quand une boulette de coton de laine imprégnée de quelques gouttes d’essence de mille-fleurs ou d’acide acétique était dans ma bouche. Des boulettes de coton de laine imprégnées de jus de tabac et d’essence de mille-fleurs et de paraffine, furent tenues avec des pincettes et promenées de long en large à une distance de deux à trois pouces de plusieurs vers, sans qu’ils s’en aperçussent. Dans deux ou trois cas cependant, où de l’acide acétique avait été placé sur les boulettes, les vers parurent un peu agités, ce qui provenait probablement de l’irritation de leur peau. La perception d’odeurs aussi peu naturelles ne servirait pas aux vers, et comme il est presque certain que des créatures aussi timides donneraient des signes de quelque impression nouvelle, nous sommes autorisés à conclure qu’ils n’avaient pas perçu ces odeurs.

Le résultat fut tout différent, quand on prit des feuilles de chou et des morceaux d’oignon, que les vers dévorent tous deux avec grand plaisir. Dans neuf cas j’enterrai de petits morceaux carrés de feuilles de chou fraîches et d’autres a demi gâtées et de bulbe d’oignon dans les pots, sous environ 1/4 de pouce de terre de jardin ordinaire ; et toujours les vers les découvrirent. Un morceau de chou fut découvert et enlevé dans l’espace de deux heures ; trois autres avaient été enlevés le lendemain matin, c’est-à-dire après une seule nuit ; deux autres, après deux nuits ; et le septième morceau après trois nuits. Deux pièces d’oignon furent découvertes et enlevées après trois nuits. Des morceaux de viande crue fraîche, mets dont les vers sont très friands, avaient été enfouis ; ils ne furent pas découverts dans l’espace de quarante-huit heures, et ils n’étaient pas encore en putréfaction alors. La terre au-dessus des différents objets enfouis ne fut en général pressée que légèrement, pour ne pas empêcher l’émission d’odeurs. Dans deux cas cependant, la surface fut bien arrosée, et rendue ainsi un peu compacte. Après que les morceaux de chou et d’oignon eurent été enlevés, je regardai au-dessous d’eux pour voir si par hasard les vers étaient venus par en bas, mais il n’y avait pas trace de galerie ; et deux fois les objets enfouis furent placés sur des pièces de feuille d’étain, et elles ne furent pas déplacées le moins du monde. Naturellement il est bien possible que les vers se promenant à la surface du sol, et leur queue restant fixée à l’intérieur de leur galerie, ils aient fureté avec la tête dans les endroits où étaient enfouis les objets indiqués plus haut ; mais je n’ai jamais vu de vers agissant de la sorte. Deux fois j’enfouis des pièces de feuille de chou et d’oignon sous du sable ferrugineux très fin, je le tassai légèrement et l’arrosai bien jusqu’à le rendre fort compacte et ces pièces ne furent jamais découvertes. Dans un troisième cas, la même sorte de sable ne fut ni tassée ni arrosée, et les pièces de chou étaient déjà découvertes et enlevées après la seconde nuit. Ces différents faits montrent que les vers sont doués d’un certain odorat, et que par ce moyen ils découvrent des aliments odoriférants et fort recherchés d’eux.

Il est permis de supposer que tous les animaux qui se nourrissent de substances variées possèdent le sens du goût, et c’est certainement le cas pour les vers. Ils aiment beaucoup les feuilles de chou, et ils semblent pouvoir faire une distinction entre différentes variétés ; mais cela provient peut-être de différences dans la texture de ces feuilles. Dans onze cas, on donna aux vers des pièces de feuilles fraîches d’une variété verte commune et d’autres de la variété rouge employée pour les conserves au vinaigre ; ils préférèrent les vertes, les rouges restant ou tout à fait négligées ou bien moins attaquées. Dans deux cas cependant, ils parurent préférer les rouges. Des feuilles à demi gâtées de la variété rouge et des feuilles fraîches de la verte furent entamées d’une façon à peu près égale. Quand on leur donna tout ensemble des feuilles de chou, de raifort (une de leurs nourritures favorites) et d’oignon, ils préférèrent toujours ces dernières et cela d’une façon manifeste. On leur donna aussi tout à la fois des feuilles de chou, de tilleul, d’ampelopis, de panais (Pastinaca) et de céleri (Apium), et ils mangèrent tout d’abord celles de céleri. Mais quand on leur donna ensemble des feuilles de chou, de navet, de betterave, de céleri, de cerisier sauvage et de carotte, ils préférèrent les deux dernières espèces, et tout spécialement celles de carotte, à toutes les autres, y compris celles du céleri. Après de nombreux essais il était donc manifeste que les feuilles de cerisier sauvage étaient de beaucoup préférées à celles de tilleul et de coudrier (Corylus). D’après M. Bridgman, les vers ont une préférence particulière pour les feuilles à demi gâtées du Phlox verna[10].

