Remontrances à Rustan/Édition Garnier
REMONTRANCES
DU CORPS DES PASTEURS DU GÉYAUDAN
A ANT.-JACQ. RLSTAX, PASTEUR SUISSE A LONDRES'.
��I. — Que prêtre doit être modeste.
Notre cher et vénérable confrère, nous avons lu avec douleur votre facétie intitulée l'État présent du christianisme. Vous avez avoué, il est vrai (page 7), que l^ami de la vérité doit être toujours décent et modeste : ah ! notre frère, montrez-nous votre foi par vos œuvres. Vous insultez, dans votre licencieux écrit, les hommes les plus respectables, français et anglais, et même jusqu'à ceux qui nous ont rendu les plus grands services; qui ont souvent arrêté le bras du ministère, appesanti sur nous en France; qui ont inspiré la tolérance à tant de magistrats, qui ont été les prin- cipaux moteurs de la réhabilitation des Calas, et de la justice rendue après trois ans de soins aux cendres de notre frère inno- cent, roué et brûlé dans Toulouse. Ignorez-vous qu'ils ont tiré des galères plusieurs de nos martyrs? Ignorez-vous qu'aujour- d'hui même ils travaillent à nous procurer un asile où nous puissions jouir de la liberté qui est le droit de tous les hommes? C'est à eux qu'on doit le mépris où est tombée la tyrannie de la cour de Rome, et tout ce qu'on ose contre elle; et vous prene:^ ce temps-là pour faire contre eux un libelle! Hélas! notre vénérable camarade, vous ne connaissez pas l'esprit du gouvernement de France : il regarde la cour de Rome comme une usurpatrice, et
��i. Antoine- Jacques Roustan (et non Rustan), dont Beuchot a parlé dans son Avertissement en tète du tome XIV, page xm, né à Genève, en 1734, mort en 1808, publia des Lettres sur l'état présent du christianisme, 1768, in-12. C'est Torigine des Remontrances et des Instructions qui les suivent ; ces deux pièces parurent ensemble en 29 pages in-8", en septembre 17G8, et furent mises à rindex, à Rome, le 1" mars 1770.
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nous comme dos factieux. Louis XIV d'une main saisissait Avi- gnon, et nous faisait rouer de l'autre.
Voilà pourquoi des chrétiens catholiques ont fait mourir tant de pasteurs protestants : c'est le cas, notre ami, de vous dire : « Ce n'est pas le tout d'être roué, il faut encore être poli. »
Nous demandons pardon au Seigneur de répéter ce mauvais quolibet ; mais, en vérité, il ne convient que trop à notre triste situation, et à votre libelle diffamatoire. Ne voyez-vous pas que vous justifiez en quelque sorte nos cruels persécuteurs ? Ils diront : Nous ne pendons, nous ne rouons que des brouillons insolents qui troublent la société. Vous attaquez vos sauveurs, ceux qui ont prêché la tolérance; ne voyez-vous pas qu'ils n'ont pu obtenir cette tolérance pour les calvinistes paisibles sans ins- pirer l'indifférence pour les dogmes, et qu'on nous pendrait encore si cette indifférence n'était pas établie? Remercions nos bienfaiteurs, ne les outrageons pas.
Vous avez de l'esprit, vous ne manquez pas d'éloquence ; mais malheureusement vous joignez à d'insipides railleries un style violent et emporté qui ne convient nullement à un prêtre à qui nous avons imposé les mains; et nous craignons pour vous que, si jamais vous revenez en France, vous ne trouviez, dans la foule de ceux que vous outragez si indignement, des gens qui auront les mains plus lourdes que nous.
