Racine et Shakespeare (édition Martineau, 1928)/Racine et Shakspeare II/Avertissement

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Texte établi par Henri MartineauLe Divan (p. 57-61).
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Racine et Shakspeare II

RACINE
ET SHAKSPEARE
No II

OU

RÉPONSE AU MANIFESTE
CONTRE LE ROMANTISME

PRONONCÉ
PAR M. AUGER DANS UNE SÉANCE SOLENNELLE DE L’INSTITUT.

DIALOGUE
le vieillard. — « Continuons. »
le jeune homme. — « Examinons. »
Voilà tout le dix-neuvième siècle.
1825


AVERTISSEMENT




Ni M. Auger ni moi ne sommes connus ; tant pis pour ce pamphlet. Ensuite, il y a déjà neuf ou dix mois que M. Auger a fait contre le romantisme la sortie emphatique et assez vide de sens à laquelle je réponds. M. Auger parlait au nom de l’Académie française ; quand j’eus terminé ma réplique, le 2 mai dernier, j’éprouvai une sorte de pudeur à malmener un corps autrefois si considéré et dont Racine et Fénelon ont été membres.

Nous avons au fond du cœur un singulier sentiment en France, et dont je ne soupçonnais pas l’existence, aveuglé que j’étais par les théories politiques de l’Amérique. Un homme qui veut une place met une calomnie dans les journaux ; vous la réfutez par un modeste exposé des faits : il jure de nouveau que sa calomnie est la vérité, et signe hardiment sa lettre ; car, en fait de délicatesse et de fleur de réputation, qu’a-t-il à perdre ? Il vous somme de signer votre réponse ; là commence l’embarras. Vous aurez beau donner des raisons péremptoires, il vous répondra ; il faudra donc encore écrire et signer, et peu à peu vous vous trouverez dans la boue. Le public s’obstinera à vous voir à côté de votre adversaire.

Eh bien ! en osant plaisanter l’Académie sur la mauvaise foi du discours qu’elle a mis dans la bouche de son directeur, j’ai craint d’être pris pour un effronté. Je ne veux pas être un de ces hommes qui attaquent les choses ridicules que les gens bien nés sont convenus de laisser passer sans mot dire dans la société.

Au mois de mai dernier, cette objection contre la publication de ma brochure romantique me parut sans réplique. Heureusement l’Académie s’est laissée aller depuis à un choix si singulier, et qui trahit tellement l’influence de la gastronomie[1], que tout le monde s’est moqué d’elle. Je ne serai donc pas le premier : au fait, dans un pays où il y a une opposition, il ne peut plus y avoir l’Académie française ; car jamais le ministère ne souffrira qu’on y reçoive les grands talents de l’opposition, et toujours le public s’obstinera à être injuste envers les nobles écrivains payés par les ministres, et dont l’Académie sera les Invalides.


  1. Les membres de la Société de la Fourchette se réunissaient à table chaque semaine. Plusieurs étaient de l’Académie, ils y nommèrent les autres. C’est ainsi que Droz venait d’être élu contre Lamartine. N. D. L. É.