Recherches sur les végétaux nourrissans/Article XXIX

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Antoine Parmentier
Article XXIX —
Les Farineux ſous la forme de Pain,
paroiſſent être la nourriture la plus analogue à l’Eſpece humaine.


des uns & des autres que dans des proportions relatives.


Article XXIX.


Les farineux, ſous la forme de Pain, paroiſſent être la nourriture la plus analogue à l’eſpèce humaine.


L'expérience conſtante de tous les âges, a démontré qu’il n’eſt pas de nourriture plus propre à prolonger la durée de la vie, que celle à laquelle on eſt accoutumé dès l’enſance ; or ce ſont les végétaux qui ſuccèdent ordinairement au régime lacté, & l’on ſait que dans leur nombre, les farineux particulièrement, ont toujours été préférés par les hommes & par les animaux de toutes les contrées de la Terre.

On compare aſſez ordinairement la compoſition phyſique du chyle à celle du lait ; cette dernière liqueur quoique provenant de femelles carnivores ou frugivores, contient des principes dont la nature a beaucoup d’analogie avec ceux de la farine, une ſubſtance muqueuſe, du ſucre & une matière extractive. Si on abandonne à l’air libre, de la farine étendue dans l’eau, elle fermente bientôt & contracte la même odeur & le même goût que du lait aigre : ces deux ſubſtances traitées d’une certaine manière, fourniſſent chacune ſéparément par la diſtillation, de l’eau-de-vie, boiſſon délicieuſe pour les Tartares & les habitans du Nord ; le lait rapproché ſous forme sèche & jeté ſur un charbon rouge, exhale une odeur animale : ils donnent l’un & l’autre par l’analyſe à feu nu, des produits à peu-près ſemblables, beaucoup d’acide, peu d’huile & de l’alkali volatil ſur la fin de l’opération ; enfin on trouve dans les deux cornues un réſidu charbonneux luiſant, qui s’incinère difficilement & offre des preuves d’alkalicité.

Il eſt bien certain que les autres ſubſtances végétales n’ont pas dans leur conformation avec le liquide laiteux qui va s’aſſimiler & ſe convertir en ſang, des rapports & un caractère auſſi marqué que les farineux ; portons les regards plus loin, & nous verrons que c’eſt par leur moyen qu’on parvient à engraiſſer les animaux de toute eſpèce & à leur donner une vigueur propre aux travaux forcés que nous exigeons d’eux : conſidérons de plus cette foule innombrable d’êtres qui voltigent dans l’air, nagent dans l’eau & reſpirent ſur la terre, & nous apercevrons avec quelle avidité ils ſe jettent ſur les farineux ; enfin ce goût eſt ſi naturel a l’homme & en même temps ſi impérieux qu’il va les chercher juſque dans les Plantes vénéneuſes.

Par-tout où les ſemences farineuſes ne ſont pas le fondement de ſa nourriture, ce ſont des racines également farineuſes qui en ſont la baſe, & lorſque les unes & les autres manquent, c’eſt dans les Plantes ſauvages que nous cherchons une matière nourriſſante qui leur eſt analogue : l’acide doux que les farineux portent dans nos humeurs, empêche leur diſpoſition à la putréſaction, & ſi la viande n’occaſionne pas des déſordres dans l’économie animale, c’eſt à eux que nous en avons l’obligation ; telles ſont les expreſſions d’Huxham & de beaucoup d’autres Médecins de la même réputation.

Maintenant, ſi nous examinons avec la même impartialité quelle préparation paroît convenir le mieux aux farineux pour en former un comeſtible ſalutaire & commode ; nous verrons que celle d’après laquelle ils ſont transformés en pain eſt ſans contredit la plus parfaite, puiſqu’en cet état ils ſont recherchés par l’homme de toutes les contrées, ainſi que par les différentes eſpèces d’animaux : quadrupèdes, volatils, reptiles, poiſſons, tous ſe jettent avec avidité ſur le pain, enfin c’eſt de tous les alimens le plus commode ; le ſoldat à l’armée, le matelot en mer, le voyageur en route, le journalier qui va travailler loin de chez lui, trouvent dans le pain une reſſource qu’aucune autre ne ſauroit ſuppléer : entrons dans quelque détail à ce ſujet.

