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Racine et Shakespeare (édition Martineau, 1928)/Appendice III/Chapitre I

La bibliothèque libre.
Texte établi par Henri MartineauLe Divan (p. 272-274).
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Appendice III — Du romanticisme dans les Beaux-arts.


CHAPITRE PREMIER
Le romanticisme nell’architectura.
Marzo 1819.
25 février 1819.
L’architecture.

Le romanticisme s’étend jusqu’à l’architecture. Par exemple les colonnes engagées qui sont à la façade du théâtre de la Scala sont du classicisme ridicule. Le portique qui est fait pour que les dames puissent descendre à l’abri lorsqu’il pleut est du romanticisme. Il est vrai que ce romanticisme pourrait être moins grossier et plus élégant. Vous sentez que si l’architecture grecque, qu’on imite jusqu’à Saint-Pétersbourg et Édimbourg, avait été inventée sous le climat de la Hongrie, elle serait plus conforme à nos besoins. Comme je ne veux pas ennuyer le public d’un gros livre, et que d’ailleurs le public n’est pas encore mûr pour ces sortes d’idées, j’abandonne tous les développements à la sagacité du lecteur qui, pour peu qu’il réfléchisse, verra tout le ridicule des colonnes engagées, que l’on reproduit sans cesse parmi nous. Loin d’engager nos colonnes dans le mur, c’est de bons et larges portiques comme ceux de l’Archevêché que nous aurions besoin à Milan[1].


2 mars 1819.
Suite de l’architecture.

Les temples grecs étaient de petits édifices où le sacrifice devait s’opérer, c’étaient des espèces d’autels. Les temples chrétiens ou basiliques sont de vastes édifices destinés à mettre à couvert les fidèles[2].

Une des meilleures absurdités des architectes classicisti a donc été de vouloir dans les églises modernes imiter les temples anciens. La destination matérielle des édifices étant différente, c’est comme si l’on voulait construire un tonneau sur le modèle d’un verre.

De plus l’esprit des religions est opposé. La mythologie était une fête continuelle pour les mortels. Vénus et Bacchus divinisaient tous les plaisirs. Elle disait aux hommes : jouissez et faites jouir. Notre sainte religion leur dit : Rappelez-vous que multi sunt vocati pauci vero electi. Songez à éviter l’enfer et mortifiez vos sens.

Un temple chrétien, en tout, le contraire d’un temple grec, doit mettre à couvert beaucoup d’hommes et inspirer la terreur. C’est pour cela que notre Dôme de Milan comme église chrétienne est très supérieur à Saint-Pierre de Rome, qui est trop gai et qui manque totalement de la sombre horreur.

Remarquez que Michel-Ange, qui avait fort bien compris la différence de notre religion et de la mythologie, a été romantique en introduisant dans Saint-Pierre de Rome, qui du reste est païen et gai, la sombre coupole imitée du gothique qui est la véritable architecture de notre religion. Rien ne prête plus à la terreur qu’un grand édifice à coupole où le spectateur a toujours sur la tête la preuve de la puissance immense qui a bâti.

Le défaut de notre dôme c’est que, une fois entré dans l’église, la coupole s’aperçoit à peine. En ce sens San Celso est mieux.

D’ailleurs il faudrait qu’au Dôme, le grand autel fut absolument isolé. Tous les ornements dont il est entouré sont jolis ou beaux et, comme tels, détruisent la terreur. Il ne faut pas que le Commendatore nel Don Giovanni fasse des roulades en répondant à l’invitation à souper du jeune libertin. Je m’arrête. Pauca intelligenti.


  1. Autre erreur du même genre : l’on va cacher la statue d’Appiani, de ce grand peintre, honneur des temps modernes et de la Lombardie, dans un coin de la Brera, au lieu de la mettre au lieu le plus fréquenté de la ville, au beau milieu du bastion de la porte Renze. Pourquoi cela ? C’est qu’il faut imiter ce qu’ont fait nos pères qui mettaient les statues dans les églises au lieu de chercher franchement ce qui nous est le plus agréable. L’étranger qui ne fait que passer, le jeune homme qui va monter son cheval anglais à la porte Renze, verrait les honneurs que la Lombardie sait rendre à un grand homme.
  2. Vedi il Viaggio in Italia del’inglese Eustace. Questo viaggiatore che vidde la nostra Italia nell 1802 era un ultra pieno di pregiudizii ma un classicista dottissimo.