Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885/ch21

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Traduction par Bénédict-Henry Révoil.
Mame (p. 148-155).

CHAPITRE XXI

Les abords de la prison. — Stratagème de Baldabella. — Délivrance du captif. — Wilkins raconte l’histoire de son emprisonnement. — Une source. — La récolte des pommes de terre. — L’opossum volant. — La plante à sel.


Les braves cœurs s’avancèrent avec prudence sous le couvert, à travers les arbres et les buissons, puis à travers la plaine, jusqu’au bois écarté où les sauvages s’étaient réfugiés. Le péril était imminent. Jack passait en avant, et les chasseurs marchaient l’un après l’autre dessous, par-dessus, à travers les lianes touffues. Enfin le chef de la bande parvint avec ses compagnons à un endroit d’où l’on pouvait parfaitement voir le rocher dans lequel se trouvait la grotte.

Devant l’ouverture de cette excavation on apercevait deux femmes qui écrasaient des noix au moyen de pierres. Un certain nombre d’enfants jouaient autour d’elles.

Après avoir fait le guet pendant quelques minutes, les jeunes gens, ne découvrant aucun noir, se disposaient à se précipiter en avant, lorsque Baldabella leur proposa de se présenter seule à ses compatriotes leur demandant seulement de venir la délivrer dans le cas où elle serait faite prisonnière.

Se débarrassant de la robe qu’elle avait consenti à revêtir pour vivre au milieu de ses amis, et ne gardant que son manteau de fourrures, elle saisit un épieu de la main droite, et, passant sous bois, s’offrit soudain à la vue des négresses en feignant d’être harassée de fatigue et de venir solliciter de la nourriture et du repos, comme cela avait été convenu avec ses amis.

En apercevant la nouvelle venue, les femmes sauvages se levèrent d’un seul bond, pendant que les chasseurs se tenaient prêts à aller au secours de Baldabella. Mais celle-ci, mièvre et délicate de forme, n’avait pas excité la crainte chez ses camarades à la peau noire. Elle s’avança et adressa la parole aux deux femmes, en leur demandant aide et secours.

On lui fit signe de s’asseoir et de prendre sa part des amas de noix qu’on lui présentait. À ce moment-là, la pluie recommençait à tomber ; tous, femmes et enfants, pénétrèrent dans la caverne.

Les chasseurs attendirent avec une certaine angoisse : ils songeaient déjà à s’élancer au secours de leur compagne ; mais, après mûre réflexion, il leur parut préférable de laisser agir Baldabella.

Arthur examinait avec soin son fusil, et plaçait au sec sa provision de poudre sous son manteau de fourrures, lorsque tout à coup la voix de Wilkins frappa ses oreilles, accompagnée des coo-ee poussés par les femmes.

Enfin Baldabella parut à l’orifice de la grotte, suivie par Wilkins, qui semblait très excité et fort souffrant. Il tenait un fusil dans la main, et on le vit courir du côté où les jeunes gens attendaient, comme eût pu le faire un homme ivre, vacillant sur ses jambes.

« Prenez cette arme, monsieur Hugues, s’écria-t-il, et hâtez-vous de la charger. J’ai les mains tellement engourdies et gonflées par les cordes qui les entouraient, que je serai longtemps avant de pouvoir m’en servir. Quels misérables ! quels gredins ! en route ! vous dis-je ; fuyons, puisque nous le pouvons encore. Ces monstres d’enfants vont bientôt attirer sur nous une nuée de guêpes. »

Sans prendre plus de précautions, la petite troupe s’élança à travers bois et parvint à la plaine, tandis que les coo-ee des femmes retentissaient à leurs oreilles, suivis bientôt des rappels exprimés par les hommes noirs à une grande distance.

Wilkins, qui avait eu les jambes ficelées, était dans l’impossibilité de marcher bien vite : Arthur ordonna donc à O’Brien et à Jack de prendre les devants pour garder et fermer au besoin la passe de la forêt sombre, tandis que Hugues, Baldabella et lui, resteraient près de Wilkins pour protéger sa retraite.