Des morceaux de feuilles de chou, de navet, de raifort et d’oignon furent laissés sur les pots pendant 22 jours, et toutes furent entamées et durent être renouvelées ; mais pendant tout ce laps de temps, des feuilles d’une espèce d’armoise et d’autres de la sauge culinaire, de thym et de menthe, mêlées aux feuilles précédentes, restèrent absolument négligées, sauf celles de la menthe qui furent à l’occasion grignotées, mais très faiblement. Ces quatre dernières espèces de feuilles ne diffèrent pas dans leur texture de manière à pouvoir devenir désagréables aux vers ; elles ont toutes un goût bien accentué, mais c’est ce qu’ont aussi les quatre espèces de feuilles mentionnées d’abord ; et la grande différence des résultats doit nécessairement être rapportée à une préférence que les vers ont pour le goût de l’une plutôt que pour celui de l’autre.

Facultés mentales. — Il y a peu de chose à dire sur ce point. Les vers, nous l’avons vu, sont timides. Il est permis de douter que lorsqu’on les blesse, ils souffrent autant qu’ils paraissent l’exprimer par leurs contorsions. À en juger par leur avidité pour certaines sortes de nourriture, ils doivent ressentir du plaisir à manger. Le penchant sexuel est chez eux assez fort pour surmonter pendant quelque temps leur crainte de la lumière. Peut-être outils une trace de penchant social, car cela ne les dérange pas de ramper l’un sur l’autre et quelquefois ils gisent au contact l’un de l’autre. D’après Hoffmeister, ils passent l’hiver ou isolés, ou roulés en pelote avec d’autres au fond de leur galerie[11]. Bien que les vers soient si imparfaits sous le rapport des différents organes des sens, cela ne prouve pas qu’ils soient nécessairement dépourvus d’intelligence ; nous l’avons appris par des observations comme celles de Laura Bridgman, et nous avons vu que, leur attention une fois occupée, ils négligent des impressions dont ils auraient sans cela tenu compte ; or, l’attention implique l’existence d’un pouvoir mental de quelque espèce. Ils sont aussi plus faciles à exciter à certaines époques qu’à d’autres. Ils accomplissent instinctivement quelques actions, c’est-à-dire que tous les individus, y compris les jeunes, accomplissent ces actions à peu près de la même manière. C’est ce que montre la façon dont les espèces de Perichæta disposent les matières qu’ils rejettent, de manière à construire des tours ; c’est encore ce que prouvent les galeries du ver de terre ordinaire tapissées d’une couche bien unie de terre fine et souvent de petites pierres, ainsi que les ouvertures de leurs galeries revêtues d’un lit de feuilles. Un de leurs instincts les plus puissants est celui qui les porte à tamponner d’objets divers l’ouverture de leurs galeries ; des vers encore tout jeunes agissent déjà de la sorte. Mais, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, on voit percer, dans ce travail, un certain degré d’intelligence, chose qui m’a surpris plus que tout le reste de ce qui a trait aux vers.

