Revue des Romans/Joseph Louis d’Ortigue

La bibliothèque libre.
Revue des romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
◄  Opie Paran  ►


ORTIGUE (Joseph d’), né à Cavaillon vers 1800.


LA SAINTE BAUME, in-8, 1834. — La Sainte Baume est un roman religieux. Le roman religieux est une invention de notre époque, et rien n’atteste mieux que cette nouveauté la décadence où est tombé de nos jours le sentiment religieux. La religion se suicide le jour où elle dit au siècle : Vous ne venez plus à moi, eh bien, j’irai à vous ! me voilà ! Voilà pourtant où en est réduit, à l’heure qu’il est, le prosélytisme religieux. De là l’invention des romans religieux, de là aussi l’idée qui a inspiré le roman de M. d’Ortigue ; roman en trois tableaux, dont le premier a pour titre Prédestination, le second Initiation, et le troisième Purification. Pour les détails comme pour le fond, c’est le catholicisme qui fait tous les frais de ce livre, dont le système se résume par cette conclusion : « Toute beauté, toute poésie, toute inspiration découle du catholicisme, parce que toute vérité a sa source en lui. » Quoi, il n’y a eu ni beauté, ni inspiration dans la poésie et dans les arts, ni vérité, ni lumière scientifique et philosophique avant l’ère chrétienne ! Quoi, jusqu’à la venue du Christ, le genre humain aura eu des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne point entendre, une intelligence pour ne point comprendre ! À ce compte il faut rayer de nos souvenirs le siècle d’Homère, le siècle de Périclès, le siècle d’Auguste, tout l’éclat de la civilisation grecque et romaine. Voilà pourtant les illusions dont se bercent encore quelques esprits éclairés ! Au milieu de notre grand monde philosophique et libéral, issu de la révolution française, il existe un petit monde qui se dit et se croit sincèrement plus religieux que le siècle. Soutenu par deux ou trois hommes de talent, ce petit monde s’est mis à prêcher le siècle, et à lui répéter sur tous les tons : La philosophie vous a rendus bien malades ; la philosophie vous fait languir et sécher sur pied ; renversez votre idole, secouez le joug de la philosophie, revenez à la foi de vos pères. — Cela se dit et se publie sur les toits, cela se dit en vers et en prose, souvent avec un talent remarquable. Le siècle écoute, applaudit quelquefois, mais le siècle ne se convertit pas.

Nous connaissons encore de cet auteur : Le Balcon de l’Opéra, in-8, 1833.