De quoi vous avisez-vous, page 148, de dire que « tous les pré- posés aux finances (sans faire la moindre exception) sont des sangsues du peuple, des fripons, qui semblent n'avoir en dépôt la puissance du souverain que pour la rendre détestable»? Quoi! notre malheureux frère, le chancelier de l'échiquier, les gardes des rôles, sont des coquins suivant vous? Les chambres des fi- nances de tous les États, le contrôleur général, et les intendants de France, méritent la corde ? Vous osez ajouter « qu'il serait difficile d'ajouter à la haine et au mépris que les parlements et les peuples ont pour eux ».
C'est donc ainsi que vous voulez justifier ces paroles ^ : « Que celui qui n'écoute pas l'assemblée soit regardé comme un païen et un i)ublicain. » Vous ne défendez la religion chrétienne que par des discours qui vous attireraient le pilori. A-t-on jamais vu une insolence si brutale et si punissable? et quel est l'homme qui s'élève ainsi contre un ministère nécessaire à tous les États? Y pensez-vous bien, notre frère ? Avez-vous oublié qui vous êtes?
1. Matthieu, xviii, 17.
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Nous ne sommes pas étonnés que vous vous déchaîniez contre la noblesse. Vous dites « qu'il est permis aux sots d'en faire le bouclier de leur sottise (page 93), et que les gens sensés ne connaissent de noble que l'homme de bien » ; c'est un scanda- lum magnatum; c'est le discours d'un vil séditieux, et non pas d'un ministre de l'Évangile. Tout juré vidangeur, toutgadouard, tout savetier, tout geôlier, tout bourreau mémo, peut sans doute être homme de bien ; mais il n'est pas noble pour cela. Cessez d'outrer la malheureuse manie de votre ami Jean-Jacques Rous- seau, qui crie que tous les hommes sont égaux. Ces maximes sont le fruit d'un orgueil ridicule qui détruirait toute société. Songez que Dieu a dit par la bouche de Jésus fils de Sirach ^ : « Je hais, je ne puis supporter le gueux superbe. »
Oui, notre frère, tous les hommes sont égaux en ce qu'ils ont les mêmes membres et les mêmes besoins, les mêmes droits à la justice distributive; mais ils ne peuvent pas tous être à la même place. Il est de la différence entre le soldat et le capitaine, entre le sujet et le prince, entre le plaideur et le juge. Le grand Dieu nous préserve de vouloir vous humilier ! mais quand votre père était à l'hôpital de Genève, où son ivrognerie le conduisit assez souvent, était-il l'égal des directeurs de l'hôpital et du premier syndic? Prenez garde qu'on ne vous dise : Ne, sutor, ultra crepidam.
Nous savons que M. Rilliet^ a dit aux Genevois, chez qui nous accourons en foule de nos provinces, qu'ils sont au-dessus des ducs et pairs de France, et des grands d'Espagne. Si cela est, il n'y a point là d'égahté, puisque les Genevois sont supérieurs; mais remarquez bien que M. Rilliet n'a parlé qu'aux citoyens, et que vous n'êtes pas citoyen.
Vous répondrez que vous êtes prêtre, et que, selon le révérend docteur Hickes, « le prêtre est au-dessus du prince; que les rois et les reines doivent fléchir le genou devant un prêtre; que vou- loir juger un prêtre, c'est vouloir juger Dieu lui-même, etc. » Nous convenons de toutes ces vérités : cependant il est toujours bon d'être modeste, car Euripide a dit {Mèdée, vers 636 et 637):
27î'p-j'oi Si u.s oû)©poaûva,
Et Plutarque dit aussi de merveilleuses choses sur la modestie.
1. Ecclésiastique, xxv, 4.
2. Théodore Rilliet, né à Genève en 1727, membre du conseil des Deux-Cents, mort en 1782, eut de beaux talents dont il se servit fort mal, dit Senebier dans sa Genève littéraire, tome III, page 250. (B.)
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II. — Que prêtre de l'Eglise suisse à Londres doit être chrétien.