Nourriture et digestion. — Les vers sont omnivores. Ils avalent une énorme quantité de terre, et en extraient toutes les matières digestibles qui peuvent y être contenues, mais c’est là un sujet sur lequel il me faudra revenir. Ils consomment aussi un grand nombre de feuilles à demi gâtées de toute espèce, excepté quelques-unes qui ont un goût désagréable ou bien sont trop dures pour eux ; par exemple les pétioles, les pédoncules et les fleurs fanées. Mais ils consomment aussi des feuilles fraîches, comme me l’ont montré des expériences répétées. D’après Morren[12], ils mangent des parcelles de sucre et de réglisse ; les vers que je tenais en observation traînèrent un grand nombre de morceaux d’amidon sec dans leurs galeries, et un gros morceau eut ses angles bien arrondis par le liquide déversé par la bouche des animaux. Mais comme ils entraînent souvent dans leurs galeries des parcelles de pierre tendre, de chaux par exemple, j’ai quelque doute que cette chaux soit employée comme nourriture. Des pièces de viande crue et d’autres rôties furent plusieurs fois fixées par de longues aiguilles à la surface du sol dans mes pots, et toutes les nuits on pouvait voir les vers les tirailler ; ils suçaient les bords des pièces et en consommèrent ainsi une bonne portion. La graisse crue semble être préférée par eux même à la viande crue et à toutes les autres substances qui leur furent données, et ils en consommèrent beaucoup. Ils sont cannibales, car les deux moitiés d’un ver mort ayant été placées dans deux des pots, elles furent traînées à l’intérieur des galeries et grignotées ; mais, autant que je pouvais en juger, ils préfèrent la viande fraîche à celle en putréfaction, et à cet égard je ne suis pas d’accord avec Hoffmeister.

Léon Frédéricq déclare[13] que le fluide digestif des vers est de la même nature que la sécrétion du pancréas des animaux supérieurs ; cette conclusion est parfaitement en accord avec les sortes de nourriture que consomment les vers. Le suc pancréatique produit l’émulsion de la graisse et nous venons de voir avec quelle voracité les vers dévorent la graisse ; il dissout la fibrine, et les vers mangent de la viande crue ; il convertit l’amidon en sucre de raisin avec une rapidité merveilleuse, et nous allons montrer tout à l’heure que le fluide digestif des vers agit sur l’amidon[14]. Mais ils vivent principalement de feuilles à demi gâtées ; et celles-ci ne pourraient pas les nourrir s’ils ne pouvaient digérer la cellulose qui forme les parois des cellules ; car c’est un fait bien connu que, peu de temps avant la chute des feuilles, presque toutes les autres substances nutritives ont presque complètement disparu de leur intérieur. On a du reste acquis aujourd’hui la certitude que la cellulose qui n’est point modifiée du tout ou ne l’est que très peu par le suc gastrique des animaux supérieurs, est attaquée par la sécrétion du pancréas[15].

Les feuilles à demi gâtées ou fraîches que les vers se proposent de dévorer, sont traînées par eux à l’intérieur de leurs galeries jusqu’à une profondeur de un à trois pouces, et elles sont alors humectées d’un liquide qu’ils sécrètent. On avait supposé que ce fluide servait à hâter leur décomposition ; mais un grand nombre de feuilles furent à deux reprises retirées des galeries des vers et tenues pendant de longues semaines dans un atmosphère très humide, sous une cloche de verre dans mon cabinet d’étude, et les parties qui avaient été humectées par les vers ne se décomposèrent pas notablement plus vite que les autres parties. Quand on donnait le soir des feuilles fraîches aux vers tenus renfermés et qu’on examinait celles-ci le matin suivant, par conséquent peu d’heures après qu’elles avaient été traînées dans les galeries, le fluide dont les feuilles étaient humectées montrait une réaction alcaline au papier neutre de tournesol. C’est ce qui se répéta plusieurs fois pour les feuilles de céleri, de chou et de navet. Des parties de ces mêmes feuilles qui n’avaient pas été humectées par les vers, furent pilées avec quelques gouttes d’eau distillée, et le jus ainsi extrait n’était pas alcalin. Quelques feuilles cependant qui avaient été traînées dans l’intérieur des galeries, mais pas dans la maison, et à une période antérieure inconnue, furent examinées, et, bien qu’humides encore, elles ne montrèrent que rarement même une trace de réaction alcaline.

