Recherches sur les végétaux nourrissans/Première Objection

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Première Objection.


Les travaux publiés juſqu’à préſent ſur les pommes de terre, n’ont guère fixé notre opinion ſur les eſpèces particulières qu’il falloit cultiver de préférence : leurs variétés, que les Auteurs font monter à ſoixante & plus, ne ſont ſans doute que des dégénérations de la même Plante ?


Réponse.


C’eſt que rarement on prend la peine de conſulter les Ouvrages écrits dans une autre langue que la nôtre ; car les livres Allemands & Anglois ſont remplis d’obſervations très-judicieuſes à ce ſujet. M. Engel, qui n’a rien négligé pour indiquer toutes les eſpèces de pommes de terre connues en Europe, a fait un très-grand nombre d’eſſais pour ſavoir quelle étoit la culture la plus avantageuſe à ſuivre ; il nous apprend que ſi le goût, la grosseur & l’abondance des pommes de terre dépendent de la qualité du ſol auquel on les confie, leurs variétés ne ſauroient être dûes à une pareille cauſe, puiſque les parties de la fructification étoient diſtinguées par des nuances très-marquées ; que les blanches & les rouges, les griſes & les violettes, les longues & les rondes, conſtituent chacune des eſpèces particulières, qui ſe reproduiſoient dans la même forme & dans la même couleur, indépendamment du ſol, de la culture & de l’expoſition. Suivant mes expériences, les rouges & rondes m’ont toujours paru plus ſavoureuſes & plus viſqueuſes que les blanches, qui ſont plus fades & plus farineuſes : les longues ſont plus productives.

Cependant il faut convenir que l’eſpèce de pommes de terre la plus propre à chaque canton, à chaque climat, à chaque terroir n’eſt pas encore ſuffiſamment connue. J’aurois deſiré ſuivre la chaîne des variétés que préſente cette Plante, indiquer celle qui mériteroit le plus, par ſa qualité & ſa production, d’être propagée dans le Royaume ; mais ces expériences demanderoient à être faites en grand, & les dépenſes où elles entraîneraient ſont beaucoup au-deſſus de mes moyens : heureuſement que M. l’abbé Teſſier, Membre de la Société de Médecine, ſe diſpoſe à ſe livrer à cet objet ; il a même eu l’honnêteté de m’écrire pour m’en prévenir, & l’on doit attendre de ſon zèle éclairé & de ſes recherches, toutes les connoiſſances qu’il eſt poſſible de deſirer ſur ce point d’économie rurale très-important.


Deuxième Objection.


La végétation de la pomme de terre exige beaucoup du ſol ; bientôt elle épuiſe le meilleur terrein, lui enlève tous ſes ſels & le rend incapable de produire des grains.


Réponse.


cette idée dans laquelle ſont encore quelques perſonnes, vient moins de leurs obſervations particulières que des conjectures qu'elles ſe forment ſur la végétation : perſuadés d’une part, que la racine eſt l’organe principal deſtiné à pomper la nourriture & à la transmettre au reſte de la plante, voyant de l’autre la quantité énorme de grosses racines charnues que raſſemble un pied de pommes de terre, elles en ont conclu que cette croiſſance vigoureuſe s’opérait qu’aux dépens