Recueil des lettres missives de Henri IV/1584/Novembre ― À monsieur de Bellievre (2)

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[1584. — novembre.] — Vme.

Orig. autographe. — Biblioth. impér. de Saint-Pétersbourg, Ms. 915, n° 25. Copie transmise par M. Allier, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


À MONSR DE BELLIEVRE.

Monsr de Bellievre, Je n’eus de long tems si grant despit et desplaisir que celluy que j’ay receu naguieres par une depesche qui m’a esté envoyée de la Cour, que je croys que le Roy n’a jama1s entendue. Vous verrez la lettre qui m’a esté escripte et la response que je fais, qui est entre les mains du sr de Roquelaure, que je depesche là dessus exprés vers Sa Majesté. Je ne donne poinct d’occasion de me faire tels traitemens ; et me semble que je ne le meryte point, car je ne pense qu’à bien faire, et à affectionner tout ce qui est pour le service de Sa Majesté et pour le repos de cest Estat. Telles indignités sont si insupportables, qu’estant continuées, à la longue contraindroient les plus sages d’entrer en des impatiences et desespoir. C’est une grande cruauté, lorsqu’on tasche de bien servir, d’estre si mal reconnu. Il semble qu’il y en ayt qui ayent entrepris d’entretenir le Roy en jalousie et desfiance de moy, et me tenir tousjours en doubte de sa bonne grace. Je ne voys poinct que cella puysse apporter du bien, et je m’en plains à vous privement, parce que je sçay que vous festes point de ceux-là et que vous aymés le bien. Je ne laisse, pour tout cela, de faire une bonne depesche à monsr de Montmorency, et d’accompagner le sr de Poyny, de Constans avec charge et instruction fort affectionnée, de sorte que je m’asseure que Sa Majesté en aura contentement et en tirera utilité. Je vous prie, Monsr de Bellievre, faire toujours estat certain de l’amitié de

Votre plus affectionné et assuré amy,


HENRY.


Monsr de Bellievre, mes predecesseurs ont esté, pour beaucoup de considerations, exempts de la traitte foraine[1] de mon pays et souveraineté de Bearn. Je vous prie tenir la main que je sois autant gratifié comme ils ont esté et le remonstrer partout où besoin sera.

  1. Cet impôt était établi sur les blés, vins, toiles et pastels, qui sortaient du royaume ; et même comme d’autres impôts analogues, il se percevait, dans certaines parties de la France, aux frontières des provinces réputées étrangères. À plus forte raison devait-il être établi aux frontières d’une souveraineté différente. L’exemption de ce droit était une faveur accordée aux rois de Navarre.