J’ai déjà avancé dans les Avertiſſemens qui précèdent le Parfait Boulanger & le Traité de la Châtaigne, ainſi que dans les Diſcours que nous avons prononcés M. Cadet de Vaux & moi à l’ouverture de l’École gratuite de Boulangerie, que les ſemences farineuſes ſemblent avoir été les premiers alimens ; que d’abord elles furent mangées ſans aucun apprêt, mais qu'inſenſiblement l’induſtrie en avoit perfectionné la nourriture ſous la forme de gruaux & de bouillie, puis ſous celle de galette & de pain ; que bien loin que le grain pour arriver à l’état de pain fût dénaturé dans ſes propriétés alimentaires, les changemens ſucceſſifs qu’il avoit éprouvés, étoient autant de pas vers la perfection ; que s’il étoit poſſible que le luxe eût influé ſur cet objet, on pouvoit dire que pour la première fois l’Homme & la Plante n’avoient rien perdu aux ſoins de cet ennemi de l’aiſance ; qu’enfin il étoit inconteſtablement démontré que la farine dans ſon paſſage à la fermentation & à la cuiſſon, acquéroit du volume, du poids, & profitait encore d’un tiers au moins du côté de l’effet nutritif, ſans compter beaucoup d’autres avantages, comme d’offrir une nourriture plus ſavoureuſe, plus digeſtible, plus commode & plus économique.

Ce ſont ces circonſtances reconnues & avouées par tous ceux auxquels le pain ſert de nourriture fondamentale, qui m’ont fait ſouvent avancer, que l’aliment le plus analogue à l’eſpèce humaine, devoit exiſter parmi les farineux, & que la panification étoit préciſément le ſecours que la Nature demandoit à l’Art pour perfectionner & accomplir ſon ouvrage.

L’Art ſi utile de préparer le pain, eut en effet des commencemens fort groſſiers ; les degrés qu’on pourroit marquer entre du blé entier & crud, de la pâte levée & cuite, ſont infinis : il n’y a pas autant de diſtance du moût au vin, que de la farine au pain, parce que le grain eſt privé de toute humidité néceſſaire pour entrer en fermentation, au lieu que le raiſin en a plus qu’il ne lui en faut ; la différence qu’il y a encore, c’eſt que le ſuc de ces baies nourrit moins avant qu’après la fermentation, par la raiſon que dans cette opération la matière muqueuſe ſucrée change en partie de nature & de propriétés ; au lieu d’être nutritive & émolliente, elle devient tonique & ennivrante : c’eſt le contraire pour le grain, dont la viſcoſité eſt à la vérité également détruite ; mais dans ſon paſſage à la panification, la ſubſtance alimentaire n’a éprouvé d’autres changemens que ceux de la combinaiſon, de la cuiſſon & un plus grand développement.

Les grains entiers & cuits, ou bien la farine en gruaux ou ſous la forme de bouillie, demandent toujours quelques correctifs, comme la torréfaction, ou des mélanges particuliers, afin d’en faciliter la digeſtion, & de prévenir les vents & les flatuoſités que leur uſage cauſe à certains tempéramens ſecs. La farine, mêlée avec de l’eau, réunie en maſſe, & expoſée auſſitôt au four ou ſous la cendre, ne préfente non plus qu’une maſſe lourde, ſerrée & viſqueuſe ; mais l’opération du pain change entièrement les farineux : un pétriſſage bien exécuté introduit dans la pâte une grande quantité d’eau & d’air, atténue & diviſe les parties conſtituantes, les pénètre juſqu’aux plus petites parcelles : une fermentation douce & graduée leur fait occuper plus de volume ; une cuiſſon les réunit & les combine au point de ne plus offrir qu’un tout homogène, agréable & diſſoluble, tandis que la bouillie préſente tout le contraire, un magma gluant & inſipide, que les ſucs de l’eſtomac ne pénètrent & n’attaquent qu’avec beaucoup de peine, qui paſſe bientôt en maſſe & par ſon poids dans les entrailles.

