Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 07

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 56-60).


CHAPITRE VII.


DE LA CONFESSION QUE L’ON DOIT FAIRE A LA MESSE, OU DU CONFITEOR.


I. Le prêtre ou l’évêque, avant de monter les marches de l’autel et avant de se préparer à offrir le saint sacrifice, rentrant en lui-même, s’incline devant l’autel, pour symboliser l’abaissement du Christ, qui abaissa les cieux et descendit (Psal. xvii), pour se réduire à néant, en prenant la forme d’un esclave. Le prêtre considère alors que, comme le dit Salomon, le juste s’accuse lui-même le premier, et, confiant en cette parole de consolation du Prophète : « J’ai dit : Je déclarerai au Seigneur et confesserai contre moi-même mon injustice ; et tu m’as aussitôt remis l’impiété de mon péché » (De pœn., dist. I, Dixi), il se confesse de tous ses péchés en général avec les assistants. Il dit d’abord, à cet effet, comme l’a ordonné le pape Célestin (I, q. i), un psaume qui se rapporte parfaitement à sa confession, et qui commence ainsi : « Juge-moi, « ô Dieu ! etc., » afin que, séparé de la race impie et délivré de l’homme inique, il puisse être trouvé digne de monter à l’autel. Il demande d’être délivré de la tentation et d’être illuminé de la grâce, comme on le voit dans ce même psaume. Il demande aussi à Dieu de lui donner ce qu’il va offrir, c’est-à-dire son Fils ; car, s’il ne lui donnait pas une victime comme il en envoya une à Abraham, il n’aurait rieh à lui présenter.

II. Il fait sa confession pour devenir plus pur et pour monter à l’autel sans souillure. Sur quoi il est à remarquer qu’il ne faut pas blesser les consciences des auditeurs (comme le font quelques-uns avec trop peu de soin), mais confesser ses péchés en général, parce que cet aveu n’est pas secret, mais manifeste et public, comme quand les prêtres disaient, dans le temple consacré à Dieu par Salomon : « Confessez le Seigneur, parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde éclate dans tous les siècles. » Alors une nuée remplit la maison du Seigneur et voila la face des prêtres, de telle manière qu’ils ne pouvaient se voir l’un l’autre. Et Salomon dit : « Le Seigneur a dit qu’il habitait dans les nuées, et il l’a prouvé ; car, sur le mont Sinaï, il apparut dans une nuée ; il marcha devant Israël dans une nuée, et il passa dans une nuée devant Moïse, qui était entré dans une caverne. »

III. Nous nous frappons lu poitrine lorsque nous confessons nos péchés, à l’exemple du publicain, qui frappait la sienne en disant : « Seigneur, sois-moi propice, parce que je suis un pécheur. » Dans l’action de se frapper la poitrine il y a trois choses : le coup, le son et le toucher, qui symbolisent elles-mêmes les trois qualités qui sont nécessaires pour avoir un vrai repentir, savoir : la contrition du cœur, la confession orale et les œuvres satisfactoires ; car nous péchons de trois manières : de cœur, de bouche et d’action. Ensuite, le prêtre prie pour ceux qui l’entourent, en implorant le pardon de leurs péchés ; car le Christ, en venant du sein de son Père au monde, et de celui d’une Vierge vers les patriarches, dont les soupirs multipliés l’appelaient ici-bas, entra à Jérusalem pour souffrir à notre intention. Il s’inclina sur la montagne des Oliviers, remettant à Dieu sa cause pour qu’il la défendît contre l’homme rusé et inique, et il se confessa à son Père, en disant : a Père du ciel, je te confesse, etc. » Lui aussi, plein d’indulgence pour nous, il a pris et porté sur son propre corps le fardeau de nos péchés.

IV. C’est avec raison que, devant l’autel, le diacre met le manipule au pontife qui doit faire sa confession[1]. Premièrement, pour marquer qu’il doit recevoir et administrer les charges temporelles qui lui sont accordées par une main étrangère, comme celle du sous-diacre ou d’un autre, et non par sa propre main. Secondement, pour indiquer que la confession de bouche est insuffisante si elle n’est suivie du fruit des bonnes œuvres, que représente le peuple. Troisièmement, afin que, se voyant parer pendant la fonction la plus basse du ministère, il soit humble d’esprit. Le pontife ne met pas le manipule avant la chasuble, mais après, parce que le Christ, dont il offre le type, n’a pas recueilli les gerbes (manipulos), récompense de ses labeurs, que désigne le manipule (manipulus), avant d’avoir mené la vie du ciel que figure la chasuble, comme on l’a dit dans la troisième partie, à l’article de la Dalmatique. Le prêtre, au contraire, met le manipule avant la chasuble, parce qu’il ne peut atteindre la vie du ciel avant d’avoir joui du fruit des œuvres des saints. Le pontife, avant de monter à l’autel, reçoit le manipule, pour marquer que nous ne recevrons enfin la récompense réelle des bonnes œuvres que lorsque nous aurons paru devant le tribunal du juge éternel.

