Rational (Durand de Mende)/Volume 2/Quatrième livre/Chapitre 26

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 2p. 168-170).


CHAPITRE XXVI.
DE LA PRÉDICATION.


I. Comme, ainsi que nous l’avons dit ci-dessus, l’évangile est une prédication, et le symbole une profession de foi, voilà pourquoi, après ce dernier, on prêche au peuple la parole de l’évangile et du symbole, ou bien on lui explique le Nouveau et l’Ancien-Testament. Cet usage est tiré du livre de Néhémie, au commencement duquel on lit ces mots : « Les lévites lurent dans le livre de la loi. » Néhémie, prêtre de Dieu, et Esdras, docteur de la loi, expliquaient toutes choses au peuple. En outre, anciennement on avertissait ceux qui avaient de la haine contre leurs frères de se raccommoder avant de communier, et d’être purs devant leur Sauveur, qui connaît le secret des cœurs. De cet usage prit naissance dans l’Église celui de prêcher. De là vient aussi que la prière que l’on dit à prime et aux autres heures à voix basse se dit à la messe à haute et intelligible voix, parce qu’elle renferme une sorte d’admonition fraternelle. Cependant on chante communément le symbole après la prédication, parce que l’Église s’engage par là à observer la foi qu’on vient de prêcher.

II. Et, comme la charge de prêcher est un privilège, nul ne doit prêcher s’il n’en a reçu commission, ou si cela n’entre pas dans ses attributions, selon cette parole de l’Apôtre : « Com « ment les prédicateurs prêcheront-ils, s’ils ne sont envoyés ? » Extra De hæreticis, cum ex injuncto). Et voilà pourquoi celui qui doit prêcher en demande la permission, en disant : « Bénis-moi. Seigneur. »

III. Le prédicateur doit se placer sur un lieu élevé, comme le diacre lorsqu’il lit l’évangile, et cela pour les raisons indiquées au chapitre de l’Évangile : « Jésus, voyant tout ce peuple, monta sur une montagne, et, ouvrant sa bouche, il les enseignait. » Et Esdras fit élever un marche-pied pour parler devant le peuple, comme on l’a dit dans la première partie, au chapitre de l’Église, où l’on traite du pupitre.

IV. Le prédicateur doit pourtant dire avec humilité ce qu’il enseigne ; et, selon saint Grégoire ( xlvi d., Habet, in fin.), prêchera-t-il avec l’orgueil dans le cœur contre ce vice qu’il cherche à faire disparaître par de saintes paroles du cœur de ses auditeurs ? Et, selon saint Ambroise, la prédication chrétienne ne doit pas être dépouillée de la pompe et de l’ornement du discours. Selon saint Grégoire, le prédicateur doit aussi savoir discerner ce qu’il ne faut pas dire de ce qu’il est utile de dire, afin qu’il ne dise pas ce qu’il faudrait taire, et pour qu’il ne taise pas ce qu’il faudrait dire (xliii d., Si rector.). Il y en a cependant quelques-uns qui, oubliant cet enseignenent, perdent et noient en quelque sorte leurs auditeurs, comme dit Bède (II, q. vii, Secuti sunt), en leur prêchant, non pas ce qui les sauverait et les corrigerait, mais ce qui leur plaît et les trompe. D’autres, par contraire, selon saint Grégoire (xlix dist., Hinc et enim ; VIII, q. i, Oportet ; xliii dist., § fin.), ne voulant pas s’acquérir la réputation d’hommes sans esprit, se fatiguent souvent à certaines recherches plus qu’il ne faudrait, et, par une subtilité immodérée, ils remplissent leurs prédications de secrets et de mystères que ne comprennent pas les simples. Or, il faut que celui qui enseigne et instruit les autres se mette au niveau de ses écoliers et parle de manière à être compris de ceux qui l’écoutent ; car celui qui enseigne des choses que ses auditeurs ne peuvent comprendre, ne parle pas pour leur être utile, mais pour flatter sa vanité, afin de paraître savoir beaucoup de choses, ou bien par flatterie, afin de plaire à ses auditeurs, en leur révélant des choses cachées. Sur quoi l’Apôtre dit : « Le Christ m’a envoyé pour prêcher, mais sans employer la science et la sagesse de la parole. » Dans le Concile de Carthage (De consec., di. i, Sacerdote), il fut statué que l’on interdirait la parole au prêtre qui, prêchant dans une église, sortirait des bornes de l’intelligence de son auditoire, cela étant considéré comme une marque de mépris qui mérite l’excommunication.

V. Après la prédication, on fait la confession et on accorde l’indulgence pour les péchés commis et pour les omissions, afin que nous soyons ainsi rachetés par l’aveu de nos consciences, selon cette parole du Prophète : « Je roulais dans mon esprit plusieurs pensées. » Puis, que tous s’approchent l’un après l’autre du sacrement de tous les fidèles, qu’ils doivent recevoir à la messe, soit sous les espèces sacramentelles, soit en esprit. La communion spirituelle a lieu par la foi, qui opère en nous par l’amour, selon cette parole d’Augustin : « Crois et tu mangeras » (De consec., dist. ii, Ut quid).