Revue Musicale de Lyon 1903-12-22/Correspondance

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Correspondance de Paris

Je sors d’entendre l’Enfance du Christ et je ne puis dire combien j’ai été touché par le charme de cette musique, son archaïsme discret, son instrumentation à la fois si colorée et d’une teinte grise et vieillotte exquise, enfin la tendresse et la pureté de sa mélodie.

Et je comprends presque la bévue ridicule des contemporains de Berlioz acceptant, les yeux… ou plutôt les oreilles fermées, l’attribution de l’œuvre à un obscur maître de chapelle du dix-septième siècle.

Certes mille détails d’instrumentation et surtout de style auraient dû exciter une juste méfiance, mais on était cependant si loin de la manière habituelle de Berlioz qu’il y avait bien de quoi s’y tromper.

L’œuvre ne sera jamais populaire comme la Damnation ; son cachet de distinction la préservera peut-être d’un enthousiasme facile mais elle aura une place de choix au fond du cœur des musiciens délicats.

Vraiment M. Colonne a droit aux plus sincères et aux plus enthousiastes éloges pour la façon dont il a monté cet ouvrage.

On est assez habitué à l’excellence des chœurs et de l’orchestre dans la Damnation, c’est connu, archi-sû et par conséquent il semble à première vue que cela doive naturellement marcher tout seul. Au contraire voici une œuvre de moindres proportions, il est vrai, mais n’ayant pas été jouée depuis quelques années et cependant tout a marché avec une précision, une aisance et une souplesse vraiment admirables. On a bissé d’acclamation le fameux trio des Jeunes Ismaëlistes pour deux flûtes et harpe ; on ne pouvait rêver une meilleure exécution que celle qu’en ont donné Mme Provinciali-Celmer et Mrs Barrère et Blanquart.

L’interprétation vocale fut également au-dessus de tout éloge de la part de Mme Auguez de Montalant (Marie), de Mrs Jan Reder (Joseph), Dantu (le Récitant), Lafont (Hérode) à la voix très belle et à la diction parfaite, enfin Mrs Ballard, Sigwalt et Mallet.

J’ai cité tout le monde ; et vraiment il eut été injuste de ne pas le faire. Si quelque Lyonnais dilettante s’aventure dans la Ville-Lumière aux approches de Noël, il ne saura faire, je pense, un meilleur emploi de sa matinée dominicale qu’en venant entendre l’Enfance du Christ avec l’interprétation idéale du Châtelet.

Ed. Millioz.

Sous la direction de M. Reynaldo Hahn, ont été données la semaine dernière au Nouveau-Théâtre, à Paris, des auditions intégrales, et dans le texte original, du Don Juan de Mozart.

Parmi les interprètes, citons Mme Lili Lehmann, la grande cantatrice autrichienne (donna Anna) et notre compatriote Victor Blanc (Masetto) dont nous avons annoncé il y a deux mois les débuts dans le Crépuscule des Dieux aux concerts Lamoureux.