Recueil des lettres missives de Henri IV/1579/28 février ― À mon cousin monsieur le mareschal de Dampville

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1579. — 28 février.

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8848, fol. 51 recto.


À MON COUSIN LE MARESCHAL DE DAMPVILLE,

GOUVERNEUR ET LIEUTENANT GENERAL POUR LE ROY EN LANGUEDOC

Mon Cousin, Nous avons, graces à Dieu, resolu et arresté par l’advis des princes et sieurs du conseil privé du Roy[1], aprés avoir aussy ouy les remonstrances de ceulx de la religion pretendue reformée[2], les moyens qu’il faut tenir, tant pour faire cesser tous actes d’hostilité que pour l’entiere execution de l’edict de pacification faict et arresté au mois de septembre 1578[3]. Et en attendant que ceulx qui sont depputez pour la dicte entiere execution de l’edict soient sur les lieux, nous avons advisé d’envoyer conjoinctement ce pendant en Languedoc les srs de Verac et de Yolet, presens porteurs, au bas-pays et les srs de Verac et de Yolet[4] au hault-pays, leur ayant faict expedier commission et instruction pour aller denoncer, advertir et faire publier partout ceste bonne resolution[5], et par mesme moyen faire incontinent cesser tous actes d’hostilité, remettre en liberté tous prisonniers à l’occasion des troubles, sans païer aulcune ranson, et aultres particularitez portées par leur dicte commission. Le contenu de laquelle vous prions tenir la main à ce qu’il soit incontinent publié à son de trompe, en l’estendue de vostre gouvernement, en lieux accoustumez à faire cris et proclamations, afin que personne n’en puisse pretendre cause d’ignorance ; et tenez la main à ce que chascun y obeysse et le suive de poinct en poinct ; priant Dieu, mon Cousin, vous avoir en sa saincte et digne garde. Escript à Nerac, le dernier jour de febvrier 1579.

Vostre bonne cousine et cousin,

CATHERINE.

HENRY.


  1. C’étaient la reine mère, Armand de Gontaut, baron de Biron, Guillaume de Joyeuse, Louis de Saint-Gelais, sieur de Lansac, Bertrand de Salignac de la Mothe-Fénelon, Gui du Faur, sieur de Pibrac, et Jean-Étienne Duranti, avocat général au parlement de Toulouse, nommé l’année suivante premier président de la même cour.
  2. On a vu par la lettre du 9 décembre précédent que M. de Scorbiac était un de ces députés.
  3. Le traité signé par les personnages ci-dessus et par le roi de Navarre, le même jour que cette lettre, et qui fut le résultat des deux mois de discussion de la conférence de Nérac, était en 29 articles. Le Roi le ratifia à Paris le 19 mars suivant.
  4. Il est nécessaire d’expliquer que les noms des députés pour le haut-pays avaient d’abord été laissés en blanc. On se décida ensuite à ne point partager cette mission, et au lieu de recommencer la lettre, on y remplit l’espace réservé par les mêmes noms, Vérac et Yolet, comme le prouvent l’encre d’une autre teinte et une écriture moins cursive pour ces mots ainsi rapportés.
  5. Mézeray prétend expliquer ainsi les avantages que les protestants trouvèrent dans ce traité : « La reyne Marguerite, qui trouvoit tous moyens honnestes de se venger de son frere, qui l’avoit chassée de sa cour, prit soin de s’acquerir secrettement le cœur de Pibrac, qui estoit le conseil de sa mere. La sagesse de ce grand homme fit naufrage contre cet écueil, en sorte que, n’agissant que par son mouvement et contre les intentions de la reyne mere, il esclaircit plusieurs articles en faveur des religionaires, et leur fit accorder beaucoup de choses, même plusieurs places de sûreté » (Abrégé chronologique.)