Revue des Romans/Louis-Benoît Picard

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Revue des romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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PICARD (Louis-Benoît), de l’Académie française,
né à Paris le 19 juillet 1769, mort le 31 décembre 1828.


LES AVENTURES D’EUGÈNE DE SENNEVILLE ET DE GUILLAUME DELORME, écrites par Eugène en 1787, 4 vol. in-12, 1813. — Picard a déposé et réuni dans ce roman la foule des traits épars d’observations que lui ont fournis, pendant sa vie, les actions et les discours des hommes, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse. À l’exemple de le Sage, il y a aussi rassemblé plusieurs aventures contemporaines, qu’il a assez embellies pour ôter à ceux qui en sont les héros l’envie de se fâcher, quand il ne les a pas assez changées pour leur ôter la possibilité de se reconnaître. Une analyse de cet ouvrage est presque impossible à faire ; elle serait d’ailleurs beaucoup trop longue et peut-être fastidieuse. Dans un roman ordinaire, la fable a pour terme un événement final, une catastrophe heureuse ou malheureuse ; ici les événements ne tendant pas vers un but final, ils se composent non de l’histoire de deux individus, mais de celle de la vie entière de l’homme, dont le cours se déroule naturellement depuis la naissance jusqu’à la mort. — Eugène de Senneville, constamment dupe de lui-même et des autres, raconte ses aventures et celles de Guillaume Delorme, le fils du fermier de son père, son frère de lait, son camarade de collége, dont la vie a été aussi bien réglée, aussi bien remplie que la sienne a été vide et mal ordonnée ; arrivé à l’âge où l’on est revenu de ses erreurs, et devant en grande partie ce retour aux bons avis, et surtout aux bons exemples de Guillaume, il s’acquitte envers son ami en lui donnant de justes éloges ; et en faisant l’aveu sincère de ses torts passés, il les expie pour ainsi dire, et acquiert le droit de se les reprocher moins vivement.

Picard s’est principalement attaché, dans ce roman, à la peinture des caractères. On y trouve des physionomies expressives et tellement vraies qu’on se rappelle les avoir vues, et qu’on doit en rencontrer de semblables dans la société. Qui n’a pas rencontré dans le monde un original comme César le bossu, citant à tout propos quelques vers de son cher Horace, et donnant à ses parents de ces sages conseils qui sont toujours si mal suivis ? Après avoir voulu pendant quelque temps, en dépit de la nature, se mêler à la foule des acteurs, il s’est prudemment retiré à l’écart pour ne jouer que le rôle de spectateur. Un des personnages le plus spirituellement dessinés est l’abbé Doriolis, prestolet frivole et suffisant, qui a fait de très-faibles études, mais a appris à bien conduire sa jolie voix, qui craint plus que tout le froid et le hâle, qui répond par des lieux communs ou des défaites à ceux qui veulent sonder son mince savoir, et se venge d’eux par de froides épigrammes sur les défauts de leur taille ou de leur habit. Le portrait de Victor Mathelin, s’il n’a pas exactement son type dans la société, est formé d’éléments divers si bien assortis, qu’il semble avoir été créé par la nature ; fils de banquier, devenu banquier lui-même, ce petit homme épais et rond, à la face épanouie, gros rieur sans sujet, grand parleur sans motifs, fait banqueroute pour faire plus vite sa fortune, et rit au nez de ceux qui viennent lui reprocher de les avoir ruinés. Beauclair est un fripon qui a juste acquis ce qu’il faut pour prendre beaucoup d’ascendant sur les caractères faibles ; beaucoup de jactance, de la hardiesse et de l’impudence. Gaspard, fripon d’une autre espèce, est tout juste ce qu’il doit être pour ruiner un homme et exciter l’indignation de tous les autres ; c’est un très-habile et très-avide procureur, qui renonce à gruger de petits clients dans une étude obscure, pour dépouiller un jeune homme riche et dépensier qui lui confie la régie de ses biens, dont il devient en peu de temps propriétaire. Pour faire contraste à cette figure, l’auteur peint celle d’un homme d’esprit et d’honneur, d’un homme aimable et bon, du jeune avocat Duverdier, ami du travail et du plaisir, composant le matin des mémoires et le soir des chansons, dirigeant fort bien les affaires d’autrui, et conduisant assez mal les siennes, faisant par raison la cour aux procureurs qui peuvent lui envoyer des causes, et cédant à son instinct qui le pousse à leur dire de dures vérités ; enfin, après une longue vie, laissant pour toute fortune à ses enfants une bonne éducation, un nom honorable, une bicoque à la campagne, et dix cartons pleins de vers de société. Le caractère le plus saillant est sans contredit celui de Guillaume Delorme, qui joue un rôle très-actif et très-brillant dans la première partie du roman. Dès le collége, il attire sur lui les yeux par son amitié généreuse et sa noble fierté ; bientôt on le voit, par des motifs délicats, repousser un état que ses parents veulent lui donner, parce qu’il désespère d’y concilier les lois de la nature et celles du devoir. Amoureux, sans espoir, de la charmante Laure, il refuse un mariage avantageux pour lui conserver un cœur qu’il n’ose lui offrir ; et quand Eugène est à la veille d’épouser cette noble et belle personne, que pourtant il n’épouse pas, Guillaume, qui ne veut pas troubler le bonheur de son ami, et qui ne peut pas en être témoin, a le courage de s’expatrier pour chercher, dans l’absence et l’éloignement, un remède aux maux de son âme. En Amérique, il se dépouille d’une grande fortune qu’un ami lui a laissée, pour la rendre à des parents déshérités, et il croit à peine faire une chose louable. Revenu en France, il presse Guillaume d’épouser Laure, et il n’accepte la main qui s’offre à lui que lorsque Eugène n’y peut plus prétendre. — Dans tout l’ouvrage, l’observation est profonde sans affectation : elle y est d’autant plus piquante, qu’elle ne se présente jamais sous la forme dogmatique, et que presque toujours elle a celle d’une remarque naïve, ou d’un aveu échappé à la bonne foi de l’historien.