Notre vénérable frère, vous dites, page 18 de votre libelle, que « vous n'êtes pas chrétien; mais que vous seriez bien fâché de voir la chute du christianisme, surtout dans votre patrie » : nous ignorons si vous entendez, par votre patrie, TAngleterre, où vous prêchez, ou bien la France, dont vous êtes originaire, ou bien Genève, qui vous a nourri. Mais nous sommes très-fàchés que vous ne soyez pas chrétien. Vous vous excuserez peut-être en disant que ce n'est pas vous qui parlez, que c'est un de vos amis dont vous rapportez un très-long discours. Mais comment pouvez- vousêtre l'ami intime d'un homme qui n'est pas chrétien, et qui est si bavard? On voit trop que ce bon ami c'est vous-même. Vous lui prêtez vos phrases, votre style déclamatoire; on ne peut s'y méprendre. Ce bon ami est Antoine Rustan; tu es ille vir^.
Je mets cet ami, dites-vous, au-dessus des chrétiens vulgaires, page 23. Toujours de l'orgueil, notre frère! toujours de la su- perbe ! ne vous corrigerez-vous jamais ?C/i?^isf signifie oint, chrétien signifie onctueux. Mettez donc de l'onction dans vos paroles, et de la charité dans votre conduite; ne faites plus de libelle; parlez surtout avec décence de Jésus-Christ. Page 61, vous l'appelez fils putatif d'un charpentier. Ah! frère, que cela est indécent dans un pasteur! Fils putatif entreàne de si vilaines idées ! Fi ! ne vous servez jamais de ces expressions grossières ; mais hélas ! à qui adressons- nous notre correction fraternelle? A un homme qui n'est pas chrétien. Revenez au giron, cher frère: faites-vous rebaptiser; mais que ce soit par immersion. Le bain est excellent pour les cerveaux trop allumés.
III. — Que prêtre ne doit point engager les gens dans l'athéisme.
Vous employez votre seconde lettre à prouver que tous les théistes sont athées; mais c'est comme si vous disiez que tous les Musulmans, les Chinois, les Parsis, les Tartares, qui ne croient qu'en un seul Dieu, sont athées. Où est votre logique, frère? Adorer un seul Dieu, est-ce n'en point reconnaître? Non content de cette extravagance, vous poussez la déraison jusqu'à prétendre que les athées seraient intolérants s'ils étaient les maîtres. Mais qui vous l'a dit? Où avez-vous pris cette chimère? Souvenez-vous
1. II. Rois, XII, 7.
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de ce proverbe des anciens Arabes rapporté par îîen Siracli : u Qu'y a-t-il de meilleur sur la terre ? La tolérance. »
On vous accuse, vous, d'être intolérant comme le sont tous les parvenus orgueilleux. Vous nous apprenez que vous n'êtes point chrétien ; nous savons que vous ne pensez pas que Jésus soit consubstantiel à Dieu; vous êtes donc théiste. Vous assurez que les théistes sont athées; voyez quelle conclusion on doit tirer de vos beaux arguments? Ah! notre pauvre frère, vous n'avez pas le sens commun. Les directeurs de l'hôpital de Genève se repentent bien de vous avoir fait apprendre à lire et à écrire. Si jamais vous y revenez, vous y pourrez causer de grands maux, et surtout à vous-même. Vous avez dans l'esprit une inquiétude et une violence, et dans le style une virulence qui vous attirera de méchantes affaires. Vous commençâtes avant d'être prêtre, et avant même que vous fussiez précepteur chez i\I. Labat, par faire un libelle scandaleux contre Louis XIV S et contre le ministre de Louis XV; M. de Montpérou le fit supprimer par les scolarques. Songez que les rois ont les bras longs, et que Vous nous exposez à porter la peine de vos sottises.
IV. — Que prêtre, soit reformé, soit réformabk, ne doit ni déraisonner, ni mentir, ni calomnier.
Vous accusez la Suisse et Genève ( dans votre troisième lettre à je ne sais qui, page 47) de « produire de petits docteurs incré- dules. Vous avez entendu, dites-vous, des femmes beaux esprits argumenter dans Genève contre Jésus-Christ, et faire les agréables sur l'histoire des Évangiles ».
