Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/Vers la fin de l’année ― À messieurs des eglises de ***

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[1583. — vers la fin de l’année.] — IIIme.

Cop. — Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p. 128. Communiqué par M. le préfet.


[À MESSRS DES EGLISES DE ***.]

Messrs, Il y a long temps que je deplore, avec tous ceulx qui ayment le bien et repos de nos Eglizes, la desunion qui s’est fourrée entre les principaulx et plus notables membres d’icelles, à l’occasion de quelques differends qui nasquirent presque aussi tost qu’il eut pleu à Dieu faire icelles renaistre. Et comme j’apercevois, à mon grand regret, les maulx et inconveniens qui s’en seroient ensuivis au grand desavancement de nos dictes Eglises, scandale des infirmes et advantage de nos adversaires ; aussy avois-je tousjours gardé un desir d’en cercher le remede selon la mesure du moyen que Dieu m’auroit donné, si tost qu’il luy auroit pleu nous donner quelque relasche des travaux qui nous ont occupé par tant d’années. Cest pourquoy, Messrs, si tost qu’il m’a esté octroyé de respirer, j’ay eu ce faict à cœur, et l’ay faict plusieurs fois consulter avec les principaulx et plus notables personnaiges, tant des Eglises reformées du royaulme de France, que de mes pays souverains. Et despuis nagueres mesme le fis proposer en un celebre synode national des Eglises de France, tenu en la ville de Viltray en Bretagne[1], où nous eusmes cest heur de voir les Eglises de Flandres, par l’envoy de leurs depputez, unies en doctrine et confession avec les nostres. Auquel synode fus prié unanimement de toute l’assemblée de poursuivre la proposition que je leur en avois faict faire, et à ceste fin d’employer personnaiges d’auctorité, pieté et doctrine vers tous les Princes et Estats faisans professioni de la religion reformée, pour les exhorter et supplier, chascun en son endroict, d’apporter à une œuvre si saincte et necessaire tout ce que Dieu leur auroit donné de moyen et d’auctorité. À ceste fin donc, Messrs, je despeschay despuis quelques mois le sieur de Segur, superintendant de ma maison, accompaigné d’un gentilhomme de ma chambre[2], et d’un maistre des requestes de mon hostel[3], personnaiges suffisans auxquels je donnay charge de traicter avec la serenissime Royne d’Angleterre, messieurs des Estats du Pays-Bas, le tres-puissant roy de Danemarck, les tres-illustres Princes, seigneurs et aultres des Estats du Sainct-Empire, et leur remonstrer à chascun, selon qu’il luy appartiendroit, le mal qui provenoit de ceste plaie, qui ne peut qu’empirer si on la laisse envieillir, et le bien au contraire qui seroit à esperer si elle pouvoit estre close et fermée ; les priant, selon la coustume de l’Eglise ancienne, de remettre la decision de tous ces differens à un bon et legitime synode universel qui se pourroit tenir du commun consentement de toutes les Eglises reformées, lorsque Dieu leur auroit donné paix et repos. Et en attendant cest heur, de faire cesser selon la charité chrestienne toutes invectives, tant de bouche que par escript, qui ne font qu’enaigrir la plaie que nous debvons adoulcir par tous moyens pour en faciliter la guerison. J’espere, Messrs, que vous trouverez ceste procedure bonne ; et ce qu’elle aura profité vous l’entendrez par le dict sr de Ségur et ceulx lesquels l’avoient accompaigné. Auxquels ou partie d’eulx avons donné charge de vous visiter de nostre part, vous reciter le fruict et progrez de leur negociation et tirer advis de vos prudences, de ce qui sera besoing de faire cy-aprés pour l’amener à sa droicte fin. Cependant parce que le dict voyage, auquel ils ont à visiter tant de roys, princes et estats, pourroit estre long, les Eglises du royaume de France ayant trouvé necessaire d’envoyer vers vous pour vous en communiquer amplement, et avoir sur ce vostre advis et conseil, j’ay aussi pensé, de vous escrire la presente, et par icelle vous esclaircir en bref de mon desir et intention, laquelle, Messrs, je vous prieray d’entendre plus amplement et particulierement du sr de et vous asseurer au surplus que je n’espargneray jamais chose qui soit en moy, soit pour la generale paix et manutention des Eglises, soit pour la vostre particuliere, en laquelle je recognois et l’interest public et le mien mesme ; et sur ce, Messrs ..................


[HENRY.]


  1. Vitré.
  2. M. de Buzanval.
  3. M. de Calignon.