Le liquide, par lequel les feuilles sont humectées, agit sur elles pendant qu’elles sont fraîches ou presque fraîches, d’une manière remarquable ; car il les fane et les décolore rapidement. C’est ainsi que les extrémités d’une feuille fraîche de carotte qui avait été traînée dans l’intérieur d’une galerie, furent retrouvées d’une teinte brun foncé douze heures après. Des feuilles de céleri, de navet, d’érable, d’orme, de tilleul, des feuilles minces de lierre et à l’occasion celles du chou, subirent une action semblable. L’extrémité d’une feuille de Triticum repens encore attachée à une plante en voie de croissance, avait été tirée à l’intérieur d’une galerie et cette partie était brun foncé et morte, tandis que le reste de la feuille était frais et vert. Plusieurs feuilles de tilleul et d’orme retirées de galeries se trouvèrent affectées à des degrés différents. Le premier changement parait être que les nervures deviennent d’une teinte pâle de rouge-orange. Les cellules à chlorophylle adjacentes perdent plus ou moins complétement leur couleur verte, et leur contenu finit par devenir brun. Les parties ainsi affectées paraissent presque noires à la lumière réfléchie ; mais regardées par transparence sous le microscope, de petites marques lumineuses étaient aperçues, ce qui n’arrivait pas avec les parties non affectées des mêmes feuilles. Ces effets ne montrent d’ailleurs qu’une chose, c’est que le fluide sécrété est nuisible aux feuilles à un haut degré ou même est vénéneux pour elles ; car presque les mêmes effets furent produits dans un espace de un à deux jours sur différentes espèces de feuilles jeunes, et cela non-seulement par le suc pancréatique artificiel préparé avec ou sans thymol, mais aussi et rapidement par une solution de thymol à elle seule. Dans un cas, des feuilles de Corylus furent fort décolorées par un séjour de dix-huit heures dans le suc pancréatique, sans aucun thymol. Avec des feuilles jeunes et tendres, l’immersion dans la salive humaine par un temps un peu chaud, agit de la même manière que le suc pancréatique, mais pas aussi vite. Dans tous ces cas, les feuilles s’infiltraient souvent de ce suc.

Des larges feuilles d’un pied de lierre croissant à un mur étaient si dures que les vers ne pouvaient pas les entamer, mais au bout de quatre jours elles furent attaquées d’une manière toute particulière par la sécrétion déversée par leur bouche. La surface supérieure des feuilles, sur laquelle les vers avaient rampé, comme le montrait l’ordure qu’ils y avaient laissée, était alors marquée de lignes sinueuses formées par une chaîne continue ou interrompue de taches blanchâtres et souvent d’apparence étoilée, de 2 mm. environ de diamètre. L’apparence ainsi produite ressemblait d’une façon singulière à celle d’une plante dans laquelle la larve de quelque insecte de petite taille aurait creusé une galerie. Mais après en avoir fait des coupes et les avoir examinées, mon fils Francis ne put trouver nulle part que les cellules eussent été rompues ou que l’épiderme eût été perforé. Quand la section passait par les taches blanchâtres, on voyait que les grains de chlorophylle étaient plus ou moins décolorés, et quelques-unes des cellules en palissade et de celles du mésophylle ne contenaient rien que de la matière granuleuse écrasée. Ces effets doivent être attribués à la transsudation de la sécrétion à travers l’épiderme jusque dans les cellules.

La sécrétion dont les vers humectent les feuilles agit de la même façon sur les granules d’amidon à l’intérieur des cellules. Mon fils examina beaucoup de feuilles de tilleul et quelques-unes de frêne, qui étaient tombées de l’arbre et avaient été en partie traînées par les vers à l’intérieur de leurs galeries. On sait que dans les feuilles tombées les grains d’amidon sont conservés dans les cellules-gardes des stomates. Or, en plusieurs cas, l’amidon avait disparu partiellement ou en totalité de ces cellules, dans les parties qui avaient été humectées par la sécrétion ; tandis que ces cellules étaient encore bien conservées dans les autres parties des mêmes feuilles. Quelquefois l’amidon était dissous seulement dans l’une des deux cellules-gardes. Le nucléus avait dans l’un des cas disparu en même temps que les granules d’amidon. Le simple enfouissement de feuilles de tilleul dans de la terre humide pendant neuf jours n’amena pas la destruction des granules d’amidon. D’un autre côté, l’immersion de feuilles fraîches de tilleul et de cerisier pendant dix-huit heures dans du suc pancréatique artificiel, eut pour résultat la dissolution des granules d’amidon dans les cellules-gardes aussi bien que dans les autres cellules.

