Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885/ch24

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Traduction par Bénédict-Henry Révoil.
Mame (p. 167-175).

CHAPITRE XXIV

La sécheresse du désert. – Désespoir. – L’eau arrive à la rivière. – Défaite des sauvages. – La faim et la soif. – Les pas imprimés dans la faille. – La mare. – Le télégalle et son nid. – La vallée fertile. – Le fleuve se dirigeant vers le sud.


Les pauvres voyageurs erraient véritablement dans un désert, une sorte de Sahara, couvert de buissons desséchés. Aussi loin que les yeux pouvaient s’étendre, on ne voyait pas même un arbre, deci, delà, pour varier la monotonie du paysage.

De temps à autre, tout en traînant le véhicule d’écorce qui contenait les paquets, ils apercevaient dans le lointain un rideau de roseaux qui semblait border les rives d’un ruisseau ; mais quand ils s’étaient approchés, ils se trouvaient en présence, ou d’un lit desséché, ou d’un fossé dont les terres n’étaient humectées que par les pluies des jours précédents.

Les seuls êtres animés qui se trouvaient dans ces endroits étaient quelques émeus. Ils couraient si vite, qu’on ne pouvait les atteindre ; car la fatigue, l’épuisement, accablaient chacun des malheureux voyageurs.

Deux jours de suite ils s’avancèrent sur ces plaines couvertes de bruyères ; leur provision d’eau était épuisée, et les galettes, les pommes de terre, leur paraissaient impossibles à avaler.

Pauvres égarés ils marchaient lentement, perdant presque l’espérance et le jour suivant ressembla à celui qui l’avait précédé.

Lorsque le soir de ce troisième jour arriva, Max Mayburn se laissa choir par terre.

« Dieu, dans sa sagesse, dit-il à ses enfants, a voulu mettre fin à nos maux dans ce lieu désert ; préparons-nous à mourir et prions.

— Vous vous trompez, mon père, répondit le courageux Arthur. Dieu nous dit de ne pas nous abandonner au désespoir, car jusqu’ici il ne nous a point délaissés. Ma bonne Marguerite, toi qui es croyante et forte, encourage notre père.

— Hélas ! mon cher frère, je me sens mourir laisse-moi ici, mais emporte notre père, sauve-le ! sauve-le !

— Je t’en supplie, ma bien-aimée, reprends tes forces. Relève-toi, continua le frère en prenant les mains de sa sœur. Je suis certain que la pluie tombée hier a dû rester dans quelques creux de terre ou des rochers. Nous devons marcher pour éviter les ennemis qui sont à notre recherche et fuir la mort qui nous environne. Avant toutes choses, il faut passer de l’autre côté de cette rivière boueuse et la mettre entre nous et les sauvages. Je considère comme un bonheur qu’elle ne soit pas remplie, car nous eussions été forcés de rester de ce côté. »

Marguerite était trop faible pour résister, et Arthur dut lui donner le bras et la prendre autour de la taille pour l’aider à franchir le lit du torrent, dans lequel leurs pas s’incrustaient comme dans de la terre glaise. Wilkins et Jack transportèrent Max Mayburn dans leurs bras, et les autres se traînèrent comme ils purent jusque-là.

On s’arrêta sous un grand acacia pour se concerter et reprendre quelque force.

« Je pense, dit Arthur à Wilkins, que cette chaîne élevée de montagnes que nous voyons du côté de l’est, à une grande distance, doit fournir à ces plaines de l’eau et des sources. Je suis certain qu’il doit y avoir quelque réceptacle du précieux liquide à peu de distance d’ici. Vous et moi, mon pauvre garçon, nous sommes plus forts que les autres ; je propose donc que nous allions à la découverte pour leur apporter des secours dont ils ont un besoin absolu.

— Regardez, monsieur Arthur, îà-bas, entre les montagnes de cet endroit-ci, et dites-moi, fit Wilkins, si vous croyez le moment opportun pour abandonner nos camarades d’infortune, même pour un instant. »

Le fils aîné de Max Mayburn, en jetant les yeux à un demi-mille en avant, vit très distinctement une masse vivante qui s’avançait dans leur direction à travers la plaine. Les sauvages revenaient attaquer la petite troupe, et il n’y avait pas d’arbres pour se mettre à l’abri des flèches et des zagaies.