Si la bouillie de froment, telle qu’on la prépare ordinairement, eſt lourde & indigeſte, ſi elle fatigue l’eſtomac des hommes formés & robuſtes ; de quels inconvéniens ne doit-elle pas être ſuſceptible pour les enfans dont les organes ſont encore ſi foibles & ſi délicats ! c’eſt cependant de cette manière de les nourrir dans leur première jeuneſſe, que dépendent les maladies auxquelles ils ſuccombent ſi ſouvent avant d’arriver à l’état adulte : les Médecins ne ceſſent d’élever la voix contre ce genre de nourriture, & je ne puis ſonger à un aliment auſſi fatigant, ſans rappeler aux mères qui allaitent leurs enfans, les dangers auxquels elles expoſent leurs nourriſſons, & les engager à ſubſtituer à la bouillie le pain fermenté, délayé dans l’eau, dans le lait, ou dans le bouillon ſous la forme de panade, nourriture qui réussit merveilleuſement bien au premier âge & à la décrépitude.

Mais ſi on ne veut pas renoncer à l’uſage de la bouillie pour les enfans, & qu’on s’obſtine à ne pas la remplacer par la panade, qu’elle ſoit au moins préparée avec l’orge, le maïs, le ſarraſin, la farine de riz ou l’amidon, toutes ſubſtances dans leſquelles on ne trouve point cette glutinoſité ſi eſſentielle à la fabrication du pain, mais ſi préjudiciable à l’effet de la bouillie : ainſi la farine qui fournit le meilleur pain, ſera celle dont on préparera la plus mauvaiſe bouillie.

Dans la liſte nombreuſe des ſubſtances alimentaires que l’eſtomac de l’homme eſt en état de digérer ſans que jamais il en réſulte d’inconvéniens, le pain mérite d’occuper la première place ; il y a même tout lieu de conjecturer que chez les différens peuples où cet aliment ne conſtitue pas la nourriture principale, les pâtes & les bouillies qui le remplacent, ſont préparées avec des farineux qu’on aura vainement eſſayé de convertir en pain : j’oſe même aſſurer que ſi les tentatives entrepriſes euſſent eu plus de ſuccès, l’uſage de cet aliment auroit fini par être celui de toute la Terre.

Le magnoc, un des plus riches préſens que nos Isles aient reçu de l’Afrique, n’eſt-il pas converti dans ces contrées en galettes ou eſpèce de pain, déſigné ſous le nom de caſſave ! Le maïs, improprement appelé blé de Turquie, inconnu en Europe avant la découverte du Nouveau Monde, ne ſe réduit-il pas en farine à la ſaveur de mortiers de pierre, & n’en ſait-on point une pâte que l’on cuit ſous les cendres.

Quand les Anglois abordèrent par haſard aux Moluques, ne virent-ils pas les habitans ſe nourrir de gâteaux préparés avec la farine que l’on retire de certains palmiers, & que l’on nomme le ſagou ? enfin il n’y a pas juſqu’aux habitans des pays les plus arides, qui privés de grains & de racines, réduiſent les poiſſons dont ils ſe nourriſſent ſous une forme de galette.

Je ſais très-bien que le pain n’a pas exiſté de tous les temps, & qu’il eſt particulier à l’Europe ; les recherches que j’ai faites pour découvrir la date de ſon uſage, les expériences d’après leſquelles j’ai conclu qu’il y avoit des farineux qu’il falloit néceſſairement manger entiers ou ſous la forme de bouillie, le prouvent ſuffiſamment : mais il n’en eſt pas moins vrai de dire que dans l’état préſent des choſes, le pain ne nous ſoit d’une néceſſité indiſpenſable, néceſſité fondée ſur la nature du ſol, les produits de notre climat, & fortifiée par une habitude extrêmement ancienne : d’ailleurs, il eſt démontré que ſi tous les grains, depuis le froment juſqu’au riz, pouvoient ſe prêter au mouvement de fermentation, le pain ſeroit la nourriture de tous les pays, de tous les climats & de tous les peuples.