Du fait que la sécrétion dont les feuilles sont humectées est alcaline, et de ce qu’elle agit aussi bien sur les granules d’amidon que sur le contenu protoplasmique des cellules, nous sommes en droit de conclure qu’elle ressemble non à la salive[16], mais à la sécrétion du pancréas ; et Frédéricq nous a appris qu’une sécrétion de cette sorte se trouve dans les intestins des vers. Les feuilles traînées jusque dans les galeries étant souvent sèches et recroquevillées, il est indispensable pour leur désagrégation par la bouche nue des vers qu’elles soient d’abord humectées et amollies ; et les feuilles fraîches, quelque molles et tendres qu’elles soient, sont traitées de la même manière, probablement par suite de l’habitude. Il en résulte qu’elles sont en partie digérées avant de passer dans le canal alimentaire. Je ne sache pas qu’on ait rapporté quelque autre cas de digestion extra-stomacale. Le boa constricteur baigne de salive sa proie, mais c’est uniquement pour la lubrifier. Peut-être le cas le plus analogue se retrouve-t-il dans des plantes telles que le Drosera et le Dionœa ; car là c’est à la surface des feuilles et non à l’intérieur d’un estomac que la matière animale est digérée et convertie en peptone.

Glandes calcifères. — Ces glandes (voir fig. 1), à en juger par leur volume et la grande quantité de vaisseaux sanguins qui s’y rendent, doivent être de toute importance pour l’animal. Mais il y a eu presque autant de théories émises sur leur usage qu’il y a eu de naturalistes à les observer. Ces glandes sont au nombre de trois paires, qui, chez le lombric commun, débouchent dans le canal alimentaire en avant du gésier, mais chez l’Urochæta et dans quelques autres genres, elles débouchent en arrière de lui[17]. Les deux paires postérieures sont formées de lamelles qui, selon Claparède, sont des diverticules de l’œsophage[18]. Ces lamelles sont à l’intérieur revêtues d’une couche de cellules pulpeuses, les cellules extérieures se trouvant libres en nombre infini. Si l’on fait la ponction d’une de ces glandes et qu’on la comprime, il en sort une masse de matière pulpeuse blanche, consistant en cellules libres. Elles sont très petites et leur diamètre varie de 2 à 6 mm. Elles contiennent au centre une substance granuleuse excessivement fine ; mais elles ressemblent tant à des globules d’huile que Claparède et d’autres aussi les ont d’abord traitées par l’éther. Il ne produit aucun effet ; mais ils se dissolvent rapidement avec effervescence dans l’acide acétique, et si l’on ajoute à la solution de l’oxalate d’ammoniaque, il se précipite une matière blanche. Nous avons donc le droit de conclure qu’ils contiennent du carbonate de chaux. Si l’on plonge les cellules dans une très petite quantité d’acide, elles deviennent plus transparentes, prennent un aspect nuageux et on les perd bientôt de vue ; mais si l’on ajoute beaucoup d’acide, elles disparaissent à l’instant. Quand on en a dissous un très grand nombre, il reste un résidu floconneux qui paraît formé des fines parois cellulaires rompues. Dans les deux paires de glandes postérieures, le carbonate de chaux contenu dans les cellules s’amasse en petits cristaux rhomboïdaux ou en concrétions qui se déposent entre les lamelles ; mais je n’en ai vu qu’un seul cas et Claparède en a observé seulement un très petit nombre.

Les deux glandes antérieures diffèrent un peu dans leur forme, des quatre postérieures, en ce qu’elles sont plus ovales. Elles en diffèrent aussi d’une façon frappante en ce qu’elles contiennent en général plusieurs petites concrétions de carbonate de chaux, ou deux ou trois plus grandes, ou une seule très grosse jusqu’à 1 ½ mm. de diamètre. Quand une glande ne contient qu’un petit nombre de concrétions très petites, ou qu’elle n’en contient pas du tout, comme cela arrive parfois, elle passe facilement inaperçue. Les grosses concrétions sont rondes ou ovales, et presque lisses à l’extérieur. Il s’en trouva une qui remplissait non-seulement toute la glande, ce qui est souvent le cas, mais aussi son col ; de sorte que sa forme ressemblait à celle d’une bouteille à huile d’olive. Quand on brise ces concrétions, on voit que leur structure est plus ou moins cristalline. On ignore comment elles s’échappent de la glande ; mais un fait certain est qu’elles s’en échappent, car on les trouve souvent dans le gésier, les intestins et les matières rejetées par les vers, aussi bien chez ceux de ces animaux qu’on tient renfermés que chez ceux qui vivent à l’état de nature.

