Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 08

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Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 45-48).


CHAPITRE VIII.
DE LA CHAIRE DE SAINT PIERRE.


I. L’Église solennise la fête de la Chaire de saint Pierre, honneur qu’il obtint à Antioche, sur le siège de laquelle ville on rapporte qu’il fut élevé. Certains prétendent qu’il fut promu à cette dignité par Théophile, prince d’Antioche, dont Pierre ressuscita le fils, mort à l’âge de quatorze ans. Pierre convertit aussi le peuple de la ville, qui, à cause de cela, y éleva une église au milieu de laquelle on plaça une chaire élevée, et il y intronisa l’Apôtre qui, ainsi élevé, pouvait être entendu et vu de tout le monde. Il y siégea pendant sept ans. L’Église donc fait la solennité de cet honneur rendu à Pierre, parce que c’est alors que les prélats de l’Eglise commencèrent à avoir des places de distinction et à recevoir les honneurs dus à leur dignité. Alors fut accomplie cette parole du Psalmiste : « Que l’on relève sa gloire dans l’assemblée du peuple, etc. » Et remarque que Pierre fut élevé ou exalté de trois manières ; c’est pourquoi on lui fait une triple fête.

II. Premièrement, il fut exalté dans l’Église militante, dont il fut le chef et qu’il gouverna d’une manière digne d’éloges dans la foi et dans les mœurs ; et c’est à cette élévation que se rapporte la festivité de ce jour, comme on l’a dit. Secondement, dans l’église ou l’assemblée des malveillants et des impies, savoir en les dispersant et en les convertissant à la foi. C’est à cela que se rapporte la seconde fête qui est dite : ad vincula [aux liens] (la Saint-Pierre-aux-Liens) ; car alors il dissipa l’église des malveillants, et convertit un grand nombre d’hommes à la foi. Troisièmement, dans l’Église triomphante, savoir en y entrant heureusement, ce à quoi a rapport la troisième fête, c’est-à-dire celle de son martyre ou de sa passion.

III. On lui fait encore une triple fête pour cinq autres raisons. Premièrement par privilège, car il fut privilégié par-dessus tous les autres ; et c’est pourquoi il est plus honoré et en plus grande considération, car il fut le Prince des apôtres et reçut les clefs du royaume des cieux. Son amour pour le Christ fut aussi plus ardent et son pouvoir plus efficace, car son ombre guérissait les malades. Secondement, à cause de sa charge ou dignité ; car il a eu la dignité ou la charge de prélature sur l’Église universelle, prélature qui se répandit sur les trois parties du monde, savoir l’Asie, l’Afrique et l’Europe. C’est pour cela que l’Église célèbre pendant l’année trois solennités en l’honneur de saint Pierre. Troisièmement, à cause de ses bienfaits, parce que cet apôtre, qui eut le pouvoir de lier et de délier, nous délivre de trois genres de péchés, savoir des péchés de pensées, de paroles et d’actions, ou parce que nous péchons envers Dieu, envers le prochain et envers nous-mêmes ; ou bien ce bienfait peut être un triple bien que le pécheur acquiert dans l’Eglise par la vertu ou le pouvoir des clefs. Le premier est l’absolution du reat [reatus] ou de la coulpe. Le second est la commutation de la peine du purgatoire en peine temporelle. Le troisième est la rélaxation en partie de la peine temporelle. Quatrièmement, à cause de la dette, savoir parce que Pierre donna et nous donne une triple pâture, celle de la parole, celle de l’exemple et celle du secours temporel. Cinquièmement, à cause de l’exemple, afin que personne ne désespère, quand même il aurait renié le Christ trois fois, comme Pierre, pourvu qu’il veuille aussi, comme Pierre, confesser Dieu de cœur, de bouche et par les œuvres.

IV. Il ne faut pas omettre que cette fête de l’Intronisation de saint Pierre était autrefois appelée la fête du festin (epularum) du bienheureux Pierre. Car c’était autrefois un usage chez les Gentils, d’après maître Jean Beleth, chaque année au mois de février, d’offrir en ce jour à Dieu du vin et des mets sur le sépulcre de ses parents, mû peut-être par ce précepte de Tobie (liv. iii) : « Place ton pain et ton vin sur la sépulture du juste ; » lesquels mets étaient mangés pendant la nuit par les démons. Cependant les païens pensaient que ces mets étaient absorbés par les âmes errant autour des sépulcres, et qu’ils nommaient ombres. Les saints Pères, voulant abolir cet usage, décrétèrent que l’on célébrerait la fête de l’Intronisation (incathedratio) de saint Pierre, tant de celle qui eut lieu à Rome que de celle d’Antioche, en ce même jour où les Gentils observaient ces cérémonies. C’est de ces mets que la coutume est venue d’appeler cette fête Festum epularum beati Petri « Fête des mets du bienheureux Pierre. » Cependant, en ce jour, on ne dit qu’une collecte qui a trait à l’intronisation faite à Antioche.

V. Or, on dit l’épître Petrus apostolus (I saint Pierre, chap. i). L’évangile est : Venit Jesus in partes (Mathieu, chap. xvi). Le trait est : Tu es Petrus (Math., chap. xvi). Aux heures, on dit Petrus apostolus (1 saint Pierre, chap. i). À la fête du bienheureux Mathias, apôtre, on dit l’épître Exurgens Petrus in medio (Act. des Apôtres, chap. I), et l’évangile est : Confitebor tibi, Pater.