Les deux frères attendirent, pour faire usage de leurs armes à feu, que la troupe des noirs eût ouvert les hostilités en faisant pleuvoir sur eux une nuée de flèches. En ce moment-là, Arthur et Hugues pressèrent la détente de leurs fusils dans la direction des noirs, qui se précipitèrent aussitôt en arrière et disparurent au milieu de leur bois.

Deux hommes étaient restés pour faire le guet sur la lisière ; mais un coup de feu frappa un de ces noirs, et l’autre ne crut pas devoir attendre une seconde décharge.

« Allons, monsieur Arthur, dit Wilkins, avançons : les sauvages nous épient, et je ne suis pas d’avis de nous diriger droit sur l’ouverture de notre forteresse. Les coquins ont de très bons yeux. Essayons de les tromper. »

Le convict avait raison, et, quoique la route qu’ils suivirent fût la plus longue, ils ne songèrent à pénétrer dans la forêt que quand ils se trouvèrent hors de la vue des indigènes ; mais ils eurent soin de fermer l’entrée qu’ils se firent avec la plus grande précaution.

Le pauvre prisonnier délivré fut ensuite conduit à la grotte, où on le reçut avec des manifestations de joie. On le fit changer de vêtements on lui offrit un excellent repas, composé d’un faisan, de galette d’avoine et d’excellent thé préparé par Jenny Wilson et quand il eut fini de manger, ses amis s’assirent autour de lui pour écouter son histoire

« Dieu soit loué ! s’écria-t-il, je suis hors des griffes de ces païens. Ils m’ont gardé pieds et poings liés, parce que je n’ai pas voulu promettre par serment de devenir comme eux un bandit des bois ; parce que j’ai refusé de les guider pour vous massacrer tous, vous qui m’avez aimé et nourri depuis notre naufrage du Golden-Fairy. Ce chien de Black Peter m’a accablé de coups dès qu’il m’a vu enchaîné : il m’aurait volontiers poignardé s’il n’avait conçu et entretenu l’espérance de m’entraîner à sa suite. Il redoutait pourtant les noirs, qui auraient pu lui faire un mauvais parti, car ils n’entretenaient point de méchants desseins contre moi. Le maudit donna donc des ordres pour qu’on me privât de nourriture, et, bien sûr, je serais déjà mort de faim et de soif si les femmes n’avaient eu pitié de moi, et ce sont elles qui m’ont offert quelques bouchées de viande et quelques coupes d’eau. J’aurais certainement pu briser une corde de chanvre, mais les liens d’écorce dont j’étais ficelé m’étreignaient comme s’ils avaient été des chaînes d’acier.

« Je réfléchissais dans ma prison souterraine, et, me rappelant les bonnes paroles que vous m’aviez dites, monsieur Max Mayburn, je passais en revue ma vie entière, je songeais à Dieu, qui me jugerait un jour si bien que je me mis à réfléchir sérieusement, et que je faisais serment, dans le cas où je recouvrerais ma liberté, de ne jamais prononcer de blasphème, de ne pas mentir et de faire ma prière chaque jour. Après avoir pris ces bonnes résolutions, je sentis la force me revenir, et je me laissai aller à l’espérance, car je pressentais que vous viendriez à mon secours. Je fus très étonné en voyant cette bonne Baldabella, quoique je ne comprisse pas ce qu’elle faisait au milieu des autres femmes. Je la regardai et je devinai ce qui se passait. C’est alors que je lui dis à voix basse :

« Prends ton couteau et coupe les cordes ! » Ce qu’elle fit à l’instant. Mais, hélas ! je m’aperçus qu’il m’était impossible de remuer mes bras et mes jambes pour le moment. Cependant quelques minutes suffirent pour sentir mes forces revenir. Baldabella s’était jetés sur les deux femmes, et de ses deux mains les empêchait de crier. Moi je me dressai d’une pièce, et, m’emparant du fusil, inutile pour Black Peter, qui n’a plus de munitions, je suivis Baldabella, qui m’aida à fuir et à arriver près de mes amis. Vous savez le reste. Dieu soit béni Mais, hélas ! cher monsieur Arthur, nous ne sommes pas hors de danger, car ce maudit Black Peter est un grand misérable.