Claparède ne dit que très peu de chose sur la structure des deux glandes antérieures, et il suppose que la matière calcaire dont sont formées les concrétions provient des quatre glandes postérieures. Mais si l’on place dans l’acide acétique une glande antérieure qui ne contient que de petites concrétions, et qu’on fasse ensuite la dissection de cette glande, ou bien si l’on fait des sections d’une glande de ce genre sans la traiter d’abord par l’acide acétique, on y verra distinctement des lamelles semblables à celles qu’on trouve dans les glandes postérieures, et revêtues de matière cellulaire, en même temps qu’une multitude de cellules calcifères libres, parfaitement solubles dans l’acide acétique. Quand une glande est complètement remplie d’une seule grande concrétion, il n’y a pas de cellules libres, celles-ci ayant été toutes absorbées dans la formation de la concrétion. Mais si l’on dissout dans l’acide une de ces grosses concrétions, ou seulement une de grosseur modérée, il reste beaucoup de matière membraneuse et celle-ci parait consister des restes des lamelles autrefois actives. Après la formation et l’expulsion d’une grande concrétion, il faut bien qu’il se développe d’une manière quelconque de nouvelles lamelles. Dans une coupe faite par mon fils, il semblait que la chose eût déjà commencé, bien que la glande contînt deux concrétions un peu grosses, car près des parois il y avait plusieurs tubes cylindriques et ovales d’intersectés qui étaient doublés de matière cellulaire et étaient tout à fait remplis de cellules calcifères libres. Si plusieurs tubes ovales s’élargissaient dans une direction, cela donnerait les lamelles.

Outre les cellules calcifères libres dans lesquelles il n’y avait pas de noyau visible, d’autres cellules libres, mais un peu plus grandes, furent observées à trois reprises différentes, et celles-ci contenaient distinctement un noyau et un nucléole. L’acide acétique n’agissait sur elles que pour rendre le nucléole plus distinct. L’acide fit disparaître de l’interstice de deux lamelles une concrétion très petite dans une glande antérieure.

Cette concrétion était incrustée dans une matière cellulaire pulpeuse, avec beaucoup de cellules calcifères libres, en même temps qu’une multitude de cellules plus grandes, libres, à noyau, et ces dernières restaient insensibles à l’action de l’acide acétique, tandis qu’il dissolvait les autres. Cette observation et plusieurs autres du même genre m’ont amené à supposer que les cellules calcifères se développent aux dépens de cellules plus grandes à noyau ; mais comment cela s’opère-t-il, c’est ce que je n’ai pas pu déterminer encore avec certitude.

Quand une glande antérieure contient plusieurs petites concrétions, quelques-unes d’entre elles ont généralement un profil angulaire ou cristallin, tandis que le plus grand nombre est arrondi, avec une surface irrégulière semblable à celle d’un fruit de mûrier (arbre). En beaucoup de points, ces masses à apparence framboisée étaient adhérentes aux cellules calcifères et on pouvait suivre leur disparition graduelle pendant qu’elles y restaient encore attachées. Il était donc évident par là que les concrétions se forment au moyen de la chaux contenue à l’intérieur de cellules calcifères libres. À mesure que les concrétions plus petites augmentent de grandeur, elles arrivent à se toucher et s’unissent, englobant ainsi les lamelles désormais sans usage ; et ainsi, pas à pas, il était possible de suivre la formation des concrétions les plus grandes. Pourquoi cette formation a-t-elle toujours lieu dans les deux glandes antérieures, et n’a-t-elle lieu que rarement dans les quatre glandes postérieures, c’est ce qu’on ignore complètement. Morren dit que ces glandes disparaissent pendant l’hiver, et j’en ai vu quelques exemples ; dans d’autres cas, ou bien les glandes antérieures, ou les postérieures étaient si ratatinées et si vides à cette saison, qu’on avait beaucoup de difficulté à les distinguer.

Quant à la fonction des glandes calcifères, il est probable qu’en première ligne elles servent d’organes d’excrétion, et que secondairement elles aident la digestion. Les vers consomment beaucoup de feuilles tombées ; et on sait que la chaux continue à s’accumuler dans les feuilles jusqu’à ce qu’elles se détachent de la plante-mère, au lieu d’être réabsorbée par la tige et les racines, ainsi que le sont diverses autres substances organiques et inorganiques[19]. On a trouvé que les cendres d’une feuille d’acacia contiennent jusqu’à 72 pour cent de chaux. Les vers seraient par suite exposés à se saturer de cette base terreuse, s’ils n’avaient pas quelque moyen d’excrétion spécial, et les glandes calcifères sont bien propres à cet usage. Les vers qui vivent dans la terre végétale immédiatement au-dessus de la chaux, ont souvent les intestins remplis de cette substance, et leurs déjections sont presque blanches. Ici il est évident que le calcaire est fourni en quantité surabondante. Néanmoins, chez plusieurs vers recueillis en un tel lieu, les glandes calcifères contenaient tout autant de cellules calcifères libres, et les concrétions dans ces glandes étaient absolument aussi nombreuses et aussi grosses que dans celles de vers qui vivaient là où il y avait peu ou pas de chaux ; ce qui indique que la chaux est une excrétion, et non une sécrétion déversée dans le canal alimentaire dans quelque but spécial.

