Recueil des lettres missives de Henri IV/1582/11 mai ― À messieurs les deputez des églises du hault pays de Languedoc en la ville de Castres

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1582. — 11 mai. — Ire.

Orig. — Arch. de M. le comte Henri de Bouffard de Gandels. Envoi de M. Moquin-Tandon, professeur à la faculté des sciences de Toulouse.


À MESSRS LES DEPUTEZ DES EGLISES DU HAULT PAYS DE LANGUEDOC EN LA VILLE DE CASTRES.

Messrs, Vous entendrez toutes nouvelles par le sr de Lesdiguyeres, et comme je continue la resolution que j’ay prinse de faire l’assemblée generale des depputés des eglises refformées de France à la fin de ce mois à St Jehan d’Angely, où je me rendray infailliblement dans ce temps-là ; vous pryant de choisir et envoyer vos depputez, qui soyent bien instruicts de tout ce qui se passe en vos quartiers, et avec l’advis desquels je me puisse resoudre, pour ce qui importe l’entier establissement des edictz de paix du Roy mon seigneur. J’ay envoyé le sr de Plassac vers Sa Majesté, pour luy représenter les rectifications que l’on apporte au restablissement de la chambre de la justice de Lisle, sans laquelle on ne peult esperer de voir vostre province en repos, et aussy la longueur qu’on employe à la reddition de mes maisons de Montaignac. J’ay veu, en passant à Castelgeloux, mon cousin le mareschal de Matignon, qui m’a promis que dans le quinziesme de ce moys les trouppes qui sont levées, soubs le pretexte du voyage des isles des Essores et de la Tersere[1], seront embarquées, pour l’instance que je luy en ay faicte, afin de veoir le peuple soulagé de l’oppression qu’ils souffrent[2], et les occasions d’une juste deffiance ostées. Faictes contenir, je vous prie, ung chascun au debvoir et [en] la paix, pour tousjours tesmoigner nostre innocence, et faire cognoistre combien nous recherchons de veoir cest Estat remis en sa premiere splendeur. Et sur ce, je prieray le Createur, Messrs, vous tenir en sa saincte garde. De Pau, ce xje de may 1582.

Vostre bien asseuré amy,


HENRY.


On vient de me rendre votre lettre du xvje du passé, sur ce que la court de parlement de Tholose cognoit des faictz de ceulx de la Relligion, nonobstant les declarations mesmes, à la dicte court, du sr de la Garrigue, premier consul de vostre ville. Sur quoy je feray une bien ample depesche à cette court de parlement.


  1. La mort du cardinal Henri, roi de Portugal, arrivée en 1580, était devenue le signal d’une guerre de succession. Par l’abandon des droits du duc de Bragance à Philippe II, roi d’Espagne, don Antoine, grand-prieur de Crato, neveu du cardinal-roi, se trouvait, dans l’ordre de naissance, le premier compétiteur à cette couronne. Parmi les autres prétendants, figurait Catherine de Médicis. « peut-estre, dit Mézeray, pour faire croire qu’elle estoit d’assez bonne maison pour pretendre à la succession d’un royaume. » Il n’est pas de notre sujet d’exposer quels titres elle mettait en avant ; mais, comme ces titres n’avaient aucune consistance, elle pensa à réunir sa cause à celle de don Antoine, qui était toute nationale aux yeux des Portugais. Même depuis qu’ils étaient contraints de subir la domination espagnole, leur fidélité avait garanti la vie de ce prince, dont Philippe II avait mis la tête à prix ; et les îles Açores n’avaient pas cessé de le reconnaître pour roi. Parvenu enfin à quitter le Portugal, il fut reçu de la manière la plus honorable à la cour de France, et la reine mère se fit autoriser à préparer une expédition en sa faveur. Elle envoya d’abord Landereau à Terceire avec huit cents hommes, puis se mit à équiper une flotte considérable, dont Strozzi eut le commandement. Nous verrons bientôt l’issue de cette expédition. On apprend par cette lettre que c’était un sujet de murmures pour nos populations du Midi, chez lesquelles ces levées entraînaient, depuis un an, des exactions et des violences.
  2. L’emploi du verbe au pluriel avec un nom collectif au singulier était plus fréquent dans le style d’alors qu’aujourd’hui.