La divinité accordée à ceux qui ont perfectionné le pain ou cultivé la matière première qu’on y emploie, doit ſervir à prouver qu’on regarde cet aliment comme un bienſait de la Nature, le triomphe de l’Art, & le premier de nos alimens ; rien ne prouve mieux d’ailleurs, en faveur de l’efficacité du pain, que de voir juſqu’à quel point il réunit tous les ſuffrages : car, outre qu’il eſt l’aliment ſavori des Européens & de quelques autres parties du Continent, il n’y a pas de nations ſur la table deſquelles on ne ſerve du pain comme une pièce de luxe ou un mets délicat & de ſenſualité.

Je demande toujours à ceux qui ont cherché à calomnier le pain, s’il exiſte un aliment qu’on fabrique avec autant de facilité, qui ſoit moins couteux & plus commode, qu’un ſeul ouvrier puiſſe préparer en deux heures en quantité ſuffiſante pour les beſoins journaliers de quatre cents perſonnes, qu’on peut porter par-tout, confondre avec tout, manger quand & où l’on veut, ſans courir les riſques d’être incommodés. Le riz, dont les Chinois font la baſe de la nourriture, ſeroit peut-être ſupérieur au froment, s’il étoit poſſible d’en faire du pain ou du biſcuit, parce que l’absence de la matière glutineuſe & ſon extrême ſéchereſſe le mettent ſans frais à l’abri de toute altération : mais quelle différence entre les deux alimens que ces grains fourniſſent !

Un Européen ſe propoſe-t-il de faire un voyage de peu de durée, il achète ſon pain, il le met dans ſa poche, & ſa proviſion qui ne l’incommode que par ſon poids, ſe conſerve ſans s’altérer ; s’il ſe deſſeche, s’il devient inſipide, il ne perd nullement de ſes propriétés nutritives ; il conſomme cette proviſion en quelqu’endroit que ce ſoit, fût-ce même dans un bois éloigné de toute habitation.

Le mangeur de riz, au contraire, ne peut ſe nourrir ainſi de ſon grain, quand il ſeroit même réduit en farine ; il eſt obligé de le faire cuire pour le manger, & de l’avaler auſſitôt qu’il eſt cuit, par la raiſon qu’en été peu de temps après ſa cuiſſon, il s’aigrit & prend une ſaveur que le palais répugne : il eſt donc forcé d’emporter avec lui un appareil convenable, de l’eau, du feu, & de renouveler la cuiſſon chaque fois qu’il ſe détermine à prendre un repas ; il faut en outre le manger froid : car Bontius a décrit les maladies qu’il pourroit occaſionner étant chaud, & c’eſt encore en cela que l’uſage du pain mérite la préférence ſur celui du riz.

Mais le pain n’eſt pas ſeulement l’aliment le plus facile à fabriquer, le plus commode à tranſporter & le plus économique dans ſon uſage ; il eſt encore le plus analogue à la conſtitution humaine ; il renferme les différentes parties qui conſtituent eſſentiellement ſa nourriture : pendant la maſtication, il ſe pénètre des ſucs ſalivaires, nettoie les dents & les gencives, acquiert dans la bouche une modification qui le diſpoſe à une bonne & facile digeſtion, tandis que les farineux dans l’état de bouillie, ne ſaiſant que gliſſer à cauſe de leur molleſſe & de leur flexibilité, ne produiſent aucun de ces effets.

Il ſeroit ſans doute bien difficile dans la multitude des ſubſtances qui compoſent notre nourriture, d’en déſigner une qui l’emportât pour la bonté du chyle qu’il fournit, comme le pain ; auſſi beaucoup de Médecins de réputation, permettent-ils avec raiſon à leurs malades, le pain de préférence au biſcuit & à tous les alimens qu’on peut donner pour flatter le palais ; on peut le donner ſec aux enfans & en préparer quelques mets. Enfin le pain n’eſt point un farineux, comme on le prétend, mais une production de l’Art d’autant plus parfaite qu’elle eſt plus homogène & plus analogue à la conformation de nos organes, ſuivant l’obſervation de Geoffroy qui en a ſait l’analyſe chimique.

