née à Lausanne le 7 mai 1751, morte en 1832.
CAROLINE DE LICHTFIELD, 2 vol. in-12, Lausanne, 1786. — Il y a peu de romans dont le succès soit aussi mérité et aussi généralement établi que celui de Caroline de Lichtfield. Ce roman a été trop lu pour qu’il soit besoin d’en faire l’analyse : Caroline, Walstein, Lindorf et Mathilde sont connus et aimés de tout le monde ; on ne peut lire leur histoire sans éprouver les plus vives et les plus douces émotions. — Nous remarquerons toutefois que ce roman commence comme les autres finissent, par le mariage de l’héroïne ; il n’est pas moins bizarre que ce qui ramène Caroline à un époux pour lequel elle conçoit d’abord une aversion très-vive, soit une grande passion pour le meilleur ami de son mari ; mais cette singularité ne nuit ni à la vraisemblance ni à l’intérêt. L’auteur a peint d’une manière charmante le développement de la sensibilité de son héroïne. Cette jeune fille, d’abord si légère, si insouciante, devient bientôt la femme la plus intéressante, la plus courageuse et la plus sensible. Quelle aimable ignorance dans ses premiers jugements ! Son père lui parle du comte de Walenstein, et lui apprend qu’il est le favori du roi ; dès lors Caroline le croit charmant ; ce mot de favori lui donne des idées les plus riantes ; elle se rappelle son oiseau favori, son chien favori, son mouton favori, donc le favori d’un roi devait nécessairement être le plus beau de son espèce. Mais toutes ses idées changèrent dès qu’elle eut vu le comte ; il lui paraît un monstre ; elle s’étonne du singulier goût des rois dans le choix de leurs favoris, et proteste que si elle était reine, le comte de Walenstein ne serait pas le sien. Il le devint pourtant, et elle aima passionnément ce monstre.
DOUZE NOUVELLES, 4 vol. in-12, Genève et Paris, 1812. — Ce recueil contient les nouvelles suivantes : Sophie ou l’Aveugle (imitée de Starke, mais dont la suite est originale) ; Eliza et Albert ; le petit Antoine (imitée de Starke) ; Deux visites (l’une imitée de Starke et l’autre originale) ; le Vieux savetier (imité de Starke) ; le Songe (imité de Musæus) ; le Vieux célibataire ; l’Avalanche (imitée de l’allemand) ; le Rosier et le Mouton (imité de l’allemand). Cette dernière nouvelle est sans contredit la plus intéressante de la collection ; nous allons essayer d’en offrir quelques traits dans une rapide analyse. Un professeur de philosophie était éperdument amoureux d’une jeune demoiselle, et les yeux d’Amélie lui avaient répondu assez favorablement. Il avait découvert qu’Amélie, qui aimait beaucoup les fleurs, désirait depuis longtemps d’offrir, le 1er janvier, un beau rosier fleuri à sa mère, mais qu’elle n’avait pu réussir à en élever un. Le professeur saisit avec ardeur ce moyen de faire sa cour ; il achète plusieurs rosiers, et parvient, après avoir vu périr tous les autres, à en élever un seul, qui, vers la fin de décembre se couvre de boutons. La veille du jour de l’an, il voit passer Amélie dans la rue, la voit entrer dans une maison voisine, surprend un regard qu’elle lui lance furtivement, et reste longtemps la vue fixée sur les murs qui lui dérobent l’objet de son amour ; le froid qui le saisit lui rappelle que son rosier est encore exposé à l’air, il va pour le rentrer, mais, ô désespoir ! à peine est-il dans l’antichambre qu’il entend un singulier bruit, comme d’un animal qui broute ; il s’empare de la première chose qui lui tombe sous la main, c’était des pincettes ; il veut chasser la bête gloutonne. Hélas ! il était trop tard ; elle venait d’arracher la belle branche aux boutons. À cette vue, il décharge un coup de ses pincettes sur l’animal qui venait de détruire ses espérances, et l’étend à ses pieds. Il appelle sa servante, et lui reproche d’avoir laissé libre un de ses moutons, qui vient de détruire son rosier. — Ce n’est pas un de mes moutons, dit-elle ; l’étable est fermée, et ils y sont tout. Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! que vois-je ! c’est le mouton chéri de mademoiselle Amélie votre voisine, qui est si jolie et si bonne. Pauvre Robin ! que venais-tu faire ici ? Comme elle va être fâchée ! … Il faut voir dans la suite du conte la douleur et la douceur d’Amélie, la crainte et l’embarras de son amant : l’incident qui naît de la mort du mouton avance fort les affaires du professeur de philosophie et amène un dénoûment favorable, que la mort du mouton ne permettait guère d’espérer.