Nous jugeons qu'il est infâme de calomnier ainsi et la ville qui vous a nourri par charité, et tout le pays helvétique. Si vous ne voulez pas être chrétien, à la bonne heure, nous sommes tolé- rants ; soyez juif, ou mahométan, ou guèbre, ou brame, ou sabéen, ou confutzéiste, ou spinosiste, ou anabaptiste, ou hernhoutre-, ou piétiste, ou méthodiste, ou janséniste, pourvu que vous soyez honnête. Mais n'accusez pas les Suisses et les Genevois vos bien- faiteurs d'être sans religion. Portez surtout un grand respect aux dames : c'est par elles qu'on parvient ; c'est Hélène, l'intendante
1. VExamen historique des quatre beaux siècles de M. de Voltaire, imprime à la suite de: Offrande aux autels et à la patrie, 176i, in-8"; voyez page \iii do TAvertissement de Beuchot en tête du tome XIV.
2. Ou hernhutes; voyez la note sur le Discours aux confédérés catholiques, page 80.
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des écuries de Constance Chlore, qui mit la religion chrétienne sur le trône de Constantin son bâtard; ce sont des reines qui ont rendu l'Angleterre, la Hongrie, la Russie, chrétiennes ^ Nous fûmes protégés par la duchesse de Ferrare, par la mère et la sœur du grand Henri IV. Nous avons toujours besoin de dévotes; ne les aliénez pas de nous. Si les femmes nous abandonnent, nous sommes perdus.
Loin que la Suisse, Genève, la basse Allemagne, l'Angleterre, renoncent, comme vous le prétendez, au christianisme, tous ces pays, devenus plus éclairés, demandent un christianisme plus pur, Les laïques sont instruits, et trop instruits aujourd'hui pour les prêtres. Les laïques savent que la décision du premier concile de Nicée fut faite contre le vœu unanime de dix-sept évêques et de deux mille prêtres. Hs croient qu'il est impossible que deux per- sonnes soient la même chose ; ils croient qu'un homme ne peut pas avoir deux natures; ils croient que le péché originel fut in- venté par Augustin.
Hs se trompent sans doute ; mais ayons pour eux de l'indul- gence. Hs révèrent Jésus ; mais Jésus sage, modeste, et juste, qui jamais, disent-ils, n'a fait sa proie de s'égaler à Dieu; Jésus, qui jamais n'a dit avoir deux natures et deux volontés, le Jésus véri- table en un mot, et non pas le Jésus qu'ils prétendent défiguré dès les premiers temps, et encore plus dans les derniers.
On a fait une petite réforme au xvi^ siècle : on en demande partout une nouvelle à grands cris. Le zèle est peut-être trop fort; mais on veut adorer Dieu, et non les chimères des hommes.
Nous nous souviendrons toute notre vie d'un de nos confrères du Gévaudan : ce n'est pas de la bête^ dont nous voulons parler; c'est d'un pasteur qui faisait assez joliment des vers pour un homme qui n'avait jamais été à Paris. H nous dit quelques heures avant de rendre son àme à Dieu :
Amis, j'ai longtemps combattu Pour le fanatisme et la fable : Moins de dogme et plus de vertu, A'oilà le culte véritable.
Ces paroles se gravèrent dans tous nos cœurs. Hélas ! ce sont les disputes sur le dogme qui ont tout perdu. Ces seuls mots ^ :
1. Voyez tome XI, pages 329, 370.
2. Sur cette bête, voyez tome XXV, page 378.
3. Matthieu, xvi, 18.
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« Tu es Pierre, et sur cette pierre je fonderai mon assemblée, » ont produit sept cents ans de guerre entre les empereurs et les papes. Les interprétations de deux ou trois autres paroles ont inondé la terre de sang : le dogme est souvent diabolique, comme vous savez, et la morale est divine.