— Soyez certain, mon bon Wilkins, que les noirs ne braveront pas la pluie, répliqua Arthur. Cette, eau qui tombe sans cesser va nous permettre de nous préparer au siège que nous subirons peut-être. Il faut d’abord nous procurer d’abondantes provisions. »

À ces mots, Ruth était allée se placer devant son poulailler.

« Mais il y a de nombreux pigeons dans les arbres, observa Wilkins : je puis en attraper un certain nombre tout vivants et les apporter ici. Nous établirons un pigeonnier, dont nous pourrons tirer nos repas au fur et à mesure de nos besoins. »

Être assiégés dans une grotte d’où la fuite semblait impossible paraissait chose alarmante, et chacun donna son avis pour élever des fortifications. Sans se préoccuper de la continuation de l’orage, les jeunes gens sortirent pour aller aux provisions et savoir, si faire se pouvait, ce que projetaient leurs ennemis.

« Regarde donc comme nos pommes de terre ont poussé depuis un mois, dit Hugues à son frère ; une semaine encore, et elles seront bonnes à manger. Notre récolte sera, je crois, très abondante. »

Quoique tout parût calme aux chasseurs de l’autre côté de la plaine, ils n’osèrent pas s’aventurer hors du bois sombre : ils purent cependant, sans danger, se procurer du gibier, des figues et de l’avoine en abondance. Wilkins prépara les pièges pour prendre des pigeons, Hugues rapporta quelques pommes de terre comme échantillon, puis chacun rentra au campement souterrain avec une charge d’excellentes choses.

Les jours suivants, les jeunes gens augmentèrent les provisions de grains et de fruits, de pigeons en vie, que Jack plaça dans une grande cage façonnée à leur intention, remplie de grains et de feuillage, afin de les disposer à pondre et à couver.

Sous ce climat torride, il était impossible de conserver plus de deux jours une nourriture préparée par la cuisson ; aussi la petite colonie savait-elle bien qu’avec de l’avoine et des pommes de terre, et surtout avec de l’eau fraîche, il serait facile de soutenir un blocus.

Un jour, les habitants de la grotte découvrirent une infiltration souterraine qui se manifestait dans un coin. L’eau coulait dans un bassin naturel. Jack et ses amis se mirent aussitôt à creuser un puits qu’ils eurent le soin de paver et de murailler avec des pierres et de la terre glaise, et peu à peu la citerne se remplit à leur grande joie.

Tous ces travaux durèrent une dizaine de jours. Une belle matinée, suivie d’un après-midi très ensoleillé, permit aux jeunes gens de faire la récolte du champ de pommes de terre qui fut abondante et de très bonne qualité.

Marguerite se demandait déjà comment on ferait pour emporter ce surcroît de provisions de toutes sortes si l’on était forcé de se mettre en route.

Certain matin Arthur et Wilkins, après avoir inspecté la plaine, s’aventurèrent hors de la forêt pour se procurer des vivres autres que ceux dont ils se nourrissaient depuis quelque temps. Ils ne virent ni kangarous ni émeus ; mais, craignant de s’aventurer trop loin, ils se contentèrent de tuer quelques opossums, de remplir un sac de feuilles de thé australien, récolte qui leur avait été expressément recommandée par Jenny ; ils firent ensuite provision de la plante à sel, qui avait poussé en grande quantité après la pluie. Arthur voulait faire une expérience et s’assurer d’un fait qu’il avait trouvé décrit dans un livre.

« Juste ciel ! monsieur Arthur, dit Wilkins, nous avons fait là un mauvais coup ; car, sans y avoir songé, nous allons laisser ici trace de notre passage voilà nos pieds imprimés dans la boue du marécage. Nous aurions aussi bien fait de placer ici une enseigne pour indiquer aux noirs l’endroit où ils doivent se couler pour nous trouver là-haut. »

Arthur éprouva un grand déplaisir d’avoir commis une pareille imprudence. Mais il n’y avait plus rien à faire, sinon de former une confusion de pas, deci, delà, dans différentes directions ; c’est ce que l’on fit en se dirigeant de l’autre côté du bois, afin de ne pas indiquer l’endroit « faible », c’est-à-dire le passage.