MÉMOIRES DE JACQUES FAUVEL, publiés par MM. J. Droz et L.-B. Picard, 4 vol. in-12, 1822. — Dans cette production remarquable, fruit de la réunion du talent aimable et de l’imagination gracieuse de deux écrivains de beaucoup d’esprit, les auteurs ont voulu mettre en action une grande pensée philosophique qu’ils ont développée avec bonheur ; ils ont voulu montrer l’homme bercé par l’insouciance dans la jeunesse, soutenu par la fermeté et la persévérance dans l’âge mûr, et dans la vieillesse par la résignation. Fauvel perd sa mère en naissant ; la mort de son père le livre à l’animosité jalouse d’une belle-mère. Dépouillé de tout par un tuteur avare, mis au collége d’où il s’enfuit, devenu compagnon d’un charlatan et obligé de s’enfuir encore ; errant, malade à l’hôpital, artisan, auteur, soldat, homme de plaisir, secrétaire d’un magistrat, d’un grand seigneur, d’un financier, maître de langue, commis d’un fabricant, prisonnier au fort l’Évêque, il passe son enfance et sa jeunesse, soutenu dans ses traverses par une gaieté insouciante, par un optimisme inaltérable, par une conscience restée pure au milieu de bien des étourderies. Devenu homme, Fauvel se voit à la tête d’une riche fabrique ; heureux époux, heureux père, il semble n’avoir plus à craindre que les embarras et les dangers, plus nombreux qu’on ne pense, de la prospérité, lorsque par de soudains revers de fortune il perd tout, richesse, famille, patrie, épouse. Il ne cherche plus alors à s’étourdir sur ses malheurs par l’insouciance, il n’appelle pas à son secours un dur et froid égoïsme ; il oppose aux maux réparables une activité courageuse ; il sent vivement les peines du cœur, et, à défaut de consolations dont il ne veut pas, il trouve du moins de la force pour l’accomplissement des devoirs qui lui restent à remplir. La vieillesse de Fauvel ressemble aux autres époques de sa vie ; il voit son repos troublé, lorsqu’il en a le plus besoin ; le seul fils qu’il a conservé, il le perd par une affreuse catastrophe, au moment où un mariage désiré va faire le bonheur de deux familles ; et le pauvre Fauvel n’a plus pour ses derniers jours que sa pieuse résignation et l’attente d’une vie meilleure : mais ces ressources, qu’il trouve en lui-même, suffisent pour qu’une mort digne d’envie termine cette existence agitée. — On voit que la pensée qui domine tout l’ouvrage s’y reproduit sous toutes ses faces, et reparaît sans cesse dans les situations les plus diverses. Un autre mérite digne de remarque, c’est que tous les personnages groupés autour de Fauvel ont chacun leur caractère propre, et conservent jusqu’au bout leur physionomie. Les vertus évangéliques de l’oncle, le bon pasteur ; la haine cupide et envieuse de la famille Ménars, les tribulations d’Achille Fauvel, l’enthousiasme et le cœur d’artiste de l’honnête Roland, la bonhomie vaniteuse de Mme  Dumarsay, les inutiles empressements de l’officieux Blaveaux, la circonspection du principal commis Saint-Hubert, la vertu janséniste du conseiller Naudé, et un grand nombre d’autres caractères, saisis avec finesse et dessinés avec vérité, jettent dans le récit une variété qui en soutient l’intérêt, et donnent au lecteur la satisfaction de croire qu’il est lui-même observateur, lorsqu’il distingue et reconnaît ces différents caractères.

