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Revue Musicale de Lyon 1904-02-24/Chronique lyonnaise

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Chronique lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE


La Walkyrie

La première journée de la Tétralogie forme avec la troisième, entendue ici pendant les semaines précédentes, un contraste accusé. Ce qui met en lumière surtout cette opposition, c’est indiscutablement la part prépondérante donnée aux voix dans la Walkyrie. Les phrases mélodiques, excepté le récit de Siegfried et le chant des Rheintöchter, qui sont l’un et l’autre des emprunts aux journées précédentes, sont constamment instrumentales dans le Crépuscule. Dans la Walkyrie, au contraire, il se rencontre à chaque page des mélodies vocales développées et étendues : sans parler du Lied du Printemps, on ne saurait contester que l’invocation de Siegmund a l’épée, l’annonce du Walhall prochain par Brünhilde, une grande partie des supplications de la Walküre, et les adieux de Wotan ne donnent aux voix une place prépondérante, facilitent et rendent plus agréable le rôle de l’acteur et simplifient enfin l’effort de compréhension pour le public non initié en lui rappelant le principe et le procédé fondamental de l’opéra classique : tout aux voix.

Orchestralement, la Walkyrie est d’une complexité moindre que le Crépuscule, avec un enchevêtrement contrapontique beaucoup moins touffu, des thèmes moins altérés et surtout moins fondus, une instrumentation enfin plus simplifiée, moins savante et moins inaccessible au grand public.

On pouvait s’attendre à avoir de la Walkyrie une reprise au moins aussi intéressante que la création du Crépuscule, les éléments étant les mêmes, et l’effort à produire étant beaucoup moins considérable. La Walkyrie avait d’ailleurs été donnée à Lyon, il y a quelques années, d’une façon satisfaisante, et l’on était en droit d’espérer que la nouvelle interprétation ne laisserait rien regretter de la première.

Au point de vue orchestral, la comparaison est évidemment tout à l’honneur de la reprise actuelle. Les critiques que nous avions formulées contre l’exécution instrumentale de la Goetterdaemmerung, n’ont plus ici leur raison d’être. L’effacement relatif des cuivres devant le quatuor des cordes dans la partition de la Walküre, a permis de dissimuler la fâcheuse disproportion de l’orchestre lyonnaise, et l’absence si regrettable des altos et des violoncelles supplémentaires. En outre, on a eu l’heureuse inspiration de lacer les timbales, non pas à la partie la plus avancée de l’orchestre, mais dans une galerie couverte, en arrière, et en contre-bas. Enfin, et c’est à l’essentiel, M. Flon avait parfaitement mis au point et a conduit d’une façon tout à fait supérieure. Nous n’avons que des éloges à lui adresser : les phrases chantantes, les pages symphoniques ont été mises excellemment en lumière, notamment l’Incantation du feu.

Par contre, l’interprétation vocale n’a pas été à l’abri de tous reproches. Mettons hors de cause Mme Claessen, qui a été interessante, et meilleure ici que dans le Crépuscule. Exceptons encore, à la rigueur, M. Paul Daraux, qui chante avec une méthode parfaite, et a la prononciation la plus excellente qui se puisse imaginer, mais qui n’a ni autorité, ni tenue en scène, et qui surtout n’a la voix ni assez forte ni assez étendue, vacillante et grêle dès le mi, inexistante pour le fa. Mais le reste !…

Le reste, nous eussions mieux aimé n’en pas parler, nous contentant de considérer cette reprise de la Walküre comme nulle et non avenue. Mais la considération que la Tétralogie doit être reprise dans son ensemble, que c’est là une entreprise des plus honorables et des plus heureuses dont nous ne saurions nous désintéresser, nous oblige à dire quelques mots des artistes qui sont appelés à chanter la seconde journée tétralogique.

M. Gauthier, nous le répétons ici pour la dixième fois, a une très belle voix, mais il n’a rien de ce qui fait un interprète du drame wagnérien : le premier acte de la Walkyrie lui est apparu comme une succession de vagues romances et de cantilènes à la Massenet. Il lui manque toute une éducation spéciale : espérons que les conseils compétents ne lui feront pas défaut.

Mme Charles Mazarin avait apporté à l’œuvre de Wagner, l’appoint de son masque Cavalleria et de son hoquet tragique : Nous estimons que la Walkyrie aurait pu s’en passer. À l’heure où paraîtront ces lignes, Mme Mazarin aura d’ailleurs fait place à une artiste infiniment plus qualifiée pour représenter Sieglinde.

