Revue agricole (La Nature - 1873)/01

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REVUE AGRICOLE
LES CONCOURS RÉGIONAUX. — RÉORGANISATION DU CONSEIL SUPÉRIEUR DU COMMERCE, DE L’AGRICULTURE ET DE L’INDUSTRIE. — LA FENAISON.

L’agriculture est entrée dans la saison de ses travaux les plus importants. De tous côtés ont eu lieu les concours régionaux, les comices agricoles, et malgré les désastres éprouvés par les départements envahis, nous avons été heureux de constater que le courage et l’énergie n’avaient point abandonné les cultivateurs de notre malheureux pays.

Parmi les améliorations qu’on se propose de réaliser dans les concours, nous signalerons la réforme des programmes dans un sens plus spécial à chaque contrée, dans le but d’encourager surtout la culture des végétaux et des animaux de chaque région agricole.

Un autre vœu, très-important c’est que, dans les concours régionaux, l’espèce chevaline soit admise au même titre que les autres espèces d’animaux domestiques, et indépendamment de l’administration des haras. Si, depuis vingt-cinq ans, les agriculteurs avaient pu agir sur la production du cheval, l’élevage serait aujourd’hui considérablement amélioré, car il est incontestable que les concours régionaux sont les meilleurs stimulants de la prospérité agricole. Aussi est-il très-important que l’Assemblée nationale ne supprime pas les allocations qui sont destinées à ces concours.

Puisque nous sommes dans les questions de réorganisation, nous devons dire que le nouveau ministre de l’agriculture et du commerce, M. de la Bouillerie, a inauguré son entrée en fonctions par la réorganisation du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie. Ce conseil, après divers changements, avait été rétabli par les décrets des 13 mars et 6 mai 1872. La nouvelle réorganisation augmente le nombre des membres et divise le conseil en trois sections, correspondant aux trois grands intérêts : commerce, agriculture et industrie sur lesquels il sera consulté.

Le temps a été presque partout très-favorable à la fenaison, opération qui paraît bien simple et sur laquelle on a beaucoup discuté. Il paraît néanmoins hors de doute, aujourd’hui, que les combinaisons alimentaires, résultant de l’opération du fanage, sont plus complètes ou mieux conservées dans les foins obtenus par la fermentation concentrée que par le séchage extérieur tel qu’on le pratique. Les inconvénients de celui-ci sont réels. Par le mauvais temps, il est, difficile, onéreux et ne donne qu’un fourrage dont les qualités sont plus ou moins détruites, et qui même peut être avarié ; par un soleil trop ardent et sous l’influence d’un air trop desséchant, il favorise la chute des fleurs et des feuilles, et ne fournit plus que des tiges dures et ligneuses, dépouillées de leurs parties les plus riches et les plus alimentaires. Le faneur reste bien plus maître de l’opération lorsqu’il procède par fermentation.

Le même moyen est applicable au fanage du trèfle, de la luzerne ou de la vesce. L’expérience a démontré que ces plantes, difficiles à dessécher au point voulu par le séchage appliqué au fanage des foins naturels, devenaient friables et cassantes par un temps très-chaud ou très-sec, et perdaient alors le meilleur de leur substance ; ce sont ces inconvénients qui ont montré les avantages de la fermentation.

Voici comment on procède : on laisse en place, sans y toucher, les andains, pendant un ou deux jours, puis on forme des petits tas de cinq à six décimètres de diamètre sur autant d’élévation. On les confectionne avec la précaution de ne pas les serrer. Lorsque le temps est beau, en deux ou trois jours on obtient une demi-dessiccation qui permet de former d’autres tas, auxquels on donne la forme conique et une hauteur de 2 mètres environ. Il faut avoir soin que ces petits meulons aient une forme régulière et pointue, afin que les fortes averses ne les endommagent pas.

La fermentation se développe et la dessiccation s’opère sans autre manipulation ; les choses restent en cet état jusqu’à l’enlèvement du champ, si la première opération a été suivie de pluie.

On se borne à retourner les petits tas et à les desserrer, afin que l’air puisse les pénétrer et les faire parvenir à la demi-dessiccation, jugée nécessaire, avant d’en venir à faire les petits meulons coniques.

On ne charge la voiture, pour la rentrée de ces fourrages, que le soir et le matin ; on évite ainsi les heures d’ardeur du soleil et de grande sécheresse de l’air, durant lesquelles les feuilles et les fleurs se brisent si facilement.

M. Heuzé, de retour de l’Exposition de Vienne, a exposé à la Société centrale d’agriculture le résultat de ses observations agricoles dans les provinces d’Autriche ; il a cité les procédés de fanage usités dans le Tyrol et la Carinthie, et qui se distinguent par l’emploi de cavaliers en bois pour former des séchoirs.

Pour notre pays, ce mode ne peut constituer qu’un expédient, qu’un accident ; rien n’y est préparé pour l’employer à point nommé, et la récolte serait probablement fort compromise, avant qu’on fût en mesure de la sauver par ce procédé.

La moisson ne va pas tarder à commencer. On fauche déjà les escourgeons, et le ministre de la guerre vient d’adresser aux préfets des instructions au sujet du concours prêté par les soldats aux cultivateurs.

Il résulte de ces instructions que pour rendre plus facile et en même temps plus prompte la transmission de demandes des cultivateurs, ces demandes seront approuvées et adressées aux autorités militaires, non par les préfets mais par les sous-préfets, qui ne devront, bien entendu, les appuyer qu’après s’être assurés qu’il y a réellement insuffisance d’ouvriers civils dans les localités.

De plus, l’indemnité à payer par les cultivateurs aux militaires mis à leur disposition, sera désormais fixée d’une manière uniforme pour chacune des dix régions géographiques, entre lesquelles se répartissent, au point de vue agricole, les départements de la France.

Chacun de ces militaires recevra une somme de 1 fr. 25 c. par jour, outre la nourriture telle qu’elle est donnée aux ouvriers civils, travaillant dans les mêmes conditions. Enfin, pour assurer, autant que possible, le bon ordre et la discipline parmi les soldats qui seront employés chez les cultivateurs, l’autorité militaire les fera surveiller, d’une manière spéciale, par la brigade de gendarmerie du canton où ils séjourneront momentanément. Ils seront, à la moindre plainte, renvoyés au corps et y subiront, s’il y a lieu, des punitions proportionnées à la gravité des faits qui leur seront imputés.

Ernest Menault.