LE GIL BLAS DE LA RÉVOLUTION, 5 vol. in-12, 1824. — Laurent Giffard, le héros de ce roman, est un de ces hommes propres à tout, ayant peu de principes, point de fortune, et tout juste autant de caractère qu’il en faut pour se soumettre constamment à la volonté du premier venu. La révolution le surprend à vingt-deux ans, premier garçon chez un perruquier, et comme il a la main leste et légère, c’est lui qui a l’honneur de coiffer les pratiques les plus considérables du quartier, parmi lesquelles est le marquis de Rinville, capitaine de cavalerie, et le comédien Durosay. En arrivant à Paris, Giffard a été recommandé à une famille d’honnêtes gens, dont le chef est le prote d’imprimerie Lefèvre, qui lui donne de bons conseils que le jeune perruquier ne met pas longtemps à profit. Une heureuse obscurité ne suffisant pas à ses vœux ambitieux, Giffard s’affilie à une société populaire, tout en faisant partie d’une autre société où l’on ne se séparait qu’aux cris de vive le roi ! Comme ses affaires prospéraient, il s’associa à une troupe de comédiens bourgeois où il se présenta sous le nom de Giffard de Cuissac, et où il fit connaissance avec la jeune et jolie Thérèse, belle-sœur de l’imprimeur Lefèvre, dont le marquis de Rinville devint l’amant aimé, et qui le rendit père d’un fils. M. de Rinville émigre, et Giffard, qui venait d’éprouver une mésaventure dans sa société patriotique, le suit de l’autre côté du Rhin, où il veut se faire passer pour noble ; mais reconnu par quelques gentilshommes dont les têtes lui avaient passé par les mains, il est forcé de reprendre la houpe et le cuir anglais. Pauvre Giffard ! c’était bien la peine d’émigrer ! … À la faveur de son obscurité, il rentre en France, s’enrôle dans une troupe de comédiens, dont faisait partie Thérèse, l’amante délaissée du marquis de Rinville. Bientôt il quitte le théâtre, devient négociant, journaliste, directeur de spectacle, fournisseur de l’armée d’Italie, où il fait une fortune rapide, et finit par épouser Thérèse, à laquelle il n’eut pas de peine à faire accepter sa main et le partage de ses richesses. Mme  Giffard faisait honneur à la fortune de son mari ; il lui vint dans l’idée d’en faire un législateur, elle le fit nommer membre du conseil des Cinq-Cents. Le 18 brumaire, Giffard sauta un des premiers par la fenêtre ; mais le soir il était de retour à Saint-Cloud et votait l’approbation de la mesure qui l’avait tant épouvanté le matin. La nouvelle constitution est mise en activité, on nomme des tribuns, des sénateurs, des conseillers d’État, et Giffard est oublié, ou plutôt on n’avait pas oublié qu’il avait été perruquier. Sous l’empire, Giffard, dont la fortune n’avait survécu que de quelques jours au gouvernement républicain, se vit forcé d’accepter une place d’huissier du cabinet, qu’il ne parvint même pas à conserver. Après bien des démarches, il fut placé dans les droits réunis, fut mis à la retraite, devint philosophe, et se trouvait barbier dans un village du Dauphiné, lorsqu’un courrier parti de la capitale vint porter aux habitants de l’Isère la déchéance de Napoléon. Possesseur d’une vingtaine de mille francs qui lui étaient comme tombés du ciel, Giffard, qui se croyait royaliste, se mit en route pour Paris, où il se lance de nouveau dans l’intrigue et dans la politique, mais partout il est maladroit. Les événements de 1815 arrivent, il accepte une place de commis à une des mairies de Paris, d’où il passe en qualité d’adjoint à un des colléges électoraux improvisés pour la représentation nationale ; au Champ de mai, il figurait parmi les hérauts d’armes de l’empereur. Après les Cent jours, Giffard perd par ses sottises et par ses maladresses tous ses protecteur ; il descend de jour en jour aux plus bas étages de la société, et s’achemine lentement vers la route qui conduit à Bicêtre, où sa philosophique indigence trouve un asile, et des amis qu’il ne s’attendait plus à revoir, du moins dans un pareil séjour.

