Recueil des lettres missives de Henri IV/1582/25 octobre ― À messieurs de la cour de parlement en la chambre de la justice

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1582. — 25 octobre.

Orig. — B. R. Fonds Du Puy, Ms. 407, fol. 7 recto.

Cop. — B. R. Suppl. fr. Ms. 1009-3.


À MESSRS DE LA COUR DE PARLEMENT EN LA CHAMBRE DE LA JUSTICE

SEANTE EN LA VILLE D’AGEN.

Messrs, J’ay esté adverty que le prevost ordonné à vostre suite a prins trois soldatz d’Estafort[1], qui sont de la religion refformée, à la poursuite de la vefve du feu tresorier la Ville, en vertu de certain jugement donné par deffault contre un grand nombre des habitans de la dicte ville, à cause de la demolition de la maison de la dicte vefve, située au dict Estaffort, où elle tenoit forte garnison, et par une porte de laquelle, respondant dehors, la dicte ville avoit esté auparavant surprinse, pillée et saccagée, et ce par l’intelligence de la dicte vefve, et contre la foy par elle promise et jurée. Depuis et en temps de guerre, les habitans de la dicte ville d’une et d’aultre religion, voyant qu’ilz ne pouvaient vivre et habiter en seureté en la dicte ville à l’occasion de la dicte maison, ilz furent contraints de l’abattre et demolyr, me l’ayant touteffois prealablement remonstré. Ce que j’ay trouvé fort bon pour le bien et repos commun de la dicte ville, et dont je les advouay. Et pourtant ilz ne peuvent ny ne doibvent, suivant les articles de la conference du Fleix, estre poursuivys ne recherchez pour raison de ce, ains en demeurer quictes et deschargez, nonobstant le dict jugement. À ceste cause (sçaichant combien vous avez en recommandation l’execution de l’edict de pacification et observation des articles de la dicte conference, et que, si la passion et mauvaise affection conceue par la dicte vefve contre les habitans de la dicte ville avoit lieu, la pluspart de l’une et de l’autre religion en souffriroyent, et, outre la mauvaise consequence qui s’en ensuivroit au prejudice du service du Roy mon seigneur et du public, j’en demeureroys grandement interessé, en ce que par cy-aprés on n’auroit esgard aux adveuz qu’il m’a esté permis de bailler par les dictz edictz de pacification et articles des conferences) je vous prie bien affectueusement, Messrs vouloyr bien et meurement considerer l’importance de cest affaire, sans vous arrester à la precipitation et importunité que la dicte vefve et autres, faisant pour elle, vous en pourroyent faire, de maniere que les dictz prisonniers puissent estre mis en liberté. Et oultre qu’en ce faisant vous ferez d’aultant plus paroistre l’integrité et droicture de vostre compaignie en l’administration de la justice, je participeray au bien qui en succedera, pour vous en sçavoir tout le bon gré que vous sçauriez desirer de moy : qui prie Dieu, Messrs, vous avoir en sa saincte garde. De Nerac, ce xxve jour d’octobre 1582.

Vostre bien affectionné amy,


HENRY.


[2] Je vous prie, Messrs, de bien adviser à ce faict et à ce qui en peult ensuivre, au prejudice du service du Roy mon seigneur, si les articles de la conferance ne sont effectuez pour ce regard, et les aultres declarations que le Roy a faict sur tels et semblables cas, tant pour le general que pour mon particulier.


  1. Estafort, Stafort, ou Astafort, petite ville du Condomois, près d’Agen ; aujourd’hui dans le département de Lot-et-Garonne.
  2. Ce post-scriptum est de la main du roi.