Revenu de sa première stupeur, Arthur dit à son frère :

« Ils doivent être plus près que nous ne le pensons, car je les entends très distinctement. Ne dirait-on pas le bruit de la chute des arbres ?

— Ou plutôt celui de l’eau qui court dans le lit d’un torrent, » observa Wilkins.

Tandis que les voyageurs échangeaient ensemble ces paroles, les noirs continuaient leur marche ; mais il était impossible que le bruit entendu par l’aîné des Mayburn fût produit par les pas de ces hommes. Ce bruit ressemblait à celui d’un corps d’artillerie qui s’avance, d’une troupe d’éléphants qui trépigne dans la jungle, d’un tonnerre lointain au milieu de montagnes boisées.

Tous ceux qui entouraient Max Mayburn ne savaient comment expliquer ce phénomène, et les femmes se mirent à genoux afin de recourir à la prière, extrême ressource et consolation des affligés.

« Mon père, disait Marguerite, le vent m’apporte l’odeur de l’eau. Oh ! donnez-moi à boire, ou je meurs.

— Mais c’est très vrai, ce que vous dites là ? L’eau arrive dans le lit du torrent. Je la vois bouillonner ! Elle avance. Viens, Hugues ! allons en prendre à notre soif. »

Et, tout en parlant ainsi, il sauta dans le lit rempli de boue.

« Vous êtes fou, jeune homme, s’écria Wilkins en le prenant par le bras pour le ramener au bord. Attendez ! nous aurons bientôt plus de liquide que nous n’en voudrons. Donnez-moi un seau, je vais en puiser sans m’exposer comme vous alliez le faire. »

En effet, l’on apercevait un filet d’eau serpenter comme une anguille dans le fossé profond, puis, derrière, une masse énorme entraînant avec elle des arbres, des buissons, des lianes, et remplissant la tranchée naturelle, débordant même dans la plaine.

À peine le convict eut-il le temps de puiser un seau d’eau avant le passage de cette cataracte, de ce « mascaret » inattendu.

Dix minutes après cet incident, l’eau coulait calme, et unie dans le lit naturel qui serpentait à travers le désert australien.

Les pauvres voyageurs, mourant de soif, purent se désaltérer à leur convenance et remercier Dieu, qui était doublement venu à leur secours en leur apportant ce rafraîchissement inespéré, et en plaçant ainsi un obstacle infranchissable entre eux et leurs cruels ennemis.

Black Peter, — car c’était encore lui, — ordonna bien aux plus adroits de sa bande de jeter une grêle de flèches et de zagaies sur les naufragés du Golden-Fairy mais, comme le lit de la rivière avait environ trente mètres de largeur et que le vent soufflait assez violemment, les armes des indigènes n’atteignirent pas leur but.

Les voyageurs, réconfortés et soulagés au delà de leurs espérances, ne perdirent pas un moment pour s’éloigner, et quelques heures après ils disparaissaient aux yeux des noirs et de leur indomptable chef le maudit convict.

« Je suis certain qu’il leur est impossible de traverser le courant d’eau mais je me demande, dit Arthur, quelle raison a engagé ces moricauds à descendre des montagnes jusqu’ici.

— Peut-être n’ont-ils pas trouvé les « coureurs des bois » qu’ils cherchaient, répliqua Wilkins, ou bien, nous ayant aperçus de loin, ont-ils cru pouvoir nous surprendre, sans deviner quel secours sans pareil nous serait apporté par la crue subite de la rivière. Nul d’entre ces mal blanchis ne sait nager, sauf Peter, et il n’a pas osé se jeter seul à l’eau, surtout avec son bras cassé. Allons ! quoi qu’il en soit, les voilà arrêtés pour longtemps.

