Recueil des lettres missives de Henri IV/1571/13 avril ― À monsieur de Lavardin

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1571. — 13 avril.

Minute. – Arch. générales du département du Nord. Copie transmise par M. Le Glay.

[À MONSR DE LAVARDIN[1].]

Monsr de Lavardin, Nous ayant le sr de Thiaucourt communiqué le contenu en la lettre que lui avés escripte, par laquelle vous desirés estre resolu de quelques doubtes et difficultez où vous retrouvez, assavoir si ceulx qui avoient faict profession de la Religion et qui pendant les troubles sont retournez à la messe ne seront contribuables au payement de nos estrangers, aussi la difficulté proposée par la Noblesse du comté du Mayne, qui ne veult estre, ainsi que vous mandés, taxée par le Tiers-Estat, et qu’elle veult estre taxée par un gentil-homme : quant au premier point, nous vous dirons, Monsr de Lavardin, que nous avons faict toutes les instances que nous avons peu pour estendre nostre levée sur le plus grand nombre de peuple que nous pourrions ; mais nous n’avons sceu obtenir aultre chose sinon que ladicte imposition se feroit sur ceulx qui jouiroient du benefice de l’edict, chose que si encore elle est dextrement executée, en pourra revenir plus de bien que beaucoup ne s’en promettent, n’estant pas de besoin d’aller demander à ceulx que l’on cognoist estre plus amoureux de leur bien que de la Religion, s’ils veulent jouir, du benefice de l’edict, mais leur proposer gracieusement les affaires et necessitez, et sçavoir ce qu’ils vouldroient doulcement et amiablement donner sans les traicter rigoureusement, de peur qu’ils ne nous eschappent du tout. Ce sont moyens desquels il nous semble que l’on pourra user pour en tirer, comme l’on dict, d’une mauvaise debte quelque chose. Et pour le regard de la deuxiesme particularité, nous vous voulons bien dire, Monsr de Lavardin, que nostre intention n’a oncques esté que la Noblesse fust taxée par un roturier, n’ayant pas entendu de traicter ni respecter si peu ladicte Noblesse ; mais avons voulu que la verification et imposition se fist par le commissaire à ce deputé par le Roy, appelé certains gentilshommes et autres en Tiers—Estat, en tel nombre qui seroit advisé pour le mieulx, pour proceder à ladicte verification et imposition. En quoy nous pensons n’avoir rien faict que ladicte Noblesse n’aye eu ou deu avoir pour bien agreable ; comme aussi, estant ce general, nous n’en avons pas voulu exclure ceulx du Tiers-Estat, ayant esté d’advis qu’ils y fussent aussy appellez. Nous vous prions donc, Monsr de Lavardin, comme celuy qui peut beaucoup en cecy et dont le zele est tant cogneu, vouloir continuer vostre saincte affection en un affaire si important et necessaire pour la gloire de Dieu, conservation des Eglises de ce royaume, tenant main que, si encores il n’avoit esté esleu quelques gentils-hommes pour l’effect susdict, il y soit incontinent satisfaict, tellement que ladicte verification et imposition n’en puissent estre aulcunement retardées ni differées ; vous priant que ceste lettre serve pour les gentils-hommes notables que vous cognoistrés zelez et affectionnez au bien et advencement d’un tel affaire. Lequel à vous et à eux nous le vous recommandons comme celuy dont despend l’establissement et conservation des Eglises et securité de nos vies et biens. Et ne doubtant aulcunement de la bonne affection que vous et eux y desployrés, nous ne vous ferons plus longue lettre, et ferons fin, priant Dieu, qu’il vous ait, Monsr de Lavardin, en sa tres saincte et digne garde. À la Rochelle, ce xiije jour d’avril 1571.

Vos bien bons amys,

HENRY,

HENRY DE BOURBON.


  1. Charles de Beaumanoir, seigneur de Lavardin, fils de François de Beaumanoir et de Jeanne de Tucé, l’un des principaux seigneurs du parti protestant, fut tué à la Saint-Barthélemy.