V. — Que prêtre doit se garder de dire des sottises, le j)lus qu'il 2)ourra.
Ce n'est qu'une bagatelle de dire que c'est M. de La Chalotais qui vous a appris que les sauvages n'admettent ni ne nient la Divinité : cela se trouve à l'article Athée, dans toutes les éditions du Dictionnaire philosophique, recueil tiré des meilleurs auteurs anglais et français, recueil imprimé longtemps avant le livre de M, de La Chalotais, recueil enfin où l'on trouve plusieurs articles d'un de nos plus illustres confrères, plusieurs de M. Abauzit, plu- sieurs tirés de Middleton, etc. K
Voici le passage en question - :
« Il y a des peuples athées, dit Bayle dans ses Pensées sur les comètes: les Cafres, les Hottentots, les Topinambous, et beaucoup d'autres petites nations, n'ont point de Dieu ; ils ne le nient ni ne l'affirment; ils n'en ont jamais entendu parler. Dites-leur qu'il y en a un, ils le croiront aisément ; dites-leur que tout se fait par la nature des choses, ils vous croiront de même. Prétendre qu'ils sont athées, c'est la même imputation que si on disait qu'ils sont anticartésiens. Ils ne sont ni pour ni contre Descartes, ce sont de vrais enfants ; un enfant n'est ni athée ni déiste : il n'est rien.
« Quelles conclusions tirerons-nous de tout ceci ? Que l'athéisme est un système très-pernicieux dans ceux qui gouvernent, et qu'il l'est aussi dans les gens de cabinet, quoique leur vie soit inno- cente, parce que de leur cabinet il peut percer jusqu'à ceux qui sont en place ; que s'il n'est pas si funeste que le fanatisme, il est
1. Dans les premières éditions du Dictionnaire philosophique, aucun article ne porte de signature ou d'indication d'auteurs. Ce fut plus tard que Voltaii-e imagina d'en mettre quelques-uns sur le compte d'auteurs plus ou moins connus; voyez les articles Abraham (^section II); Adam (section II), Baptême (section III, Addi- tion importante et Autre addition); Bataillon, Conciles (section III) ; Impôt (section IV) ; Job. Judée, Messie, Transsubstantiation. Voyez aussi la note, tome XXVI, page 567.
2. Il se trouvait en effet, dans la première édition, publiée en 1764, du Dic- tionnaire philosophique portatif (voyez tome XVII, page 475); mais, à la seconde ligne du second des alinéas transcrits ici, on lit monstre au lieu de système.
27. — Mélanges. VI. 8
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presque toujours fatal à la vertu. Ajoutons surtout qu'il y a moins cratliées aujourd'hui que jamais, depuis que les philosophes ont reconnu quil n'y a aucun être végétant sans germe, aucun germe sans dessein, etc., et que le blé ne vient point de pour- riture.
« Des géomètres non philosophes ont rejeté les causes finales, mais les vrais philosophes les admettent ; et, comme l'a dit un auteur, très-connu S un catéchiste annonce Dieu aux enfants, et New- ton le démontre aux sages. »
Mais voici des choses plus sérieuses : on dit que vous êtes un théiste inconsidéré, un théiste vaillant, un théiste inconstant, un chrétien déserteur, un mauvais théiste, un calomniateur de tous les partis ; on vous reproche de falsifier tout ce que vous rap- portez ; de mentir continuellement, en attaquant sans pudeur et le théisme et le christianisme. On se plaint que vous imputiez, dans vingt endroits, aux théistes de n'admettre ni peines ni récompenses après la mort, et que vous les accusiez de ressem- bler à la fois aux épicuriens, qui n'admettent que des dieux inu- tiles, et aux Juifs, qui, jusqu'au temps d'Hérode, ne connurent ni l'immortalité de l'âme dont le Pentateuque n'a jamais parlé, ni la justice de Dieu dans une autre vie, de laquelle le Pentateuque n'a point parlé davantage. Vous osez charger de ces impiétés les plus sages, les plus pieux théistes, c'est-à-dire ceux qui ouvrent le sanctuaire de la religion par les mains de Dieu même avant d'y entrer avec Jésus. Lisez leurs livres, et voyez-y votre condam- nation.