Après l’uſage du lait, M. de Buchan recommande le pain léger & bien fabriqué : « On peut, dit ce Médecin, donner du pain à un enſant dès qu’il fait paroître de la diſpoſition à mâcher, il eſt même permis de lui en donner en tout temps & autant qu’il aura l’air de s’en occuper ; le pain qu’il met dans ſa bouche aide les dents à percer, il excite la filtration de la ſalive qui ſe mêle dans l’eſtomac avec le lait de la nourrice & concourt à former une bonne digeſtion ; lorſque les Allemandes n’ont pas de lait & qu’elles ne veulent pas confier leurs enfans à des mères étrangères & mercenaires, elles les nourriſſent avec un peu de pain. » Et M. Caſſiny de Thury rapporte dans la Relation de ſon Voyage fait dans cette partie de l’Europe qu’il a vu une foule de ces mères attentives & tendres, dont les enfans ayant été nourris de cette façon, étoient plus robufles que les autres.

Les excès pour ou contre ne devroient jamais ſervir dans aucun cas pour prononcer ſur les propriétés d’une ſubſtance quelconque : en prouvant que l’autorité, ſur laquelle s’appuient les détracteurs du pain pour inculper la ſalubrité de cet aliment, n’étoit confirmée par aucune expérience, je n’ai jamais prétendu nier que pour que le pain réuniſſe les bonnes qualités qu’on lui connoît, il falloit que les grains qu’on y emploie, ne ſoient pas altérés ; qu’ils ne contiennent aucune ſemence pernicieuſe, ou d’autres végétaux contraires à ſa nature, que l’on ne fit pas entrer dans ſa compoſition des ſupplémens qui en groſſiſſent la maſſe & diminuent de ſon volume. Si ceux qui ont cherché à rendre les effets du pain, non-seulement problématiques, mais encore dangereux dans l’économie animale, n’avoient eu en vue que le pain mal fabriqué, employé ſans précautions, ils auroient avancé quelque choſe de vraiſemblable, mais c’eſt le pain en général qu’on a calomnié pour prodiguer des éloges à l’uſage du riz & de la bouillie, dont la préparation aſſujettit infiniment plus que le pain, ſans en réunir les avantages.

On ne connoît guère d’aliment pour lequel il ne faille quelques précautions avant de s’en ſervir : la première attention que demande l’École de Salerne, c’eſt que le pain ne ſoit pas mangé au ſortir du four, car en cet état il eſt collant, pâteux & on l’a vu produire des indigeſtions, des maux d’eſtomac, des gonflemens & autres affections ; rien n’eſt même plus préjudiciable pour les dents, que le pain chaud : on ſait que c’eſt le moyen dont ſe ſervent les ouvriers pour ramollir l’ivoire ; on ne ſauroit donc trop blâmer cette habitude de manger des tartines au beurre toutes brûlantes. Les Éphémérides des Curieux de la Nature, font mention de quatre jeunes gens qui ayant été quelques jours ſans rien prendre, mangèrent de bon appétit une très-grande quantité de pain qu’on venoit de retirer du four, trois périrent en une demi-heure & le quatrième les ſuivit peu après.

Parce que le pain qui ne fera pas aſſez levé & aſſez cuit, ou qui l’eſt trop, ſera pâteux, lourd, collant, indigeſte, brûlé ou amer ; parce que ceux qui feront aſſez inconſidérés pour manger le pain avant qu’il ſoit parfaitement refroidi, éprouvent des effets fâcheux parce qu’enfin ayant introduit dans ſa compoſition des matières viciées, des ſemences étrangères & pernicieuſes, le pain qui en réſultera ſe trouvera avoir des qualités nuiſibles ; ſera-ce donc une raiſon plauſible pour proſcrire de la claſſe des comeſtibles, celui qui mérite de tenir le premier rang, qu’il eſt ſi facile de rendre ſavoureux, bienſaiſant & dont l’excès même n’a jamais occaſionné de ſuites fâcheuſes ?


Article XXX.


De quelques Précautions à employer pendant le temps que durent les Diſettes.


En multipliant les reſſources alimentaires, mon deſſein n’a jamais été de faire entrer en concurrence les ſupplémens que je propoſe,