DIX NOUVELLES, pour servir de suite aux Douze Nouvelles, etc. 3 vol. in-12, 1815. — Ces dix nouvelles sont : le Serein de J. J. Rousseau, le Retour de Maurice (imité de Starke) ; le Monastère de Saint-Joseph (trad. de Gœthe) ; Anecdote récente de Calcutta ; Renonciation ; Montfort et Rosenberg ; Anecdote sur la science de physionomie ; Amélie et Joséphine ; le baron Adelstan ; Christian Woldan (imité de Starke). — La plupart de ces nouvelles sont traduites de l’allemand ou tirées des recueils périodiques allemands où elles sont insérées sous le voile de l’anonyme.
SUITE DES NOUVELLES, 8 vol. in-12, 1828-29. — Deux nouvelles de Mme Picheler remplissent une partie de ce recueil, et en sont la plus agréable comme la principale partie. La première, intitulée Cécile de Rodeck, ou les Regrets, est moins romanesque que morale et philosophique. Cécile, pleine de grâces et d’esprit, mais un peu légère, un peu étourdie, repousse les vœux d’un jeune seigneur allemand qui, élevé avec simplicité dans l’antique château de ses nobles aïeux, n’a point le ton élégant et les bonne manières du monde, et lui préfère un jeune homme pourvu de ces qualités brillantes ; mais bientôt elle a lieu de se repentir de son choix. Le comte Ernest, l’amant éconduit, s’éloigne, voyage, se forme, acquiert les grâces qui lui manquaient, et les joint aux vertus. Son rival, au contraire, sous les plus beaux dehors, cache une âme perverse ; sa philosophie égoïste le rend infidèle à tous ses devoirs envers le femme qui lui avait tout sacrifié, envers son prince qui l’avait comblé de faveurs, et envers sa patrie qui avait placé en lui ses espérances. Ce conte est une satire en action contre les principes de la philosophie moderne.
Les huit volumes de la suite des Nouvelles sont divisés ainsi : 1o la Fille du marguillier, suivi de Charles et Hélène ; 2o Lysley (trad. de Heun), suivi de Nantilde et de Frères et Sœurs (trad. de Mme Picheler) ; 3o la Ferme aux abeilles, imité d’Aug. Lafontaine ; 4o la Jeune aveugle, suivi de la Poupée bienfaisante ; 5o le Châlet des Hautes-Alpes, suivi de Deux feuilles du journal de mon ami Gustave, et de L’Amour et Silence (deux nouvelles, trad. de Mme Picheler) ; 6o Cécile de Rodeck (trad. de Mme Picheler), suivi de Alice, ou la Sylphide (trad. de l’anglais de la duchesse de Devonshire) ; 7o Histoire du comte Rodrigo de W***, suivi d’un Misogyne, ou l’Ennemi des Femmes ; 8o Sophie d’Alwin, ou le Séjour aux eaux de B***, suivi de la Découverte des eaux thermales de Weissembourg.
Nous connaissons encore de Mme de Montolieu : Recueil de Contes, contenant Una et Jenny, tous deux originaux. — Le Voilà enlevé, et Melechsala (imités de Musæus). — Les Châteaux suisses, anciennes anecdotes et chroniques, 3 vol. in-12, 1816. (Les Châteaux de Wyssembourg, les Grottes de Lidenthal, le Château de Halwyl sont traduits de l’allemand ; les autres Nouvelles sont originales). — Les Chevaliers de la Cuillère, suivis du Château des Clées et de Lisely (nouvelles trad. de Heun), in-12, 1823 ; c’est le complément au 4e volume des Châteaux suisses. — Exaltation et Piété, quatre nouvelles dont le jeune Quaker est seule originale ; les autres sont imitées de l’allemand. — Le Robinson suisse, 3 vol. in-12, 1824. (Ouvrage réimprimé plusieurs fois depuis.) — Les ouvrages que nous venons de citer, mi-originaux, mi-traduction, ne forment que la plus petite partie des publications de Mme de Montolieu. La plus considérable se compose de traductions, ou, pour parler plus exactement, d’imitations de l’allemand et de l’anglais. La collection de ses ouvrages originaux et de ses traductions forme 105 vol.