« Allez, monsieur Arthur, observa Wilkins, si Black Peter devine que nous sommes cachés de l’autre côté du bois, il ne lui sera pas difficile de s’ouvrir ou de se faire ouvrir un passage. Je n’espère qu’une seule chose, c’est que les moricauds qui accompagnent mon gredin d’ex-compagnon de chaîne ont encore et continueront à avoir peur de cette forêt sombre. Je leur ai entendu parler des méchants esprits qui hantaient ce « buisson ». Par malheur, Black Peter s’est fourré dans la tête le désir de s’emparer de nos armes, de nos munitions et de notre argent, et il n’abandonnera pas facilement ses projets. J’ai bien fait de lui « chiper » le fusil qu’il avait volé à M. Hugues, n’est-ce pas ? »

Tout en marchant pour contourner la forêt sombre, Arthur se sentit alarmé en voyant de la fumée s’élever au-dessus du bois où se trouvait la grotte des sauvages. Il entendit également ces appels répétés qui annonçaient la présence de l’ennemi, peut-être son espionnage, et il regretta amèrement d’avoir quitté le campement.

Tous les chasseurs se hâtèrent de rentrer dans la caverne du volcan, et il fut résolu que l’on ferait bonne garde, de façon à ne pas être surpris.

Ils trouvèrent à leur retour Jack, qui terminait une sorte de four dans le foyer de la cuisine de Jenny Wilson. Celle-ci y fit cuire des galettes de farine d’avoine, et un pâté de pigeons préparé dans une grande écaille de tortue et couvert de pommes de terre nouvelles.

Aucun de ceux qui faisaient partie de cette petite troupe ne trouvait la viande de l’opossum de son goût. Jenny déclarait qu’elle préférerait manger du singe ; Ruth n’osait même pas toucher à cet animal avant qu’on l’eût fait cuire ; quant à Max Mayburn, tout en déclarant que la chair devait en être bonne, puisque la bête ne se nourrissait que de racines et de plantes, il ne se refusait pas moins à avaler une bouchée d’un rôti d’opossum.

« Toutefois, disait le vieillard, je suis loin de confondre cet animal avec celui des États-Unis, auquel il ne ressemble que par sa conformation et sa gentillesse. À mon avis, c’est une sorte d’écureuil, et si vous examinez la membrane que l’opossum australien peut étendre à volonté pour s’accrocher lorsqu’il saute, vous comprendrez pourquoi les naturalistes ont appelé cette gracieuse bête « l’écureuil volant ».

Les voyageurs se contentèrent de collectionner les peaux d’opossum pour en fabriquer des manteaux. Il n’y eut que Gérald qui se décida à goûter au plat d’opossum et il déclara que sa saveur égalait celle d’un ragoût de lapin de garenne.

Arthur montra à son père la « plante de sel » qu’il avait rapportée et, à la forme de ses grandes feuilles, Max Mayburn déclara que ce végétal devait être le ragodia parabolica de Brown, dont les pousses sont bonnes à manger.

Arthur voulut alors tenter l’expérience dont il avait entendu parler. Il fit bouillir les feuilles pendant quelque temps, puis il soumit le jus recueilli à l’évaporation multiple, si bien qu’à la fin quelques cristaux de sel se montrèrent, au grand plaisir du jeune chimiste et à la grandissime joie de Jenny. La cuisinière recueillit ce sel précieusement, car depuis longtemps elle avait été privée de ce condiment pour assaisonner ses plats. Il fut alors décidé que l’on chercherait à se procurer cette plante si utile partout où cela serait possible.