La Profession de foi des théistes ^ est un ouvrage presque divin, adressé à un grand roi ; on y lit ces paroles : « Nous adorons, depuis le commencement des choses, la divinité unique, éter- nelle, rémunératrice de la vertu et vengeresse du crime : jusque- là tous les hommes sont d'accord, tous répètent après nous cette confession de foi. Le centre où tous les hommes se réunissent dans tous les temps, dans tous les lieux, est donc la vérité, et les écarts de ce centre sont donc le mensonge. »
Au reste, quand nous disons que cet ouvrage est presque divin, nous ne prétendons louer que la saine morale, l'adoration de l'Être suprême, la bienfaisance, la tolérance, que ce petit livre enseigne ; et nous regardons ces préceptes comme des prépara- tions à l'Évangile.
��1. Voltaire lui-mêua*' voyez tome XVII, page 476; XX, 506; XXT, 553; XXVI, 525.
2. Voyez ci-dessus, page 55.
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Le lord Bolingbroke s'exprime ainsi, nouvelle édition de son admirable livre de VExamen important ^ :
(( Vous avez le front de demander ce qu'il faut mettre à la place de vos fables! Je vous réponds: Dieu, la vérité, la vertu, des lois, des peines et des récompenses ; prêchez la probité et non le dogme ; soyez les prêtres de Dieu, et non les prêtres d'un homme, »
L'auteur du Mililaire 'philosophe^, de cet excellent ouvrage qu'on ne peut trop méditer, s'exprime ainsi, page 41 de la nou- velle édition :
« Je mets au nombre des moments les plus heureux de ma vie celui où mes yeux ont commencé à s'ouvrir : indépendam- ment du calme et de la liberté d'esprit dont je jouis depuis que je ne suis plus sous le joug des préjugés religieux, je sens que j'ai de Dieu, de sa nature et de ses puissances infinies, des senti- ments plus élevés et plus dignes de ces grands objets. Je suis plus fidèle à mes devoirs, je les remplis avec plus de plaisir et d'exac- titude, depuis que je les ai réduits à leurs véritables bornes, et depuis que j'ai fondé l'obligation morale sur sa vraie base : en un mot, je suis tout un autre homme, tout un autre père, tout un autre fils, tout un autre mari, tout un autre maître, tout un autre sujet ; je serais de même tout un autre soldat, ou tout un autre capitaine. Dans mes actions, je consulte la nature, la raison et la conscience, qui m'instruisent de la véritable justice ; au lieu que je ne consultais auparavant que ma secte qui m'étourdissait de préceptes frivoles, injustes, impraticables et nuisibles. Mes scrupules ne tombent plus sur ces vaines pratiques dont l'obser- vation tient lieu à tant de gens de la probité et des vertus sociales. Je ne me permets plus ces petites injustices qu'on a si souvent occasion de commettre dans le cours de la vie, et qui entraînent quelquefois de très-grands malheurs, »
Nous voyons avec une extrême satisfaction que tous les grands théistes admettent un Dieu juste qui punit, qui récompense et qui pardonne. Les vrais chrétiens doivent révérer le théisme comme la base de la religion de Jésus : point de religion sans théisme, c'est-à-dire sans la sincère adoration d'un Dieu unique. Soyons donc théistes avec Jésus, et comme Jésus, que vous ap- pelez si indignement fils,,, putatif d'un charpentier.
1. Voyez tome XXVI, page 299.
2. Sur le Militaire philosophe, voyez, ci-après, la note 5 de la page 117.
FIN DES REMONTRAXCES A A.-J, RUSTAN.
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