— Grâce à Dieu ! fit Max Mayburn ; et c’est lui qui, comme à la mer Rouge, a fait un miracle en notre faveur. Que son nom soit loué !

« Reprenons courage pour affronter encore les difficultés que nous aurons à surmonter. Je crois que maintenant nous pouvons sans crainte prendre notre repas et nous coucher de notre mieux, afin de retrouver nos forces. »

Les plus forts de la petite troupe avaient déjà fait ample provision d’eau et tous les récipients étaient pleins ; on alluma rapidement du feu, sur lequel Jenny prépara du thé et des pommes de terre ; puis, le souper terminé, chacun s’étendit pour se livrer au sommeil.

Au lever du soleil, les voyageurs reprirent leur marche avec une ardeur nouvelle : seulement, ce qui les tourmentait, c’était de ne pouvoir se servir du traîneau, eu égard aux difficultés du terrain ; mais lorsqu’à la halte du soir Jenny Wilson apprit aux jeunes gens et à Max Mayburn que la provision de solanées et d’avoine était, épuisée, le désespoir entra dans tous les cœurs et Jack suggéra la pensée d’attenter à la vie des poules de sa sœur pour suffire à la nourriture de tous.

Ruth avait non seulement trois superbes volailles dans son panier, mais encore six poulets d’assez belle venue et bons à manger. On décida donc que deux de ces excellents oiseaux seraient immolés, ce qui allégerait la charge de la pauvre fille et augmenterait la part de grain des autres.

La sœur de Jack se lamenta comme si on lui avait coupé un bras ou une jambe, ce qui n’empêcha pas les voyageurs d’accomplir le sacrifice, sacrifice qui se renouvela deux fois encore, pendant les deux jours suivants. Il ne restait plus que les trois poules, et la provision d’eau, comme celle de pommes de terre et d’avoine, était épuisée.

La famine était dans le camp, et quand on reprit la marche, chacun avait le désespoir au fond du cœur.

De temps à autre on apercevait un émeu bondir dans le lointain ; mais nul parmi les jeunes gens ne se sentait la force de se mettre à sa poursuite. Arthur essayait vainement de rendre le courage à ces âmes abattues.

« Luttons encore contre notre mauvaise fortune, disait-il ; voyez là-haut cette haie de roseaux ; je pense qu’il y a de l’eau en cet endroit. Viens, ami Jack, allons en avant, et si nous trouvons ce qui est indispensable à nos parents, à nos amis, nous retournerons bien vite pour leur rapporter des secours. »

Emportant avec eux tous les récipients vides, sans oublier les armes en cas de besoin, les deux jeunes gens se dirigèrent vers les grands roseaux, derrière lesquels, après s’être taillé une route, ils ne trouvèrent que le lit d’un courant d’eau, plein de boue humide, mais sans aucune cavité remplie du précieux liquide.

« Remontons le long de cette tranchée, dit Arthur à Jack, peut-être rencontrerons-nous ce que nous cherchons. Mais que vois-je ? des pas d’homme. On a déjà passé par ici.

— C’est vrai, répliqua le frère de Ruth. Ceux qui ont laissé les traces de leurs pieds sur cette terre molle portaient des bottes ce ne sont pas des sauvages ; plaise à Dieu que ce ne soit pas pis encore ! Voyez, monsieur Arthur, les pas se dirigent en remontant. Allons-nous les suivre ?

– Certainement, car il nous faut de l’eau à tout prix sinon, c’est la mort. D’ailleurs, mieux vaut suivre de prétendus ennemis que d’être suivis par eux. Ah ! j’aperçois de l’eau ! Dieu soit loué ! Buvons vite, et hâtons nous de rapporter à ceux que nous aimons la vie et le soulagement à leurs maux. »

Les deux jeunes gens burent à plein gosier et baignèrent leurs visages brûlants dans l’eau salutaire ; cela fait, ils remplirent leurs vases et rejoignirent au plus vite Max Mayburn, Marguerite et les autres. Lorsque tout le monde eut étanché sa soif, on parla des traces que l’on avait découvertes dans la fange du torrent.