Les habitants de la grotte du volcan tout en procédant à leurs préparations culinaires, n’avaient point oublié de prendre les précautions indispensables pour cacher leur refuge. Les tiges de pommes de terre avaient été jetées dans la grotte, destinées à être brûlées et sur le champ où elles avaient poussé on s’était hâté de jeter des amas de pierres, de façon à ne laisser aucun indice de culture. Une sentinelle se tenait sur les hauteurs, sentinelle que l’on relevait toutes les trois heures ; et sur les crevasses ou ouvertures de la grotte, on avait amené de grandes pierres plates que l’on avait cachées sous les broussailles. De cette façon, il était impossible qu’un accident pareil à celui qui était arrivé à O’Brien fit découvrir la retraite des voyageurs.

On comprendra facilement que l’intérieur de la grotte était réellement fort triste, quoique l’ouverture principale eût été laissée béante mais on attendait, pour la fermer, qu’une alarme rendît cette réclusion indispensable.

Dès que la pluie cessait, les habitants de la grotte sortaient et demeuraient en plein air, se réjouissant à l’aspect de cette nature enchantée humant le parfum des fleurs et écoutant le concert des chantres ailés de la forêt.

Le gibier ne manquait pas, et Max Mayburn occupait son temps à étudier l’histoire naturelle « d’après nature ».

La cessation de la pluie ramena l’imminence du danger. Du haut de la montagne on apercevait les indigènes chassant les kangarous et les émeus. Black Peter, très reconnaissable parce qu’il était blanc, disait Gérald, se montra un jour, inspectant le sol pour retrouver la trace des « Européens ».

Enfin, un certain matin, par une température sombre, mais sans pluie, l’on put voir une troupe de cinquante hommes environ traverser la plaine, ayant à sa tête le maudit Black Peter, qui les guidait sans hésiter.

Parvenus à cent mètres de la forêt sombre, les noirs firent halte, et Black Peter, après leur avoir adressé la parole, continua seul à chercher la trace sans cacher sa mauvaise humeur et sa rage.

Il s’arrêta enfin à une certaine distance de l’entrée, et, brandissant sa hache au-dessus de sa tête, il appela aussitôt toute la bande. Ceux qui en faisaient partie répondirent à cet appel en jetant leurs haches sur le sol et en se levant sur les pieds pour garder ainsi une attitude de statue. Les sentinelles qui se tenaient sur le haut de la montagne entendirent distinctement les coups de hache qui abattaient des pins. Comme ils étaient convaincus de l’impossibilité dans laquelle se trouvait un homme de faire une trouée, même en y mettant plusieurs jours, ils se tranquillisèrent quelque peu.

Mais les habitants de la caverne du volcan étaient désormais convaincus qu’ils allaient être assiégés : ils connaissaient la grande obstination de Black Peter, et se disaient qu’il arriverait à entraîner avec lui tous les sauvages.

Ces pensées remplissaient de crainte tous les cœurs de ces braves gens. On fit comprendre à Max Mayburn qu’il était urgent de se claquemurer dans la grotte avec Marguerite, Jenny et Ruth. Les hommes devaient veiller à leur sûreté et les tenir au courant de ce qui se passerait.

« Écoutez-moi, monsieur Arthur, dit Wilkins, mon avis est de pratiquer des meurtrières dans le bois et de tirer sur ces misérables-là comme sur des chiens. Je sais bien que vous n’aimez pas à massacrer vos semblables, mais nécessité n’a pas de loi ; défendons-nous et laissez-moi faire : je me charge de vous débarrasser de Black Peter et de mettre fin à ses mauvaises actions.

– C’est bien pensé, s’écria Gérald. À l’abri de nos tranchées, nous atteindrons sans péril tous ces coquins-la.

– Mais les sauvages ne sont pas des coquins, objecta Arthur nous n’avons à leur reprocher que d’être les compagnons du convict. Les fusiller derrière une embuscade, ne serait-ce pas commettre un assassinat ? Que dirait notre père ? Nous n’avons pas le droit de tirer ainsi sur des êtres humains.

— Bah ! ce sont des sauvages, et il n’en manque pas dans le pays pour repeupler le territoire. »

Arthur, bon gré, mal gré, se refusa à ce plan de défense offensive, et il déclara qu’il voulait se tenir sur l’expectative et ne faire feu qu’à toute extrémité.