Presque tous les personnages de ce roman sont peints avec une grande vérité. Ce ne sont pas des physionomies arrêtées, des caractères largement dessinés, mais des girouettes qui tournent par des rubans, ou des dignités, ou des emplois ; vingt fois on est tenté d’écrire le nom au-dessus de celui du marquis de Rinville, de Durosay et autres. En général, ce roman est une lanterne magique de personnages qui, bien que placés dans des rangs contraires et de positions différentes, agissent cependant d’une même façon. Il faut toutefois excepter de cette galerie le fils de Rinville et Rose Lefèvre, qui jettent sur l’ouvrage une teinte douce et délassent le lecteur des scènes politiques qui y sont répandues à profusion. Si ce roman n’intéresse que faiblement, du moins il amuse, il égaie ; il y a des scènes de comédie excellentes, des chapitres écrits avec une gaieté et une vérité dont bien peu de contemporains connaissent le secret, une variété, une richesse de détails, une surabondance d’esprit et de portraits satiriques, qui seraient capables de faire la fortune de dix romans que ne protégerait par un nom comme celui de l’auteur des Marionnettes et de la Petite ville.

L’EXALTÉ, ou Histoire de Gabriel Désodry, sous l’ancien régime, pendant la révolution et sous l’empire, 4 vol. in-12, 1824. — Comme l’analyse des aventures de Désordy, depuis son enfance jusqu’à sa mort, nous mènerait un peut trop loin, nous nous contenterons de le montrer tour à tour séminariste et dévot, presque fanatique sous l’ancien régime ; patriote ardent et rédacteur d’un journal républicain pendant la révolution ; puis persécuté au nom même de la cause de la liberté qu’il avait embrassée avec chaleur, et obligé de fuir sa patrie pour échapper à la proscription ; adepte philosophe, dans une petite ville d’Allemagne ; enfin, rentré en France et devenu courtisan et chambellan sous l’empereur, toujours en proie à des sentiments d’exaltation dans ses croyances religieuses, dans ses opinions politiques, dans ses études de philosophie, dans ses projets d’ambition et de fortune ; tourmenté par sa faiblesse et par son inconstance, et trop heureux de revoir près de lui, autour de son lit de mort, une sœur chérie et le mari de cette sœur, qu’il avait négligés et abandonnés dans les jours de sa prospérité. Son beau-frère, homme véritablement bon et de grand sens, est l’historien de son ami, et fait passer en revue, sous les yeux du lecteur, le bon Lecoq et sa femme, l’hypocrite et patelin Falcol, la coquette Derblay, et une foule d’autres personnages avec lesquels on n’est pas fâché de faire connaissance. — Ce roman est un livre vrai, écrit avec goût et facilité ; c’est un ouvrage qui sait instruire et plaire, qui fait aimer le bien, en présentant la conduite des hommes vertueux de manière à la faire aimer, et qui porte à fuir les vices et les travers, en nous les montrant tels qu’ils sont.

