Revue Musicale de Lyon 1904-03-09/Musiques d'Église

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Musiques d’Église

ii

À partir du viiie siècle, on continua à ajouter de nouveaux chants aux livres de saint Grégoire. Des moines de l’abbaye de Saint-Gall, et particulièrement Notker et Hartker, composèrent de nombreuses mélodies dont la plupart sont demeurées, sinon dans les offices liturgiques, du moins dans les livres de chœur. Au xiiie siècle, on composa en entier les chants de l’office du Saint-Sacrement, d’allure plus moderne, où déjà on voit apparaître, avec un rôle important, la note sensible inconnue aux modes primitifs. De nos jours encore, l’addition de fêtes nouvelles au calendrier de l’Église nécessite la composition de chants nouveaux ; toutefois, on utilise surtout pour ces pièces nouvelles, les mélodies anciennes qu’on modifie légèrement, suivant les exigences du texte latin.

D’avoir répondu à la question des origines du plain-chant n’est pas, par là même, avoir prouvé que nous possédons le plain-chant original. En effet, les textes de plain-chant ont une histoire, histoire faite des nombreuses et profondes modifications qu’ils ont subies depuis le viie siècle et que nous allons sommairement étudier.

Les modifications dont nous parlons sont de deux sortes, modifications dans la notation, modifications dans le texte mélodique lui-même.

Avant saint Grégoire et même, semble-t-il, de son temps, on n’employait pour fixer les mélodies, que la notation littérale. On représentait les sept notes de la gamme diatonique, en commençant par le la grave du deuxième mode (hypodorien), par les sept premières lettres de l’alphabet ; la = a, si = b, ut = c, = d, mi = e, fa = f, sol = g. Suivant l’octave, on donnait à ces lettres la forme majuscule ou la forme minuscule, ou bien encore on les doublait. La notation pneumatique et aussi la notation moderne ont gradé plusieurs restes de cette ancienne notation ; le b, si, suivant qu’il était naturel ou abaissé d’un demi-ton, était écrit carré (quadratum), ou rond, (rotundum, molle, doux), d’où les mots de bé-carre et bé-mol. Les 3 clés en usage dans la musique moderne proviennent aussi de l’ancienne notation littérale. Sol, avons-nous dit, était représenté par la lettre G, dont le graphisme a donné, en se transformant le signe actuel.

F représentait le fa. Des copistes trouvèrent trop raide la forme originale, l’arrondirent et finirent par séparer complètement du jambage le plus grand les deux plus petits en les réduisant à de simples points (d’où la clef de fa actuelle).

La notation littérale, si elle fixait d’une façon précise les mélodies, avait le double inconvénient, grave pour des chanteurs, de parler fort peu aux yeux et de n’indiquer en aucune façon le rythme qui consistait essentiellement dans l’accentuation tonique des syllabes latines. On suppléa à ce défaut par l’emploi de la notation neumatique.

(À suivre).
Jean Vallas.