« Il faut que je voie cela de mes propres yeux, répliqua Wilkins ; si ces pas sont ceux des « coureurs des bois » je vous le dirai bien vite. Voulez-vous que nous allions jusque-là ? »

Toute la petite caravane continua donc sa marche jusqu’au lit du courant d’eau.

« Ce sont là des empreintes de semelles de convicts évadés, s’écria Wilkins dès qu’il eut inspecté les traces. Ils sont au nombre de quatre et ont avec eux des chevaux. Sans aucun doute, ils ont fuit une prise quelque part, et je ne serais pas éloigné de croire qu’ils ont établi leur résidence là-haut vers le nord. Je crois maintenant que Black Peter allait rejoindre ces gens-là. »

Tandis que Wilkins s’expliquait avec Arthur, O’Brien et Hugues, s’aventurant en remontant la rivière, étaient parvenus devant une mare couverte d’oiseaux d’eau. Ils eurent la chance d’abattre deux paires de canards et reprirent bien vite la route qu’ils avaient suivie, pour rapporter ces excellents vivres au campement. Le feu fut allumé pendant qu’on plumait les palmipèdes, qui furent embrochés, rôtis et mangés avec la voracité de la faim.

Les voyageurs eussent bien voulu continuer leur chemin dans le lit du torrent, où ils eussent trouvé de l’eau et du gibier ; mais ils ne jugèrent pas prudent de suivre la même route que les bandits évadés de Melbourne et tout en soupirant, chacun rentra dans le désert en suivant la direction du sud. Ils emportaient de l’eau pour deux jours ce qui leur donnait bon courage, et, peu à peu, l’aspect sévère de ces plaines désertes ne leur parut pas si terrible qu’auparavant.

Et pourtant ce pays aride n’était pas aussi inhabité qu’on eût pu le croire. Pendant la seconde journée de marche, Gérald se mit à crier tout à coup :

« Un dindon ! un dindon ! »

Une volée de flèches, de javelots et le boomerang de Baldabella furent lancés contre l’oiseau, qui fuyait de buissons en buissons, et qui finit par s’élancer sur les branches d’un grand arbre. Ce poste était dangereux pour la pauvre bête qui ne tarda pas à être perforée par une flèche et tomba aux pieds des chasseurs.

La bête appelée dindon par O’Brien était bien plus grosse que cet oiseau des basses-cours de l’Europe. Ruth manifesta sa joie en voyant ce gallinacé, qui lui donnait l’espoir d’un renouvellement de volailles.

« Je ne me trompe pas, observa Max Mayburn, c’est là une méliagride, c’est un télégalle, ainsi nommé par le célèbre naturaliste Gould. Regardez les pattes, dont les doigts servent à l’oiseau pour courir sur terre, et pour grimper sur les arbres quand il s’agit de fuir les dingos, autrement dit les chiens sauvages de l’Australie. Cherchons maintenant le nid du télégalle, qui à l’exemple de l’autruche laisse au soleil le soin de faire éclore les œufs qu’il y pond. On assure que ces œufs sont délicieux à manger. Du reste, je serai bien heureux d’examiner cette construction, que l’on dit très curieuse. »

Sans aller bien loin, les voyageurs découvrirent une sorte de bûcher assez élevé, qui semblait avoir été fait par la main des hommes, tant il était régulier et artistement façonné. Tout autour de son nid, l’oiseau avait déblayé le terrain, et les buissons qui s’y trouvaient servaient à élever cette construction fragile. Si la partie inférieure du nid paraissait dégradée et abaissée, le sommet était garni de branches nouvelles et parfaitement élaguées.

« Tout porte à croire que cette pyramide de fagots date de quelques années, observa Max Mayburn. Les télégalles du canton se sont associés pour fabriquer ce monument, destiné à l’incubation de leurs œufs. J’hésite à déranger un travail qui a coûté tant de soins à ces êtres emplumés. Essayons toutefois de découvrir une partie de ce nid, pour mieux voir la façon dont il est fait au centre. »

Les jeunes gens montèrent au sommet du bûcher, élevé d’environ cinq pieds, et après avoir découvert le haut du nid, ils virent, au fond de la cavité, un grand nombre d’œufs blancs, d’une forme ovale allongée, tous rangés la pointe en bas et séparés de trois lignes les uns des autres. Un des œufs était ouvert, et l’on apercevait, grelottant à l’intérieur, un petit oisillon couvert de plumes avec un peu de duvet.