D’un autre côté, les considérations qui vont suivre rendent fort probable que le carbonate de chaux excrété par les glandes aide le travail de la digestion dans les circonstances ordinaires. Les feuilles engendrent dans le cours de leur décomposition une foule d’acides de différentes espèces, et on les a groupés ensemble sous le terme d’acides de l’humus. Nous aurons à revenir sur ce sujet dans le chapitre cinq, et je me bornerai à dire ici que ces acides ont une action énergique sur le carbonate de chaux. Les feuilles à demi décomposées qui sont avalées en si grande quantité par les vers, pourraient donc, après avoir été humectées et triturées dans le canal alimentaire, produire de ces acides. Chez plusieurs vers, on a trouvé le contenu du canal alimentaire nettement acide, ainsi que le montra le papier de tournesol. Cette acidité ne peut être attribuée à la nature du suc digestif, car le suc pancréatique est alcalin ; et nous avons vu que la sécrétion déversée par la bouche des vers pour préparer les feuilles à être consommées, est aussi alcaline. Il n’est guère possible non plus que l’acidité soit due à de l’acide urique, car le contenu de la partie supérieure de l’intestin était souvent acide. Dans un cas, le contenu du gésier était légèrement acide, tandis que celui de la partie supérieure de l’intestin était plus nettement acide. Dans un autre cas, le contenu du pharynx n’était pas acide, celui du gésier l’était d’une façon douteuse, mais celui de l’intestin était distinctement acide à une distance de 5 cm. au-dessous du gésier. Même chez les animaux herbivores et omnivores, le contenu du gros intestin est acide. « Cela n’est cependant pas causé par quelque sécrétion acide de la membrane muqueuse ; la réaction des parois intestinales, aussi bien dans le gros intestin que dans l’intestin grêle, est alcaline. Il faut donc que cela vienne de fermentations acides en cours dans le contenu lui-même… Chez les carnivores, le contenu du cæcum est, dit-on, alcalin, et naturellement le montant de la fermentation dépendra en grande partie de la nature de la nourriture[20]. »

Chez les vers, non-seulement le contenu de l’intestin est acide, mais les excréments le sont aussi. Trente déjections venant de lieux différents furent examinées, et à l’exception de trois ou quatre, on les trouva toutes acides ; et les exceptions sont peut-être dues à ce que ces déjections n’étaient pas fraîchement déposées ; car quelques-unes qui tout d’abord étaient acides, ne l’étaient plus le matin suivant, après avoir été séchées et humectées de nouveau ; et probablement cela résultait de ce que les acides de l’humus se décomposent facilement, comme on le sait. Cinq déjections fraîches provenant de vers qui vivaient dans de la terre végétale reposant immédiatement sur la chaux, étaient d’une couleur blanche et abondaient en matière calcaire, et elles n’étaient pas acides le moins du monde. Cela montre avec quel succès le carbonate de chaux neutralise les acides intestinaux. En tenant des vers dans des pots remplis de sable fin ferrugineux, il se montra d’une façon manifeste que l’oxyde de fer, dont les grains de silex étaient revêtus, avaient été dissous et rejetés par les vers dans leurs déjections.