L’HONNÊTE HOMME, ou le Niais, 3 vol. in-12, 1825. — M. Picard a cherché à prouver dans ce roman que la probité est un moyen plus sûr de parvenir que l’intrigue. George Dercy reçoit le jour dans une petite ville. Après avoir fait d’assez bonnes études au collége d’Orléans, il vient à Paris, où il est successivement élève en médecine, clerc d’avoué et commis marchand ; mais il quitte bientôt les bancs d’Hippocrate, l’étude de l’avoué, la boutique de nouveautés, parce que son professeur de médecine est un charlatan, son avoué un corsaire qui dépouille ses clients, son marchand un fripon qui dupe ses pratiques. Georges retourne dans sa ville natale où il obtient une place à la sous-préfecture, qu’il perd parce que, dans une circonstance pareille à celle de Joseph, il se conduit avec la femme du sous-préfet comme Joseph avec la femme de Putiphar. Après cette disgrâce, Georges part pour l’Amérique avec ses principes et une pacotille ; on lui laisse ses principes, mais on lui prend sa pacotille ; il voyage chez les sauvages, où il est encore volé, et manque même d’être mangé ; il fait la connaissance du fils d’un de nos ambassadeurs près les cours du Nord, et, par le crédit de son père, est placé dans le cabinet particulier d’un ministre ; un de ses oncles meurt et lui laisse cinquante mille francs de rente ; il est électeur, et pour n’avoir pas voulu voter aux élections d’après les idées du ministre, il perd sa place et est remplacé par un intrigant. Georges pense à se marier, mais au moment de conclure son mariage, il est supplanté auprès d’une riche héritière par un autre intrigant ; il fait ensuite la connaissance de la nièce d’un receveur général, modeste, très-douce et sans fortune, qui le refuse parce qu’il est riche, mais à laquelle il parvient enfin à faire accepter sa fortune et sa main. — Telle est à peu près l’analyse du roman de M. Picard, où le niais se trouve avoir été le plus spirituel ; l’insensé, le plus sage ; l’homme simple et gauche, le plus fin et le plus habile ; l’homme raillé et persécuté, heureux, tandis que les railleurs et les persécuteurs ont vécu dans la honte, la misère et l’ennui.

LES GENS COMME IL FAUT ET LES PETITES GENS, ou Aventures d’Auguste Minard, fils d’un adjoint de maire de Paris, 2 vol. in-12, 1826. — « Les honnêtes gens de toutes les classes, voilà la bonne compagnie ; les fripons, même titrés, voilà la canaille. » Telle est la conclusion de ce roman, dont le titre, du reste, indique assez clairement le but. L’auteur arrive à cette conclusion après avoir fait traverser à son héros, Auguste Minard, les hautes classes de la société et les classes inférieures, où il trouve les mêmes vices, sous des dehors différents, pour le fixer ensuite dans les classes intermédiaires, où il rencontre enfin le bonheur, ami des mœurs, de l’ordre et de l’industrie. — Dans ce roman, l’auteur s’adresse plus à l’esprit et à la malignité du lecteur qu’à sa raison et à son cœur ; il le fait sourire quelquefois ; mais rarement il parvient à l’intéresser, même pour son héros, parce qu’il semble avoir pris à tâche de peindre plutôt des ridicules et des vices que des sentiments et des passions. Une seule fois il change de pinceaux, c’est lorsqu’au dénoûment il ramène Auguste Minard aux pieds de cette Marie qu’il avait d’abord dédaignée, et sans laquelle il reconnaît qu’il ne peut vivre heureux ; mais le contraste n’est pas assez ménagé, la situation n’est pas amenée, et paraît même beaucoup trop romanesque, à côté de la grande simplicité des moyens que l’auteur a employés jusque-là.