À la vue de ce « nouveau-né », Ruth éprouva un sentiment de dégoût, et ne demanda plus qu’on le lui confiât pour l’élever.

Malgré le désir que les voyageurs auraient eu de faire une omelette avec les œufs du télégalle ils abandonnèrent cette idée car ces œufs étaient près d’éclore. Le télégalle rôti fut trouvé exquis, et d’ailleurs l’excellent appétit de tous les jeunes gens et des autres eût fait manger des semelles de bottes, à plus forte raison un oiseau rare et de la famille des dindons.

« Demain matin, observa Arthur, nous nous dirigerons vers les montagnes verdoyantes que nous voyons là-bas, et tout me fait espérer que nous arriverons dans un pays plus agréable que celui-ci. Ah ! si nous rencontrions un courant d’eau se dirigeant du côté du sud nous pourrions continuer notre voyage en canot. Je commence à croire que nous avons dépassé la zone du nord de l’Australie, et que nous nous trouvons dans celle du midi.

— Je voudrais bien qu’il en fût comme vous le désirez, observa Wilkins ; mon avis est que nous arrivons en plein dans la région occupée par les coureurs des bois, et, en suivant cette route, nous tomberons infailliblement sur un de leurs campements. »

L’aspect des montagnes verdoyantes réjouit tellement le cœur des voyageurs, qu’ils s’offrirent du thé à leur repas, quoique la provision d’eau fût presque épuisée. Ils s’avancèrent alors gaiement sous des bosquets de stenochylus, couverts de fleurs rubescentes ; sous des touffes de boronias, au feuillage éclatant strié de fleurs lilas. Les oiseaux chantaient dans les arbres et charmaient la solitude, et leur brillant plumage illustrait le paysage pittoresque de ces parages.

Les voyageurs parvinrent au sommet d’une montagne qui offrait de grandes difficultés d’ascension : le vent qui soufflait, leur apportant des senteurs balsamiques, leur promettait un séjour fort agréable dans ce nouveau territoire. Le coup d’œil était féerique ; car des deux côtés de la montagne s’ouvraient des vallées bordées de forêts superbes, étagées sur des collines à la cime desquelles on apercevait des roches dénudées ressemblant à des ruines de châteaux.

Du côté du sud-ouest, une grande ligne noire à i’horizon indiquait la bordure d’un fleuve : c’était là que se portaient toutes les impatiences des voyageurs. Aussi après un temps de repos fort court, la petite troupe s’avança à travers une plaine couverte de plantes rares, dont l’aspect était nouveau pour les voyageurs. Ils y retrouvèrent avec joie l’avoine aux épis mûrs, dont ils remplirent d’énormes sacs sans cesser de marcher.

Max Mayburn pleurait de joie, et remerciait la Providence, qui leur prouvait qu’elle n’abandonne jamais ses enfants. La petite Nakina, qui se trouvait près du vieillard, murmura les premiers mots de la prière : « Notre Père, qui êtes aux cieux, » et les voyageurs achevèrent l’oraison commencée par l’enfant.

Enfin l’on atteignit les berges d’un fleuve coulant à pleins bords, et Arthur, de concert avec Jack déclara que l’on allait couper des écorces d’arbres afin de construire deux canots. On s’occupa aussitôt de ce soin, car la dépouille des arbres devait sécher pendant la nuit.

Tandis que les jeunes gens aidaient le constructeur et préparaient des cordes, Baldabella s’en alla harponner deux superbes poissons de l’espèce « mulet » et rapporta une masse de moules qui servirent au souper.

Et chacun se coucha sur des lits de bruyère en se couvrant de fourrures, car les nuits devenaient très fraîches.