Mlle Domenech après un essai malheureux dans la Waltraute du Crépuscule, s’est mesurée avec un rôle qui n’est facile ni au point de vue scénique, ni au point de vue vocal. Elle ne nous a pas semblé une Fricka bien transcendante, bien qu’elle soit certainement en progrès.

Le rôle de Hunding était magistralement tenu par M. Sylvain. Ceux des Walküren étaient convenablement interprétés par Mmes Rogery, La Palme, Gavelle, Pierrick, etc., etc.

La mise en scène n’avait fort heureusement rien à voir avec celle, économique et piteuse, du Crépuscule.

En résumé, il n’y a pas fort à se louer de cette reprise de la Walkyrie. Nous espérons que d’importantes modifications et des progrès sensibles auront lieu après cette première que nous considérons comme une simple répétition et que l’interprétation définitive du Ring sera un peu plus digne de l’œuvre du Maître.

Edmond Locard.

LES CONCERTS

Concert Marteau

Le dernier des concerts donnés par M. Henri Marteau, qui furent très suivis cet hiver, comportait la première audition du quatuor en mi majeur de E. Jacques-Dalcroze.

On sait que M. Jacques-Dalcroze, dont les œuvres, pourtant remarquables, sont encore à peu près ignorées à Lyon, est, depuis 1892, professeur d’harmonie au Conservatoire de Genève. Ses compositions les plus connues sont certainement les Chansons romandes si particulières par leur esprit et leur caractère national très accusé et qui, comme les Enfantines, sont devenues populaires dans les campagnes romandes. M. Jaques-Dalcroze a écrit pour le théâtre deux importantes comédies musicales, Janie et Sancho Panza représentées avec succès sur plusieurs scènes suisses et allemandes.

Écrivain distingué, il a, dans ses conférences en Suisse, en Hollande, et en Danemark, soutenu vivement la jeune école française, fait d’intéressantes études comparatives sur les principaux critiques de France et fondé une importante revue, la Musique en Suisse, organe très apprécié de la Suisse française.

Le quatuor en mi, à première audition et jugé sans étude préalable de la partition, ne nous a pas semblé aussi réussi que les autres compositions que nous connaissions de M. Jaques-Dalcroze ; c’est une œuvre certainement très intéressante, mais dont la forme même ne semble pas convenir parfaitement au tempérament tout primesautier du jeune musicien. Les thèmes ne sont pas toujours d’une originalité très accusée et ils se succèdent, se juxtaposent et se soudent les uns aux autres plutôt qu’ils ne se développent. L’intermezzo est pourtant très personnel, mais le scherzo ne nous a guère plu.

L’interprétation qu’en a donnée le quatuor Marteau fut excellente. Nous avons déjà dit les qualités de cette nouvelle société qui, sans avoir acquis encore toute l’homogénéité que l’on admire chez les anciens quartettistes, tels que les Tchèques, est en progrès constant, et dont, dans l’admirable quatuor no 12 de Beethoven et surtout dans celui en ut de Mozart, exquisement détaillé, nous avons apprécié une fois de plus la qualité de son, la sûreté, la précision rythmique et aussi la compréhension artistique.

L. V.

Hier soir a eu lieu au cirque Rancy un concert de l’orchestre Colonne. Nous en rendrons compte dans notre prochain numéro.

Rappelons que c’est mardi, premier mars, qu’aura lieu au Casino le grand concert donné par l’orchestre Lamoureux sous la direction de M. Camille Chevillard.

Nous avons déjà donné dans notre dernier numéro le programme de cette grande fête artistique ; rappelons qu’il comporte comme pièce principale la cinquième symphonie de Beethoven, le prélude de Tristan et Isolde et la mort d’Isolde de R. Wagner ; enfin les 2e, 3e et 4e parties de Roméo et Juliette de Berlioz.

La location pour ce concert est en vente chez M. Dulieux, éditeur de musique, rue de l’Hôtel-de-Ville, 98.

Le vendredi, 4 mars, salle Philharmonique, le quatuor Zimmer, de Bruxelles, qui obtint l’an dernier à Lyon le plus grand succès à l’une des auditions de la Schola Cantorum, donnera un concert dont le programme comporte le quatuor en ré mineur de Mozart, le quatuor en mi de G. M. Witkowski. L’œuvre de notre collaborateur qui lors des auditions de Bruxelles et de Paris (1903) a été reconnue comme une œuvre de tout premier ordre, a, on s’en souvient, été accueillie avec le plus grand enthousiasme à Lyon au mois d’avril dernier.

Nous publierons dans notre prochain numéro une courte étude sur l’œuvre de G. M. Witkowski.