V. Le prêtre, pendant la récitation du Confiteor, et souvent pendant la célébration de la messe, joint ses mains, action qui est le symbole de la dévotion. Et, comme la dévotion est plus grande dans l’un et moindre dans l’autre, on n’a pas déterminé d’une manière certaine le nombre de fois qu’on doit joindre les mains. Les mains jointes signifient encore, de la part du prêtre, l’union et l’harmonie de tous les biens qui coulent de Dieu en lui. Et, parce que ces biens infinis peuvent procéder de Dieu de façons infinies et indéterminées, voilà pourquoi l’on n’a pas déterminé le nombre de fois que le prêtre doit joindre ses mains.

VI. Quant aux inclinaisons du prêtre pendant la célébration de la messe, elles sont restreintes à un nombre certain, d’après l’usage de quelques églises ; car, régulièrement, le prêtre s’incline huit fois profondément devant l’autel, et treize fois légèrement sur l’autel même. Les huit profondes inclinaisons devant l’autel sont pour rendre grâces au Christ des huit choses principales qu’il fit avant son immolation, que le prêtre figure par la célébration de la messe. La première fut son admirable incarnation. La seconde, la vocation gratuite de ses disciples. La troisième, la défaite du démon dans les tentations. La quatrième, l’opération des miracles. La cinquième, la guérison des malades. La sixième, la résurrection des morts. La septième, la résolution de toutes les questions et de toutes les propositions par sa sagesse. La huitième, l’instruction des peuples, pour leur apprendre à faire leur salut. Tout ce qu’il fit avant son immolation paraît se rapporter à ces huit choses, selon [saint] Bernard.

VII. Pour ce qui est des treize moindres inclinaisons que le prêtre fait sur l’autel, elles se rapportent aux treize actions que le Christ fit sur l’autel de la croix, lorsqu’il en prit possession pour tout le temps de sa passion, qui commence à l’heure où il fut pris. La première, ce fut la douce réprimande qu’il adressa au traître, en lui disant : « Judas, tu trahis et tu livres le Fils de l’homme par un baiser ? » La seconde fut lorsqu’il se livra lui-même prisonnier, en disant aux soldats : « Qui cherchez-vous ? — Jésus de Nazareth. — C’est moi. » La troisième fut sa réponse pleine de mansuétude aux faux témoins et aux rois. La quatrième, le support des crachats et des coups sans murmurer. La cinquième, en ce qu’il vit et qu’il entendit, sans se troubler lui-même et sans troubler les autres. La sixième, le pardon de la faute du disciple qui l’avait renié trois fois. Les sept autres sont énumérées par [saint] Ambroise, comme ayant été accomplies sur l’arbre de la croix. Ce saint docteur dit : « L’auteur de la miséricorde, suspendu à la croix, y faisait le partage des charges et des offices ; il léguait la persécution à ses apôtres, la paix à ses disciples, son corps aux Juifs, son esprit à son Père, un protecteur à la Vierge, le paradis à un larron, et l’enfer à un pécheur. » Les baisers sont aussi fixés à un nombre réglé, comme on le dira à l’article de la quatrième particule du Canon.

  1. La Rubrique du Missel marque que l’évêque qui dit la messe prend le manipule après la formule : Indulgentiam, absolutionem, etc., qui termine le Confiteor du peuple. C’est un reste de l’ancien usage qui était observé non-seulement par les évêques, mais encore par les prêtres. La raison de cet usage est qu’autrefois les chasubles, n’étant pas échancrées comme à présent, elles couvraient tout le corps ; et l’on allait ainsi à l’autel, tout le corps enveloppé comme dans un sac, sans que les bras parussent. Mais avant ou après le Confiteor (Ordo rom., xiv, p. 294 et 296), avant que de monter à l’autel, on retroussait la chasuble sur le haut des bras à l’évêque ou au prêtre, afin qu’il pût agir librement ; et alors on lui mettait sur le bras gauche le manipule, qui aurait été inutile et embarrassant auparavant. Les évêques ont conservé cet usage. Il semble qu’ils pourraient prendre présentement le manipule, comme les prêtres, après l’aube et la ceinture, parce que toutes les chasubles sont également échancrées ; mais lorsqu’ils officient pontificalement, le manipule pourrait s’embarrasser dans les manches de la tunique et de la dalmatique, qu’ils prennent alors avant que de revêtir la chasuble.