Le suc digestif des vers ressemble, comme nous l’avons déjà dit, par son action, à la sécrétion du pancréas des animaux supérieurs ; et chez ces derniers, « la digestion pancréatique est essentiellement alcaline ; elle ne s’opère qu’en présence d’un alcali quelconque ; et l’absence d’un suc alcalin est arrêtée par l’acidification et entravée par la neutralisation[21]. » Il semble dès lors fort probable que les innombrables cellules calcifères déversées par les quatre glandes postérieures dans le canal alimentaire des vers, servent à neutraliser plus ou moins complètement les acides qui y sont développés par les feuilles en voie de décomposition. Ces cellules sont, nous l’avons vu, dissoutes d’une façon instantanée par une petite quantité d’acide acétique, et comme elles ne suffisent pas toujours à neutraliser même le contenu de la portion supérieure du canal alimentaire, la chaux est peut-être agglomérée en concrétions dans la paire de glandes antérieures pour que quelques-unes de ces concrétions soient transportées jusque dans les portions postérieures de l’intestin, où elles seront roulées de part et d’autre au milieu du contenu acide. Les concrétions trouvées dans les intestins et dans les éjections ont souvent l’air d’avoir été altérées, mais quant à savoir si cela est dû à un certain degré d’attrition ou à une corrosion par un agent chimique, c’est ce qu’on ne saurait dire. Claparède pense qu’elles sont formées pour agir comme des pierres de meules et aider ainsi à la trituration des aliments. Il se peut qu’elles jouent accessoirement ce rôle ; mais je suis parfaitement d’accord avec Perrier pour dire que ce rôle doit être d’importance tout à fait secondaire, ce but étant déjà atteint par les pierres qui, en général, se trouvent dans le gésier et les intestins des vers.

  1. Bidrag till Skandinaviens Oligochœtfauna. 1871. (Contribution à la faune des Oligochètes de Scandinavie).
  2. Die bis jetzt bekannten Arten aus der Familie der Regenwürmer. (Espèces jusqu’ici connues de la famille des vers de terre), 1845.
  3. Il y a même quelque raison de croire que cette pression est réellement favorable à la croissance des herbes, car le professeur Buckmann qui a fait beaucoup d’observations sur leur croissance dans les jardins d’expérimentation de l’École Royale d’Agriculture fait la remarque suivante (Gardener’s Chronicle, 1854, p. 619) : « Un autre point dans la culture des herbes sous la forme séparée ou par petites pièces de terre, c’est qu’il est impossible de les passer au rouleau ou de les bien presser sous les pieds, et sans l’une ou l’autre de ces choses, il n’est point de pâture qui reste bonne. »
  4. J’aurai souvent l’occasion de renvoyer à l’admirable mémoire de M. Perrier sur l’« Organisation des Lombriciens terrestres », qui a paru dans les Archives de Zoolog. expér., t. III, 1874, p. 372. C. F. Morren (De Lumbrici terrestri, 1829, p. 14) a trouvé que des vers supportaient l’immersion en été de quinze à vingt jours. mais qu’en hiver ils mouraient dès qu’on les y soumettait.
  5. Morren, De Lumbrici terrestri, etc. 1829, p. 67.
  6. De Lumbrici terrestri, etc. p. 14.
  7. Histolog. Untersuchungen über die Regenwürmer. (Recherches histologiques sur les lombrics). Zeitschrifl für wissenschaft. Zoologie. Bd. XIX, 1869, p. 611.
  8. M. Bridgmann et M. Newmann (The Zoologist, v. VII. 1849. p. 2576) par exemple, et quelques amis qui ont observé les vers pour moi.
  9. Familie der Regenwürmer, 1845, p. 18. (Famille des lombrics).
  10. The Zoologist, vol. VII, 1849. p. 2576.
  11. Familie de Regenwürmer. (Famille des vers de terre), p. 13.
  12. De lumbrici terrestri. p. 19.
  13. Archives de zoologie expérimentale, tome VII, 1878, p. 394.
  14. Au sujet de l’action du ferment pancréatique, consulter : A Text-Book of Physiology, par Michael Foster. 2e édit, pp. 198-203, 1878.
  15. Schmulewitsch, Action des sucs digestifs sur la cellulose. Bull. de l’Acad. imp. de St-Pétersbourg, t. XXV, p. 549, 1879.
  16. Claparède doute que les vers sécrètent de la salive ; voir : Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie, vol. XIX, 1869, p. 601.
  17. Perrier, Archives de Zoolog. expérim. Juillet. 1874, pp. 416-419.
  18. Zeitschrift für wissenschaftl. Zoologie. Vol. XIX, 1869, pp. 603-606.
  19. De Vries, Landwirthl. Jahrbücher, 1881, p. 77.
  20. M. Foster, A Text-Book of Physiology. 2e édition, 1878, p. 243.
  21. M. Foster. Ibid. p. 200.